La commune de Castellet-lès-Sausses choisit le câble pour récolter le bois de sa forêt

La commune de Castellet-lès-Sausses, dans les Alpes-de-Haute-Provence, souhaite valoriser sa forêt et y récolter les bois pour assurer une sylviculture dynamique. Cependant, le relief escarpé rend très difficile l’accès à la forêt par les engins d’exploitation. Pour relever le défi, l’ONF a proposé à la commune le débardage par câble, une technique d’exploitation alternative dans des conditions difficiles.

Malgré les investissements de la commune pour créer une route forestière accessible aux camions de transport des bois, la parcelle concernée, composée de pins sylvestres et de hêtres, est restée invendue de nombreuses années, en raison des trop grandes difficultés d’exploitation. Plusieurs acheteurs avaient visité la coupe sans faire d’offre. Il fallait donc trouver une solution technique pour extraire les bois de la forêt qui soit réalisable économiquement.

La solution technique : le débardage au câble mât

La topographie de la parcelle, sans réseau de piste à tracteur, avec par endroit plus de 400 m entre le haut de la parcelle et la route forestière, rend l’exploitation impossible par les moyens habituels. La solution proposée par l’ONF est d’extraire les bois à l’aide d’un câble. Cette technique nécessite du matériel de pointe et des compétences très spécifiques ce qui induit des coûts d’exploitation élevés, pouvant être jusqu’à 2,5 fois plus élevés qu’une exploitation mécanisée classique.

C’est l’entreprise Provence Abattage, basée à La Gaude dans les Alpes-Maritimes qui a réalisé l’opération.

Le débardage par câble est une technique innovante d'exploitation forestière, permettant de transporter les bois, telles des cabines téléphériques via un câble aérien, directement du lieu de coupe à une zone de dépôt (généralement les bas-côtés d’une route). L’Office national des forêts déploie cette méthode alternative aux procédés traditionnels de sylviculture.

Habituellement, le câble porteur travaille à la montée, c’est-à-dire qu’il monte les bois. Mais ici, comme il n’y a pas d’accès par le haut, il a fallu inverser le sens pour que les bois descendent.

Steven Fontaine, câbliste chez Provence Abattage

L'opération câble en chiffres

L'arrivée du tronc en vidéo

Le tronc est récupéré avec la pince pour être positionné sur le tas de bois.
©Marine Susini / ONF

Le transport, une contrainte importante

La route forestière de 12 km pour arriver jusqu’à la place de dépôt est revêtue par empierrement avec de nombreux lacets qui limite le gabarit des camions. Il a donc fallu réduire de moitié la longueur des bois transportés pour ne pas dépasser 6 mètres. Une contrainte supplémentaire qui a augmenté les coûts de transport de 15€/m3 et oblige à échanger avec les clients sur un cahier des charges spécifique à cette coupe.

C’est l’entreprise AG Bois dont le siège se situe à Puget-Theniers dans les Alpes-Maritimes, qui a assuré ce transport.

Le choix du bois façonné

Ces nombreuses contraintes techniques ont engendré des coûts d’exploitation importants. Comment trouver le financement nécessaire ?

Notre préoccupation a été de rentabiliser au mieux cette coupe, c’est-à-dire d’en extraire un maximum de produits et de leur trouver des débouchés intéressants. Nous avons pour cela proposé à la commune de réaliser l’exploitation en bois façonnés avec des contrats d’approvisionnement. Le suivi de la coupe et le contrôle des produits ont été assurés par Clément Huche, technico-commercial bois de l'agence des Alpes-de-Haute-Provence.

Julien Bochet, chef du service bois de l'agence ONF des Alpes-de-Haute-Provence

Le principe de l’exploitation en bois façonnés est le suivant : l’ONF réalise la coupe pour le compte de la commune, trie les bois en fonction des différentes qualités et valorise ces produits en les livrant à des transformateurs locaux par contrat d'approvisionnement.

©ONF

Deux catégories de bois ont été triés :

  • les gros bois sont valorisés dans les scieries locales entre Nice et Digne. La bille de pieds pouvant faire de la belle charpente ou de la menuiserie pour les plus belles qualités et de l’emballage (palette) pour les bois plus noueux ;
  • les bois de moins bonne qualité sont destinés à fournir de l’énergie en étant brûlés.

Cette double valorisation en bois-énergie et bois d’œuvre, permet d’optimiser la rentabilité de la coupe et la commune peut en dégager un meilleur revenu.

Cette exploitation a permis à la commune d’obtenir un revenu de 8000 € qui pourront être réinvestis dans la forêt, peut-être pour financer de nouvelles plantations.
Cette opération est rentable pourtant, beaucoup de maires sont encore réticents à se lancer dans ce type d’exploitation. Il y a certainement beaucoup de pédagogie à faire.

Claude Camilleri, maire de Castellet-lès-Sausses

Retour en images de la visite du chantier le 4 septembre 2023

Un équilibre financier difficile à trouver

Sur ce chantier particulièrement complexe, la vente des produits bois d’œuvre et bois énergie, n’a pas suffi à assurer l’équilibre financier. Une aide de la région Sud-Provence-Alpes-Côte d’Azur et de l’industriel GazelEnergy a été nécessaire.

  • La Région Sud-Provence-Alpes-Côte d’Azur a mis en place depuis quelques années une politique d’aide à la mobilisation des bois par câble. L’objectif est d’inciter les propriétaires à réaliser leur coupe en leur offrant une aide au mètre linéaire de câble installé afin de compenser le surcoût de ce mode d’exploitation. Elle prend en compte la complexité des travaux d’exploitation, les aménagements que la coupe nécessite et l’ingénierie financière.
  • L’industriel GazelEnergy qui a acheté la partie bois-énergie a accepté de les acheter un peu plus cher, entre 10 à 15 € le m3 de plus que la valeur initiale des bois, pour prendre en compte les difficultés de la coupe et ainsi assurer un minimum de revenu à la commune propriétaire.

La valorisation des produits, à laquelle s’ajoutent les deux aides, de la région et de GazelEnergy, a permis à la commune de dégager un revenu et à l’ONF d’assurer la pérennité de la forêt tout en alimentant la filière bois locale en bois d’œuvre et en bois énergie.

Julien Bochet, chef du service bois pour l'agence ONF des Alpes-de-Haute-Provence