Que font les forestiers après un incendie en forêt ?
Chaque été, des feux ravagent les forêts. Qu’ils soient accidentels, volontaires, liés à la foudre ou aux lignes électriques, ils créent des dégâts visibles pendant de nombreuses années. Impact paysager, baisse de valeur et de production de bois pour les propriétaires de parcelles sinistrées, impact sur le tourisme et dans certains cas perte de biodiversité … Que peuvent faire l’Office national des forêts (ONF) et les acteurs de la filière forêt-bois face à ces catastrophes ?
Faut-il planter pour permettre à la forêt de repousser au plus vite ? Pas toujours, indiquent les experts de l'ONF. D'un point de vue écologique comme économique, les plantations représentent un investissement important, sans garantie de réussite selon les régions et les types de peuplements sinistrés. Le propriétaire forestier ne s’y résout donc que lorsque c’est la seule option permettant de répondre aux objectifs de gestion de la forêt (comme ici en forêt communale de Champagny-en-Vanoise en Savoie où 80 hectares de forêts avaient brûlé en 2003). C’est le cas lorsque la régénération naturelle s’installe difficilement après l’incendie, alors que l’état boisé est souhaitable, voire nécessaire, par exemple pour la protection contre les risques naturels.
Mais le plus souvent, notamment en zone méditerranéenne où la forêt est relativement résiliente au feu, les forestiers laissent la nature se régénérer par elle-même après un incendie. "Si on ne replante pas, c’est avant tout parce que les arbres finissent toujours par repousser, même si c’est plus long", explique Frédéric Prodhomme, forestier dans le Vaucluse qui a vu, en juillet 2017, un incendie brûler 1 200 hectares de pins et de chênes dans le Parc naturel du Luberon.
"Nous avons observé que de nouvelles graines sont présentes naturellement sur le sol après l’incendie, car la chaleur a favorisé l’ouverture des cônes des pins", continue-t-il. Pour retrouver des arbres de 10 à 20 mètres de haut, il faudra en moyenne 70 à 100 ans. Mais trois à cinq années suffisent pour atténuer l’impact visuel sur le paysage avec la couverture du sol par des herbacées et les premières repousses des espèces arbustives et arborées.
Autre priorité pour les forestiers : assurer le retour de la faune en limitant ou interdisant les actions de chasse. Pendant le feu, seuls quelques oiseaux et les grands mammifères parviennent à prendre la fuite. Ils retrouvent la forêt lorsque les milieux commencent à se refermer par la repousse de la végétation, indispensable à leur alimentation. Deux ans après l'incendie de la colline du Vaucluse, lièvres, perdrix, sangliers et chevreuils ont regagné les lieux. Pour les petits mammifères, leur retour prend un peu plus de temps.
Exploiter le bois qui a brulé
Ce choix du devenir des arbres brûlés et des actions à mener pour la réhabilitation est en principe déterminé par une étude de restauration de terrain incendié (RTI). Cette dernière peut être réalisée par les équipes de l’ONF à la demande des communes sinistrées. "Il s’agit d’abord d’apporter une expertise sur les risques post incendie ; chute d’arbres calcinés menaçant des enjeux, éboulements, glissements de terrain ou éventuelles inondations, puis de faire des propositions de réhabilitation des espaces incendiés", résume Marion Toutchkov, experte à l’agence DFCI. Autrement dit, il faut déterminer ce qui a été brûlé et avec quelle intensité, et quelles techniques mettre en œuvre pour la reconstitution.
Au cours d’un incendie, seules les parties fines de la végétation brûlent ; les troncs vivants ne se consument pas forcément totalement, seule leur surface est partiellement carbonisée et noircie. Vite récoltés, les bois restent donc exploitables, mais les impacts et traces superficielles de l’incendie peuvent conduire à un déclassement de leurs usages possibles. Les pins seront valorisés pour l’énergie dans les grandes centrales à biomasse régionales, tandis que les chênes alimenteront la filière bois de chauffage, s’ils sont en bon état, ou seront directement broyés avec les pins pour l’énergie. Le pin d’Alep, qui est souvent transformé en pâte à papier, ne pourra plus l’être si le bois est noirci.