Les réserves biologiques intégrales du massif de Fontainebleau étudiées à la loupe
Dans les réserves biologiques intégrales (RBI), l’empreinte de l’homme se fait rare. Au cœur du massif forestier de Fontainebleau, en Seine-et-Marne, elles sont des lieux de conservation uniques évoluant librement depuis plus de 150 ans pour certaines. Fontainebleau en compte 7 couvrant 1 060 hectares sur les 1 350 ha de RBI en Île-de-France.
A l’intérieur, la nature s’exprime en un mélange de branches cassées, vieux bois et arbres morts en quantité. Noueux, moussus, tordus, ils s'élancent comme ils peuvent vers la lumière. Cette "anarchie" apparente assure la conservation d’insectes qui se nourrissent ou vivent dans le bois mort. Certains, rarissimes en France comme le Lucane cerf-volant, le grand Capricorne ou le Pique-prune, y trouvent un habitat privilégié. Et, qui dit insecte dit pics qui profitent de leur présence sous les écorces. Sans compter les nombreuses chauves-souris qui y trouvent les conditions de vie favorables.
La richesse écologique des RBI tient principalement aux peuplements forestiers matures composés de vieux arbres. La survie de plus de 20% des espèces animales et végétales forestières en dépend directement.
Connaître le patrimoine naturel des réserves biologiques intégrales
Observer la dynamique naturelle d’une forêt en libre évolution figure parmi les objectifs des inventaires lancés en 2022 par les agents de l’ONF. Ceux-ci s’appuient sur le Protocole de suivi dendrométrique des réserves forestières (PSDRF), un dispositif scientifique appliqué de la même façon par tous les gestionnaires de réserves naturelles françaises.
Il repose sur un réseau de points fixes géoréférencés, appelés "placettes permanentes". Dans un rayon de 20 mètres, les mesures consistent à collecter différentes données sur tous les arbres - vivants, dépérissant ou morts - qu’ils soient debout ou au sol.
Sur chaque point, "on recense les essences présentes, leurs mensurations (hauteur et diamètre) et on évalue la régénération (présence ou non de semis). Ensuite, on étudie les différents compartiments des arbres en décrivant les micro-habitats présents dans chaque arbre", explique Julien Simon, chef de projet biodiversité à l’agence ONF Île-de-France Est.
Micro-habitats est le nom donné aux spécificités des arbres qui servent de nourriture ou d'abri, et ainsi favorisent le développement d’organismes vivants. "En observant les arbres, on en voit à tous les étages : de la base du tronc jusqu’à la cime. Ce sont par exemple les cavités, les champignons, les écorces décollées, les mousses ou lichens qui tapissent le bois... Tous ces micro-habitats visibles sont décrits durant les inventaires." détaille-t-il.
Suivre l’évolution des RBI à travers le temps
Lancé en 2022, il s’agit du deuxième état des lieux complet des réserves biologiques intégrales effectué avec ce protocole. Le premier ayant eu lieu en 2007. Quatre années d’inventaire seront nécessaires pour couvrir les 1 060 ha de RBI. Le protocole a démarré dans la RBI du Gros Fouteau puis s’est poursuivi, l’année dernière, dans la RBI de la Tillaie.
In fine, les données de cette nouvelle campagne d’inventaire contribueront à mieux comprendre les dynamiques des vieux peuplements forestiers du massif de Fontainebleau. Elles permettront aussi de mesurer l’écart entre les parcelles gérées et celles laissées en libre évolution.
"En repassant aux mêmes endroits tous les 10-20 ans avec les mêmes relevés, on évalue les effets du temps sur les RBI. Autrement dit, on y mesure ce qui se passe quand on ne touche à rien. C’est intéressant de voir l’état de conservation des boisements et ce que deviennent les arbres morts" conclut Julien Simon.
Le Protocole de suivi dendrométrique des réserves forestières (PSDRF) s’appuie sur un dispositif scientifique national. Il est identique à tous les gestionnaires de réserves naturelles en France avec qui l’ONF mène des programmes de recherche et d’échanges d’informations.
En chiffres
Fontainebleau est l’une des rares forêts abritant les six espèces de pics des plaines d’Europe occidentale : épeiche, épeichette, vert, cendré, mar et noir.
Fontainebleau abrite 17 des 20 espèces de chiroptères recensées en Ile-de-France dont quatre espèces d’intérêt communautaire : le Murin de Bechstein (espèce considérée comme quasi-menacée), la Barbastelle d’Europe (espèce en danger critique en Île-de-France), le Murin à oreilles échancrées (quasi-menacé en Ile-de-France) et le Grand Murin (vulnérable en Ile-de-France).
Depuis 2020, dans les forêts domaniales, à l’image de Fontainebleau, ces inventaires réalisés dans les réserves biologiques intégrales reçoivent un soutien du ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires dans le cadre de la mission d’intérêt général que l’Etat confie à l’ONF.
Les gros bois et vieux arbres constituent un élément essentiel pour l’accueil d’une partie de la biodiversité (entomofaune, avifaune, mammifères, bryophytes, lichens, champignons). Cela s'explique en grande partie par la présence d’une grande diversité de micro-cavités dans les vieux bois, champignons, fentes et écorces décollées, tapis de mousses ou lichens...