Un verger à graines pour améliorer la qualité génétique du cèdre de l'Atlas
En France, le cèdre de l'Atlas ne s'adapterait plus aux changements climatiques aujourd'hui autant que lorsqu'il a été implanté sur le territoire dans les années 1860-1880 dans des conditions particulièrement difficiles. Cette hypothèse, émise par les chercheurs de l'INRA d’Avignon, est à l'origine du projet de verger à graines de cèdre auquel s'est associé l'ONF.
L'idée est de retrouver les qualités génétiques des premières générations de cèdres de l'Atlas, originaires d'Algérie et ayant survécu à l'introduction, de manière à conserver cet arbre en France en lui permettant de résister au changement climatique en cours. Aujourd'hui, la répartition de cette essence est limitée à des zones situées de 600 à 800 mètres d'altitude avec des pluviométries allant de 800 à 1.000 mm/an. On le retrouve notamment dans certaines forêts méditerranéennes.
A la recherche des arbres “fondateurs"
Le verger à graines, que l'ONF et l'INRA visent à créer, serait constitué de clones d'arbres "fondateurs". Autrement dit, les premiers cèdres de l'Atlas implantés en France. Pour retrouver ces arbres de 120 à 130 ans et s'assurer qu'ils fassent bien partie de la première génération, les forestiers ont procédé à des carottages (technique permettant de prélever un échantillon de bois jusqu'au cœur de l'arbre). Les généticiens supposent que ces arbres possèdent encore toutes leurs caractéristiques d'adaptation et de résistance à l'aridité, contrairement à leurs descendants qui n'ont pas connu les mêmes conditions de stress.
Les individus de ce tout premier verger à graines de cèdre auront une grande diversité génétique qui leur permettra de s'adapter plus facilement au stress lié au changement climatique.
120 Cèdres "fondateurs" ont été retrouvés au sein de 5 peuplements : Rialsesse (Aude), Labouret et Issole (Alpes-de-Haute-Provence), Ventoux et Luberon (Vaucluse). Des rameaux et des graines ont été prélevés sur chacun.
Dans un premier temps, les rameaux ont été greffés sur de jeunes cèdres pour créer des clones des fondateurs. Grâce à cette méthode, le patrimoine génétique des arbres est conservé.
"Les arbres clonés n’ont pas la même physionomie, mais ils ont le même ADN", précise Patrice Brahic, responsable de la pépinière de Cadarache (Bouches-du-Rhône) dans laquelle poussent les jeunes clones.
Trouver les clones les plus résistants grâce à des tests sur les descendants
En parallèle, les graines ont été semées à la pépinière de Cadarache. Elles forment désormais de jeunes plants qui constituent la descendance des arbres fondateurs, et non leurs clones. Dès 2020, un dispositif expérimental testera leur résistance à des conditions de sécheresse.
Une partie des plants sera mise en condition de stress hydrique, c’est-à-dire que leur alimentation en eau sera réduite. L'autre partie servira de "témoin" : elle sera cultivée et arrosée normalement. "En observant la réponse des plants à cette sécheresse contrôlée, on détermine quelle descendance réagit le mieux, et donc quel fondateur a fourni le meilleur ADN à sa progéniture", détaille Patrice Brahic.
Après 4 à 5 mois d’expérimentation, la seconde phase consistera à arroser l’ensemble des plants pour étudier leur reprise après un stress important. Y aura-t-il des mortalités induites par le stress hydrique ? C'est ce que cherchent à savoir les forestiers. "Quand nous aurons trouvé les descendants qui se comportent le mieux, nous planterons les clones des fondateurs les plus résistants dans les vergers à graines. Dans 20 à 25 ans, ces clones produiront leurs premières graines", explique le responsable de la pépinière. Une ressource précieuse pour améliorer la population de cèdre de l'Atlas en France, et pourquoi pas, l'étendre à d’autres régions.