La santé des chênes et des hêtres étudiée et suivie dans le temps
Ces dernières années, en raison des sécheresses à répétition, certains arbres dépérissent dans les forêts d’Île-de-France. Les forêts de Fontainebleau, des Trois-Pignons et de la Commanderie n’échappent pas au phénomène. Les effets du changement climatique, amplifiés par des sols sableux qui retiennent difficilement l’eau, s’y ressentent. Les arbres réagissent rapidement aux épisodes de chaleur et de déficit hydrique, avec des conséquences sanitaires négatives.
Savoir comment les arbres réagissent face aux aléas climatiques est une donnée importante à à connaître avant de trouver des solutions. C’est pourquoi, l’ONF réalise un suivi de l’état sanitaire des forêts publiques. Pour cela, différentes méthodes d’inventaire existent : l’une d’entre elles se nomme DEPERIS. Elaborée par le Département de la santé des forêts (DSF) du ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté Alimentaire, elle consiste à observer annuellement l'état sanitaire d’un échantillon d’arbres répartis dans les massifs forestiers.
Observer la cime des arbres
Dans les forêts de Fontainebleau, des Trois-Pignons et de la Commanderie, les forestiers de l’ONF parcourent en été, 59 placettes permanentes dans lesquelles 15 arbres feuillus (885 au total) font l’objet d’une analyse annuelle. En observant toujours ces mêmes arbres, cela permet de voir comment leur état sanitaire évolue dans le temps.
Dans la ligne de mire, les chênes et les hêtres, en priorité, car ils souffrent du manque d’eau et tendent à dépérir plus précocement. Depuis 2023, s’est ajoutée au dispositif l’observation des pins sylvestres : 60 placettes permanentes installées avec 15 arbres analysés par placette, soit au total, 900 pins suivis.
Pour reconnaître les signes de dépérissement, le protocole DEPERIS identique à toutes les forêts publiques se base sur l’observation de la cime des arbres en appliquant une notation. Autrement dit, plus elle est détériorée (perte des rameaux, faible densité des feuilles et mortalité des branches), plus la note s’élève (de A à F). Un arbre est considéré comme dépérissant à partir de la note D et au-delà.
Les signes extérieurs du dépérissement sont simples. On regarde la mortalité des branches au sommet des arbres et le manque de ramifications. Un arbre se porte bien, s’il possède des branches fines et un feuillage dense. A l’inverse, les arbres fragilisés se distinguent notamment par l’absence totale ou partielle de feuilles sur une partie ou la totalité de leur cime.
Les hêtres plus fortement impactés
En attendant les résultats de 2024, les données collectées à la même période en 2023, confortent les enseignements déjà observés pendant les campagnes précédentes.
Le suivi des feuillus porte sur l'observation de 915 arbres feuillus : 167 chênes pédonculés, 363 chênes sessiles et 235 hêtres. Un dépérissement assez important se confirme :
- 44 % des arbres sont considérés comme dépérissants sur ce dispositif (note à partir de D)
- 84 % des placettes du dispositif sont considérées comme dépérissantes.
Une placette est considérée dépérissante lorsqu'au moins 20 % des arbres y sont dépérissants.
Si la succession des années chaudes et sèches (2018, 2019, 2020) a affaibli les arbres, le dépérissement marque un ralentissement ces 2 dernières années. D’une façon générale, les peuplements âgés souffrent le plus : « Les arbres les plus vieux ont grandi dans un certain climat et s’adaptent plus difficilement. ». Toutefois, ce constat évolue « aujourd’hui, toutes les classes d’âge sont touchées plus ou moins fortement par un dépérissement. Cela questionne sur leur capacité à s'adapter aux variations climatiques à venir » explique Charlotte Bouchaud, chargée de sylviculture à l’agence Île-de-France Est.
L’inquiétude se porte aussi sur la présence durable du hêtre. « Le dépérissement des hêtres déjà important lors des derniers inventaires se confirme. Sa présence va être, à terme, moins grande dans le massif de Fontainebleau. »
Pour les chênes, il est encore difficile d'établir un modèle précis, tant les incertitudes subsistent face à l’ampleur du changement climatique mais aussi à leur capacité d’adaptation. « Le chêne est capable d’encaisser des difficultés sur quelques années. Mais la répétition des sécheresses pourrait faire peser un risque ».
Une note d'espoir toutefois « Ces inventaires nous apprennent que le chêne sessile, très présent à Fontainebleau, s’en sort mieux que le chêne pédonculé davantage marqué par le manque d’eau » conclut Charlotte Bouchaud.
Reconduit chaque année, le protocole DEPERIS entend suivre l’évolution du dépérissement et de l’affaiblissement des arbres sur le long terme. Scruter l’état sanitaire de ces essences permet de guider les mesures de gestion, dans le but d’accompagner au mieux l’adaptation des forêts au changement climatique.
Un protocole étendu aux autres massifs forestiers gérés par l’agence Île-de-France Est
L’agence Île-de-France Est réalise ce suivi DEPERIS dans toutes les forêts domaniales de plus de 1 000 ha (Sénart, Armainvilliers, Notre-Dame, Crécy, Jouy) qu'elle gère. Porté essentiellement sur les chênes et les hêtres, l’inventaire réalisé en 2023 ne montre pas de signes alarmants sur ces deux essences dans ces massifs.
La protocole s'appuie sur échantillon de :
- 150 arbres suivis, répartis dans 10 placettes dans les forêts d'Armainvilliers, de Notre-Dame, de Crécy et de Jouy
- 300 arbres suivis, répartis dans 20 placettes dans la forêt de Sénart.