Les sols forestiers, un patrimoine naturel très riche mais menacé
1/ Qu’appelle-t-on « sol forestier » ?
Le sol c’est « l’épiderme de notre planète ». Il s’est formé sous les effets du temps, du climat et de la végétation. C’est un milieu complexe, très riche, composé de matières solides, d’eau, d’air et d’organismes vivants. Il est notamment constitué de particules minérales (limons, sables, argiles, métaux dont des éléments nutritifs majeurs et les oligo-éléments) et de matière organique. Il contient également de l’eau et de l’oxygène qui se révèlent très importants pour les racines des végétaux et tous les autres éléments vivants comme les bactéries, les champignons, les taupes ou les vers de terre. Pour vous donner une idée, on dit souvent que dans une cuillère à café de sol forestier, on trouve plus d’êtres vivants que d’êtres humains sur toute la surface du globe !
2/ Quelles sont ses fonctions ?
Les sols forestiers sont dépolluants. Avec le temps, ils parviennent en effet à éliminer les contaminants comme les herbicides ou les fongicides… Heureusement, depuis 2019, l’ONF applique la stratégie « zéro phyto ». Autrement dit, depuis cinq ans, aucun produit phytosanitaire n’est plus utilisé en forêt. Leur disparition des sols prendra du temps mais elle est en marche, chaque jour un peu plus, grâce au cycle vertueux de la forêt.
Le sol forestier est aussi un stock formidable de carbone. Environ 60% du stock de carbone des forêts tempérées se trouve dans le sol. En capturant ce carbone, le sol forestier joue donc un rôle-clé dans la régulation du climat puisqu’il freine le réchauffement planétaire.
Et pour finir, il est essentiel car il supporte la végétation et les organismes vivants dans le sol. Il régule l’eau en quantité et en qualité, permet les échanges d’air entre l’atmosphère et les racines ou les organismes du sol et fournit des éléments nutritifs, indispensables à la croissance des arbres. Pour l’avenir et la bonne santé de nos forêts, c’est donc un allié indispensable.
3/ Le Mémento 2024 de l’IGN évoque 7% de forêt dégradée qui pourrait subir un dépérissement. Et les sols, comment vont-ils ? Dépérissent-ils eux aussi ?
En forêt, le bilan est mitigé. Certaines parcelles ont été surexploitées dans le passé et le sol témoigne toujours de cet appauvrissement que ce soit en épaisseur (érosion) ou en éléments nutritifs (notamment en raison des taillis à courte rotation ou encore les exports de litière). Toutefois, les sols forestiers sont en bonne santé, c’est-à-dire qu’ils expriment une grande part du potentiel dont ils ont hérité grâce à des pratiques raisonnées.
À l’inverse des sols agricoles, ils ne sont pas intensivement labourés ni traités chimiquement (engrais minéraux et produits phytosanitaires). Ils conservent ainsi toute leur biodiversité et leur fertilité chimique et physique (épaisseur et structure). Ils ne subissent pas chaque année d’exports importants de biomasse (ensemble des matières organiques issues du vivant pouvant devenir des sources d'énergie) et d’éléments nutritifs (en raison de la rotation longue, du maintien des feuillages et des menus bois au sol), ce qui permet de nourrir les organismes du sol et de stocker du carbone. L’eau y est de qualité grâce à la couverture végétale pérenne, à l’absence de travail du sol (moins d’érosion), de fertilisation et de traitements phytosanitaires ainsi qu’à l’adaptation du choix des essences aux sols. Enfin, la transpiration des arbres crée des îlots de fraîcheur que beaucoup de villes bétonisées cherchent aujourd’hui à retrouver en désartificialisant les sols.
4/ Les sols subissent-ils des menaces particulières aujourd’hui ?
Longtemps, les polluants atmosphériques liés aux transports et aux voitures ont abîmé les forêts, acidifiant directement les sols, mais bien heureusement, dans les années 1980, des législations ont permis de freiner cette tendance. Même s’ils portent encore les cicatrices de ces polluants, les écosystèmes se remettent progressivement ou s’adaptent à cette acidité. En effet, en forêt, les sols sont rarement nus ou alors très temporairement. Très vite, on y retrouve de la matière organique par la chute des branches, des feuilles, des aiguilles ou la mort de petites racines. Cet apport quasi constant les garde enrichis et en bonne santé !
À l’heure du réchauffement climatique, les forestiers sont aussi très attentifs au risque d’incendies en forêt. D’une part, ils provoquent la libération dans l’atmosphère de carbone capturé dans les arbres et dans la litière et d’autre part, en perdant la biodiversité et la couverture arborée et arbustive, on se retrouve avec un sol nu et fragile, facile à éroder.
Par ailleurs, ce qui préoccupe fortement l’ONF, c’est le tassement des sols lors du passage des machines de débardage. Cela crée des sols compacts dans lesquels les racines auront du mal à entrer et l’eau à s’infiltrer, ce qui augmente le risque de sécheresse. De plus, dans les zones pentues, le tassement augmente fortement le ruissellement et donc l’érosion. Pour y remédier, l’ONF limite la circulation des engins à des voies de circulation pérennes et veille aux types de machines utilisées et aux conditions d’humidité des sols au moment de la circulation. Les sols tassés représentent un risque d’échec d’enracinement des futurs plants et présenteront beaucoup moins de résilience face aux sécheresses potentielles. Il faut donc être très vigilants !
La litière en forêt, c’est quoi ? C’est toute la matière organique qui se trouve sur les sols : les feuilles, les rameaux, les brindilles, les bois morts, les cadavres d’animaux... En se décomposant par un processus naturel, les éléments nutritifs contenus dans la matière organique redeviennent disponibles pour la végétation.