“A l'ONF, le réseau RDI est en pointe sur les questions forestières liées au changement climatique”
Ce mercredi 8 juillet 2020 s'est tenu le comité scientifique de l'ONF. Cette instance indépendante de 15 experts externes, mandatés par arrêté ministériel, a pour mission d'émettre des avis sur les défis forestiers d'aujourd'hui et de demain. Quel étaient les grands enjeux de ces échanges ?
La recherche doit être au cœur des enjeux forestiers à moyen et long terme. Les forêts gérées par l'Office national des forêts, mais aussi toutes les forêts françaises, affrontent des défis considérables. Parmi eux, le changement climatique est une réalité visible. En raison de la hausse des températures, des sécheresses répétées et de l’invasion d’insectes ravageurs (scolytes, chenilles processionnaires…), l’avenir des forêts devient problématique. Mener des actions pour son adaptation est un enjeu central.
Dans ce contexte climatique, la dimension économique est aussi une question importante : comment gérer de manière durable ces forêts pour répondre à la demande de bois, d'autres produits et de services sociétaux ? La société évolue et les citoyens, plus concernés, interrogent également les pratiques forestières. Les professionnels de la forêt doivent intégrer ce questionnement, même si cette contestation citoyenne est parfois ambiguë. Des techniques, autrefois considérées comme "classiques", sont aujourd'hui contestées, comme les coupes dites rases par exemple, au moment du renouvellement des peuplements. Et ce, alors que la société demande que la forêt fournisse des services plus nombreux : des loisirs (promenades, parcours…), des meubles, des logements en bois… Ces différents enjeux sont au cœur de la gestion durable de l'ONF et ont fait l’objet d’échanges nourris lors de la réunion de ce mercredi 8 juillet 2020.
Dans ce cadre et en tant que président de la 3ème commission d'évaluation RDI, vous avez rédigé un rapport. Sur la période 2016-2020, vous saluez le travail intense des équipes et évoquez les nombreux domaines étudiés. Quels sont, selon vous, les points forts à retenir ?
Tout d'abord, il y a un vrai consensus du comité scientifique pour saluer la pertinence des travaux du réseau RDI. Observations des écosystèmes, sélection des essences adaptées, protection des sols, techniques innovantes… Ces travaux de recherche répondent à de nombreux enjeux en proposant une vision de long terme, pertinente et de qualité.
Le réseau RDI est ainsi à la pointe sur les questions forestières liées au changement climatique. Ses efforts de recherche concernent d'abord les forêts publiques, mais s'étendent naturellement à toutes les forêts. En France, ce réseau est de très loin l'un des principaux pôles de recherche appliquée forestier. Il faut en prendre soin !
Enfin, ce réseau a su mettre en place très tôt des outils puissants et de nombreux projets. L’un des outils les plus exemplaire est le Réseau national de suivi à long terme des écosystèmes forestiers (RENECOFOR), qui suit l'évolution des peuplements forestiers dans le temps. Ce dispositif, mis en place depuis plus de 25 ans, permet de comprendre le fonctionnement des forêts dans la durée et leurs évolutions dans un contexte de changement climatique.
Sur le changement climatique, ce réseau est capable d’apporter aux professionnels, dès maintenant, des outils et des éléments sur la gestion des peuplements ou encore sur les futures essences à retenir.
Vous soulignez quelques fragilités cependant…
Beaucoup de questions stratégiques liées au changement climatique en forêt reposent sur un nombre réduit d'experts. Par exemple, en matière de fonctionnement des sols, les compétences reposent sur quelques personnes à l'ONF. Il y a aussi des lacunes en matière de sciences sociales pour mieux comprendre les liens entre société et forêt. Enfin, les budgets moyens de recherche et développement des entreprises et des établissements publics restent trop faibles par rapport aux grands enjeux qui nous attendent…
Giono, RENEssences… Les projets scientifiques menés par le réseau RDI sont nombreux. Comment faire en sorte que ces travaux touchent toujours plus les professionnels ?
Grâce à tous ces projets expérimentaux qui associent des forestiers de terrain, le réseau RDI de l'ONF s'est placé à l'interface entre une communauté de chercheurs académiques (les universités, INRAE…) et les professionnels (forestiers de terrain…). Sur le changement climatique, il est capable d’apporter à ces derniers, dès maintenant, des outils et des éléments sur la gestion des peuplements ou encore sur les futures essences à retenir.
Les écosystèmes forestiers évoluent eux-mêmes dans des écosystèmes plus larges (milieux agricoles, milieux urbains, milieux artificialisés, milieux naturels "ouverts", agroforesterie…). Quels sont les autres grands enjeux pour le réseau RDI dans les prochaines années ?
Une autre tendance forte se dégage. Les scientifiques et les forestiers doivent y répondre. C'est l'aménagement des espaces : les arbres en ville, les rivières (ripisylve) ou encore l'agroforesterie. Ce sont des espaces "multi-usages". Il faut voir également la forêt dans un espace plus large intégrant les espaces limitrophes, en premier lieu agricoles. Il faut dès maintenant réfléchir sur la façon dont on va accompagner ces changements, en prenant en compte les problématiques de déprise agricole (abandon sur une longue période de l'activité de culture ou d'élevage) et de reforestation. Mais aussi se demander avec quels acteurs nous allons gérer ces problématiques d’aménagement du territoire. Sur ce dernier sujet, le réseau RDI doit aussi ouvrir ses portes.