2020, les forêts du Compiégnois à l'épreuve du climat : ensemble, préparons leur avenir
Sur le massif de Compiègne-Laigue (Oise), les peuplements adultes dépérissent, fragilisés par leur âge ou par les tempêtes, et surtout par le manque d’eau lié aux sécheresses répétées. Ce phénomène est d’autant plus accru que les sols sableux ne retiennent pas l’eau, contrairement aux sols argileux.
Les jeunes pousses, semis et plants, sont dévorés par les larves de hannetons au niveau des racines sur 2/3 de leur surface à des densités variables. Les grands herbivores consomment aussi leurs bourgeons et des feuilles, compromettant ainsi la dynamique de renouvellement. Une accélération des dépérissements depuis 2015, d’importants échecs de régénération et la découverte de l’omniprésence du hanneton ont conduit l’ONF à déclencher une crise sanitaire.
Face à cette situation sanitaire sans précédent, et après une phase de diagnostic approfondie lancée en 2017, les forestiers de l'ONF sont à pied d’œuvre avec de nombreux partenaires techniques, scientifiques et associatifs pour imaginer les nouvelles solutions et préparer la forêt de demain. Dans ces massifs forestiers, l'enjeu est de taille comme le montrent les chiffres sur le changement climatique ci-dessous.
du massif Compiègne-Laigue très sensible aux sécheresses.
des peuplements en place dépérissent.
d'échecs dans les plantations et les semis naturels (moyenne).
Quatre objectifs et des actions très concrètes
- 1/ Mettre en place une forêt résiliente et fonctionnelle, capable de fournir les services attendus
Parce que la compréhension des phénomènes doit être approfondie, parce que les solutions imaginées doivent être testées, une forêt en crise devient un terrain d’expérimentations et un laboratoire à ciel ouvert pour la recherche et l’innovation. Ainsi, diversité et gestion adaptative à base de solutions fondées sur le vivant et la nature sont les maîtres mots de ce nouveau modèle. Forêt mosaïque, îlots d’avenir… font parties de ces solutions.
Il y a lieu d’appréhender la forêt sous sa dimension écosystémique. Il nous faut prendre conscience que la diversité des interactions entre les différentes espèces, végétales, animales et microbiennes, est l’assurance de la résilience des forêts face aux aléas du changement global.
La forêt a également peut-être trouvé un allié inattendu dans la présence du Cerisier tardif (Prunus serotina). Cette espèce invasive a longtemps été combattue par les forestiers. Désormais trop installée en forêt de Compiègne-Laigue, la lutte est vaine et le coût trop élevé sans garantie de résultat.
Etudié depuis plus de 20 ans par les équipes du Professeur G. Decocq de l’UPJV, certains résultats redonnent espoir car passé une dizaine d’années, les dynamiques naturelles se réenclenchent sous son feuillage qui s’éclaircit. "Apprendre à agir en univers incertain, c’est parfois apprendre à laisser faire, quitte à laisser de côté les dogmes et ce que nous prenions pour des certitudes", assure-t-il.
- 2/ Conserver ce réservoir de biodiversité, majeur pour le nord de Paris et les Hauts-de-France
Le massif de Compiègne-Laigue, par sa taille et sa position centrale, constitue un réservoir de premier plan qui conserve et essaime une biodiversité remarquable. Celle-ci constitue une force et un atout essentiels pour la résilience de la forêt et du territoire.
Le plan de crise proposé par l’ONF pour les forêts de Laigue et Compiègne, est l’opportunité de proposer une réflexion commune des acteurs sur la forêt de demain à l’échelle d’un territoire. Pour France Nature Environnement, acteur national reconnu par le monde forestier, il est naturel de soutenir et de participer à ce projet avec de nombreux partenaires qui place la biodiversité, la dimension sociale et le rôle des forêts comme puits de carbone au cœur de ses objectifs.
Localement, les menaces et les évolutions en cours affectent 40% des surfaces. Elles auront des impacts sur l’écosystème, certains positifs, d’autres négatifs. Le comité scientifique pour les forêts publiques de Picardie regroupant l’expertise naturaliste et scientifique régionale a été réactivé début 2020 pour orienter et évaluer les travaux de gestion conservatoire et les effets des bouleversements en cours sur l’écosystème et sa fonctionnalité.
- 3/ Optimiser le puits de carbone de la forêt et du bois pour atteindre les objectifs de neutralité carbone
Dans ces forêts du Compiégnois en crise, la mise au point de critères de récolte adaptés à la vitesse des dépérissements est essentielle pour valoriser les bois de qualité avant dépréciation irréversible.
Plusieurs actions peuvent être conduites pour favoriser et amplifier l’utilisation du bois sur notre territoire forestier de premier plan, contribuant ainsi à la baisse des émissions de GES et à la sobriété carbone dans le cadre de la transition écologique :
- engager un travail prospectif avec les universités locales et Fibois Hauts-de-France pour de nouveaux usages du bois, via la chimie verte ;
- Promouvoir et prescrire l’usage local du bois (bois d’œuvre, bois d’industrie, bois énergie).
L’importance de la filière forêt-bois
La gestion forestière et la valorisation du bois dans notre quotidien (structure, charpente, parquets, menuiserie, barriques de vins, énergie, etc.) stockent et économisent des millions de tonnes de carbone. Elles génèrent également plus de 400 000 emplois au plan national, près de 40 000 en région Hauts de France. La Région, la Direction régionale de l’agriculture et la forêt et l’interprofession Fibois Hauts-de-France, qui fédère l’ensemble des acteurs de la filière forêt-bois de l’amont à l’aval, des propriétaires et gestionnaires, aux architectes et constructeurs, en passant par les établissements de formation et les transformateurs, constituent à ce titre des partenaires incontournables pour intégrer la dimension écologique et économique de la forêt et du bois dans nos actions.
- Renforcer le dialogue et les partenariats avec la société
Parce que cette gestion est plus complexe et que la demande, voire le "désir" de forêt, s’expriment plus, la mise en place d’un dialogue et d’un partenariat plus fort avec la société pour expliquer les choix de gestion, échanger et mieux partager les stratégies engagées avec des citoyens de plus en plus intéressés par les forêts et désireux de s’impliquer, est essentielle. Nous devons impérativement être à l’écoute de ces attentes et envisager, avec des moyens adaptés, des espaces d’animation et de médiation.
Tous ensemble, il nous faut amplifier ce mouvement et aller plus loin : le contrat de transition écologique du Grand Compiégnois, qui a identifié la forêt comme un axe stratégique pour le territoire, est une formidable opportunité pour engager et réussir ce pari.
D’ores et déjà de nombreuses initiatives sont engagées, à l’image de l’association de Sauvegarde du patrimoine des forêts du Compiégnois (SPFC) et son action pour la préservation du patrimoine ou du think tank "La forêt" réunissant différentes personnalités de la société civile dont la dynamique collective permet de faire émerger des idées et des actions pour la forêt. Préfecture, département, collectivités territoriales ont également manifesté leur intérêt pour la démarche et nous soutiennent.
Dès le printemps prochain, ces axes de travail ont vocation à être enrichis, développés, expliqués, débattus afin de bâtir une vision de la forêt partagée, avec l’ensemble de la société civile et tous les citoyens intéressés par la forêt et désireux de s’impliquer.