Peyrat-le-Château : une pépinière pour l’avenir forestier
Le constat est connu : l’évolution rapide du climat impacte de plus en plus nos forêts. « On est dans une urgence, le temps entre la forêt et le changement climatique n’est pas du tout le même, on a une vitesse du changement qui est bien supérieure à ce que nous et les espèces ont pu connaître » commente Brigitte Musch, coordinatrice nationale des ressources génétiques à l’ONF. Certains arbres n’arrivent plus à produire de graines. Le forestier travaille à très long terme, main dans la main avec le chercheur. Les modélisations sur l’évolution des espèces vont jusqu’à 2100. Elles permettent d’anticiper, en ciblant celles dont nous aurons besoin et en les diversifiant, tout en visant des graines de meilleure qualité et des essences plus résistantes.
La pépinière expérimentale de Peyrat-le-Château (Haute-Vienne) s’inscrit dans cette mission d’expérimentation et de création de variétés. Mise en place en 1968 par l’État dans le cadre du Fonds Forestier National, maintenant Pôle national des ressources génétiques forestières (PNRGF), ce site de l’ONF est spécialisé en greffage d’essences issues des vergers à graines. De nouvelles variétés y voient le jour, par la sélection, la multiplication et la reproduction des individus les plus adaptés d’une même espèce.
Pôle national des ressources génétiques forestières (PNRGF)
Il désigne l’ensemble des pépinières expérimentales de l’ONF et s’inscrit dans une mission d’intérêt général financée par l’État, visant à travailler sur l’adaptation, la conservation et l’amélioration des essences forestières.
L’ONF compte trois pépinières expérimentales :
- Guéméné-Penfao (Loire Atlantique)
- Peyrat-le-Château (Haute- Vienne)
- Cadarache (Bouches-du-Rhône)
Pourquoi choisit-on telle ou telle espèce ?
Tout d’abord, le PNRGF avec ses partenaires évalue la capacité de résistance des essences face à divers phénomènes. C’est le cas du chêne pubescent, dont Brigitte Musch suit l’évolution : « C’est une espèce du Sud. Avec le réchauffement, son aire de répartition va remonter vers le Nord, mais les arbres n’auront pas la possibilité de migrer aussi rapidement que le climat. Le fait de créer un verger avec des graines de qualité va nous permettre d’implanter des peuplements mélangés avec des bonnes graines pour de la migration assistée ».
Les vergers à graines permettent d’obtenir une ressource en graine en quantité et de qualité. Une fois l’essence ciblée, on se rend dans les peuplements pour sélectionner les spécimens les plus intéressants. Puis le greffage entre en scène.
La migration assistée, c’est se transformer en oiseau : on prend les graines d’un endroit et on va les planter à un autre. On reproduit ce que la nature aurait fait naturellement si le climat lui en avait laissé le temps.
Les 5 critères de sélection d'une espèce de graine
- Sa résistance aux conditions climatiques
- Son patrimoine génétique
- Son adéquation avec le futur lieu d’implantation (risques ou non de mal-adaptation)
- Sa croissance, sa robustesse, ses caractéristiques mécaniques (utilisation du bois d’œuvre)
- Sa diversification : l’espèce apporte-t-elle une biodiversité au peuplement ? Permet-elle de conserver des espèces animales ?
Le greffage, comment ça marche ?
L’idée est de combiner les qualités d’un végétal avec un autre, pour obtenir un arbre plus résistant. La technique consiste à mettre un greffon de la plante que l’on veut reproduire, sur un porte-greffe. « Cela permet de multiplier un arbre intéressant, de conserver sa génétique en plusieurs exemplaires. C’est comme faire la photocopie d’un arbre, à l’infini !" explique Sébastien Guérinet, responsable de la pépinière expérimentale de Peyrat-le-Château. Et de poursuivre : "On a des greffons et des porte-greffes de la même espèce. Les greffons sont sélectionnés dans la nature et cheminent ensuite à Peyrat-le-Château, où ils sont mis en place sur les porte-greffes ». Ces derniers viennent de plants élevés dans la pépinière.
Après la greffe, il faut compter une saison de végétation avant la plantation. Selon l’espèce, il faut entre deux et quatre ans pour élever un plant. Les techniciens présents travaillent sur une quarantaine d’espèces : cormier, pin sylvestre, cyprès, mélèze… pas loin de 15 000 greffes par an.
Du verger à graines à la plantation
Ces vergers, qu’ont-ils de si particulier ? Premièrement, ils regroupent une sélection d’arbres venus de forêts diverses, soit autant de patrimoines génétiques qui se rencontrent. Ensuite, ils favorisent la fécondation de ces arbres tous en même temps, ce qui favorise un maximum de croisements. Enfin, ces arbres produisent beaucoup plus vite qu’en forêt, grâce au greffage en amont : en greffant des arbres âgés sur de jeunes pieds, on a des greffons qui peuvent avoir 200 ans et qui ont déjà l’habitude de fleurir. Le temps que la greffe prenne et le tour est joué ! « Au lieu d’attendre 70-80 ans pour qu’ils fleurissent, ils vont fleurir au bout de 20-25 ans. On aura donc une fructification beaucoup plus rapide » précise Brigitte Musch.
Les graines récoltées sont ensuite stockées et testées dans différentes forêts, selon un procédé très encadré. Tout ce processus ne se substitue pas au travail de la nature.
Le paradigme est simple : il faut avoir des espèces adaptées au climat d’aujourd’hui et au climat du futur. Ce que l’on fait, c’est simplement imiter la nature et hâter son œuvre !
Les vergers à graines
Ces parcelles produisent les graines qui participeront au repeuplement de la forêt. On en compte une vingtaine en France. Le but est de regrouper des arbres d’une même essence pour qu’ils se reproduisent entre eux et fournissent une graine la plus diversifiée génétiquement, plus vite que le cycle naturel et de meilleure qualité !
Pourquoi on ne laisse pas la forêt se débrouiller ?
« On le fait ! Greffer et faire des vergers à graines, c’est une petite part de la réponse pour l’adaptation des forêts, car la majeure partie de nos forêts se régénère naturellement et c’est ce qui continuera à se faire dans le futur. Pour autant, on a besoin de diversifier nos approches et les espèces, parce que plus on a d’espèces différentes dans une forêt, plus elle sera résiliente aux aléas ».