Entre forestiers allemands et français, un riche partage de techniques sylvicoles
Entre l'Allemagne et la France, les forêts ne connaissent pas de frontières, les techniques sylvicoles doivent être partagées. C'est tout l'objectif des échanges et des formations organisées entre les forestiers allemands et l’ONF des ex régions Alsace et Lorraine depuis 1996.
Ce partage des expériences est bénéfique aux forestiers d'outre-Rhin et de l'Hexagone. "Nous avons beaucoup appris du côté des Allemands, mais ils viennent aussi apprendre en France", explique Marc-Etienne Wilhelm, responsable du développement technique dans les agences ONF de Colmar et Schirmeck.
Une palette d’échanges
Depuis 2016, des formations pour l’ONF ont été organisées sur des sujets très variés : gestion forestière suite à la tempête de 1999, gestion des sapinières pessières, pineraies, hêtraies et douglasaies en conversion en futaie irrégulière, visite de places de dépôt de grumes résineuses de prestige, gestion de peuplements dévastés par d’anciennes catastrophes...
Depuis 2013, des groupes de forestiers allemands en formation sylvicole viennent en effet en France sur le thème de la gestion des chênes en sylviculture "à couvert continu". C'est-à-dire, un mode de gestion sylvicole assurant la récolte des vieux arbres pendant plusieurs décennies durant la période d'une régénération du chêne.
Des visites thématiques de groupes ont également lieu, par exemple sur la gestion du Parc National de Forêt Noire du Nord ou sur le thème des chênaies de montagne. "Ce sont des visites informelles de personnes intéressées par nos pratiques, principalement des forestiers du Bade-Wurtemberg, de Sarre, Rhénanie-Palatinat, Bavière, Saxe, Basse Saxe, Thuringe et Hesse", précise Marc-Etienne Wilhelm.
Depuis une vingtaine d'années, des petits groupes de trois ou quatre forestiers allemands accompagnent aussi parfois les techniciens de l’ONF en martelage. L'objectif : partager l’expérience du martelage en équipe (les forestiers allemands martèlent seuls ou parfois avec un bûcheron), et mettre en œuvre des pratiques qu’ils n’ont pour certains, pas l’occasion d’exercer dans leur zone d’activité (récolte de chênes et des pins de haute qualité, martelage du sous-étage de hêtre sous le chêne, gestion du mélange dans la hêtraie sapinière, traitement des lisières et des bords de routes).
Quant aux forestiers de l'ONF, responsables Environnement de diverses agences frontalières, ils ont pu récemment découvrir les principes de gestion du Grand Tétras en Forêt Noire. L'unité territoriale de Colmar a pu voir la gestion des frênaies touchées par la Chalarose en forêt de Kehl tandis que des UT du nord de l’Alsace ont pu échanger voire faire des martelages en commun avec des forestiers de Sarre ou de la commune de Baden Baden
Les échanges se perpétuent avec les nouvelles générations : tous les ans, les étudiants de l’école forestière de Weihenstephan rattachée à l’Université de Bavière et d’autres de l’Université de Fribourg en Brisgau visitent les chênaies françaises.
Profiter des expériences réciproques
Autre exemple : les sylviculteurs du Bade-Wurtemberg ont lancé il y a 30 ans ce qu'ils appellent la "gestion en Dauerwald" (forêt à couvert permanent), ce qui se rapproche de la futaie irrégulière en France. Cette technique de coupe forestière permet de maintenir un couvert boisé permanent et la présence d'arbres de différents âges sur une même parcelle.
Après les tempêtes de 1999, de nombreuses leçons ont été tirées en France de l’expérience allemande en la matière, pour apprendre notamment à utiliser les "successions naturelles". C'est à dire la végétation forestière qui se développe spontanément après une catastrophe.
En 2005 un projet européen Interreg a réuni la Rhénanie-Palatinat et l'Office national des forêts pour la rédaction d’un guide de gestion de la forêt après tempête. Un autre projet Interreg, en commun avec le Centre de recherche forestière de Fribourg en Brisgau a été consacré au chêne dans la Haute Vallée du Rhin, s’est conclu par un colloque franco-allemand en 2013.
Le métier d’animateur sylvicole a été créé en Rhénanie-Palatinat et en Sarre, en un réseau de 3-4 professionnels. Lors d’échanges post-tempête de 1999, l’ONF a découvert cette spécialisation et j’ai été considéré de fait comme animateur sylvicole. En 2003, ce métier a été créé à l’ONF sur la base de l’expérience de la Rhénanie-Palatinat. Et aujourd’hui, un tel réseau a été fondé en Bade-Wurtemberg au regard de l’expérience française !