L'ONF et l'Agence de l'Eau aux petits soins des libellules
Dans les forêts domaniales des Pays de la Loire, parmi ses missions de gestion durable, l’ONF veille à améliorer la fonctionnalité des réseaux de mares et de rives de cours d’eau favorables aux Odonates (libellules, demoiselles et apparentés). En 2006, c'est dans cette optique que des travaux ont été réalisés sur les mares de la forêt domaniale de Sillé, dans la Sarthe, en partenariat avec le Parc naturel régional Normandie-Maine.
L’objectif ? Favoriser la présence des Odonates et aussi des amphibiens et de divers invertébrés (vers, crustacés...). Ces travaux ont été suivis d’un inventaire des Odonates en 2008 et 2009 pour mesurer une première fois l'impact de ces actions sur cette biodiversité fragile et protégée.
Quelques espèces d'odonates observées en forêt de Sillé
Le saviez-vous ?
Les Odonates sont constitués de deux sous-ordres, les zygoptères - plus couramment appelées demoiselles, qui replient généralement leurs ailes au-dessus d’elles quand elles se posent - et les anisoptères, ou libellules, qui ont les ailes dépliées sur les côtés au repos.
Comme tous les insectes, les odonates participent activement à l'équilibre général des ecosytèmes. Leurs prédateurs naturels sont certains oiseaux insectivores et les araignées mais également eux-mêmes. Les libellules sont d'actives prédatrices : elles capturent généralement d'autres insectes et des congénères. Les adultes les chassent en vol et les larves, qui sont aquatiques, les capturent sous l'eau.
Au fil du temps...
Quatorze ans après, l'opération est une réussite ! La forêt de Sillé bénéficie dorénavant d’un cortège d’Odonates important et varié. 36 espèces sont actuellement connues dont l’Agrion mignon (Coenagrion scitulum), le Leste sauvage (Lestes barbarus) dans les mares forestières, le Cordulégastre annelé (Cordulegaster boltonii) sur les cours d’eau ou encore la Cordulie à corps fin (Oxygastra curtisii) dans les étangs.
Avec le soutien de l'Agence de l'Eau Loire-Bretagne, le but est maintenant de suivre l’évolution du site dans le cadre du plan national d’action en faveur des Odonates. Une étude comparative sera effectuée en suivant le protocole utilisé en 2008-2009. Elle permettra d’établir de nouvelles préconisations pour gérer le réseau de mares.
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Où trouver les données des inventaires ?
Les données des inventaires ONF sont publiques et déposées à l’Inventaire national du patrimoine naturel (INPN) dans le cadre du partenariat national avec le Muséum national d’histoire naturelle.
Durant deux années, un diagnostic de la ripisylve – les boisements des rives – et du cortège d’Odonates associés, sera dressé. Mickaël Ricordel, chef de projet environnement et naturaliste à l’ONF Pays de la Loire, a ainsi inventorié en mai 2020 les Odonates des tronçons de cours d’eau et identifié les secteurs à restaurer. Une fois localisés, les résineux seront remplacés par des aulnes, des saules ou des chênes pédonculés qui apprécient les milieux humides. Favorables à l’installation d’une végétation plus diversifiée, ils fixeront mieux les berges.
La présence des résineux remonte à une gestion forestière passée. Le massif forestier de Sillé est devenu propriété de l'État en 1925 seulement. Les forestiers ont dû le reconstituer sur une grande majorité de sa surface. Au cours des reboisements, durant plusieurs décennies et selon les connaissances de l'époque, de nombreux résineux ont été plantés le long des cours d’eau. La qualité de la végétation et la stabilité des berges s’en sont trouvées dégradées, ce qui a été également défavorable aux odonates.
Voir l'évolution d'un secteur forestier 14 ans après est très intéressant et peu fréquent. Les premiers résultats sont encourageants ! Lors de mon premier passage pour inventorier les Odonates de Sillé, en mai dernier, j’ai déjà observé 12 espèces. A titre de comparaison, 19 espèces avaient été contactées sur ces mêmes mares durant deux ans de suivis, en 2008-2009.
Par la suite et selon les résultats de ces études, de nouvelles opérations, pour restaurer ou créer des mares, poursuivront le travail accompli. Elles auront lieu de septembre à octobre 2022, en dehors de la période de reproduction de la plupart des espèces liées à ces milieux aquatiques. Les travaux sur la ripisylve se dérouleront de novembre à décembre 2022.
Le coût global de cette opération (diagnostic et travaux) s’élève à 34.000 euros. L’Agence de l’Eau Loire-Bretagne apportera une subvention de 17.000 euros.
Dupliquer les bonnes pratiques ailleurs
Les enseignements obtenus en forêt de Sillé seront valorisés notamment en forêt domaniale de Perseigne, en Sarthe également, avec le soutien de l’Agence de l’Eau Loire-Bretagne.
Par ailleurs, des inventaires similaires ont eu lieu en 2020 en forêt domaniale du Gâvre, en Loire-Atlantique. Selon les résultats des observations, et en suivant le même procédé qu'en forêt de Sillé, un programme de travaux sera défini et mis en œuvre avec le soutien financier du Conseil départemental de Loire-Atlantique afin de préserver et favoriser la biodiversité de ces milieux. A l’issue de la première année d’inventaire, au printemps dernier, 32 espèces ont été recensées sur 11 mares et 2 tronçons de cours d’eau de la forêt du Gâvre. C’est d'ores et déjà plus de la moitié des espèces connues sur le département de Loire-Atlantique à ce jour (56 espèces) !