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Vivre la forêt de la Haute-Fillière, le massif au-dessus des nuages

A trente minutes en voiture d’Annecy, la forêt domaniale de la Haute-Fillière offre à ses randonneurs des paysages à couper le souffle. Brice Henriot, forestier, sillonne ces chemins depuis 2014 et ne se lasse pas de la beauté de cette forêt haute-savoyarde. Chaque jour, il entretient ce massif multifonctionnel que promeneurs, bergers et agriculteurs affectionnent.

Le 4x4 quitte la route de Mont-Piton et s’enfonce sur la piste caillouteuse traversant la forêt communale de Fillière (Thorens-Glières) pour arriver au massif de la Haute-Fillière. Au volant, Brice Henriot, technicien forestier à l’unité territoriale d’Annecy, aborde la route cabossée sans hésitation tant il a l’habitude de l’emprunter. Pour un visiteur occasionnel, c’est un peu plus mouvementé. Au bout de quelques minutes de montée, Brice s’arrête sur le bas-côté. "Ici, nous sommes au Trou de la pierre. C’est un belvédère assez connu qui offre un point de vue sur le col de l’Enclave et sur le Salève. Si le temps le permet, on peut même apercevoir le lac Léman et la Haute chaîne du Jura. C’est vraiment très beau vu d’ici", confie Brice.

L’habitué de ces montagnes dit vrai. En cette matinée d’été, le ciel bleu encore brumeux offre un tableau d’une grande beauté. Face au belvédère, les montagnes couvertes de peuplements résineux d’un vert foncé varient en altitudes, se chevauchent les unes les autres et quelques rayons de soleil font ressortir leurs reliefs. Au fur et à mesure de sa promenade, le visiteur aura plusieurs fois l’occasion d’observer ces paysages typiques de la Haute-Savoie, mais toujours impressionnants.

Situé à trente minutes d’Annecy et de son célèbre lac, le massif de la Haute-Fillière s’étend sur 1 915 hectares. Ici, le sol composé majoritairement de roche calcaire plaît à l’épicéa qui y est majoritairement représenté. Du fait de son accès difficile aux engins forestiers, la production de bois n’est pas l’enjeu principal de la forêt. Dans ce paysage, les forestiers s’attellent quotidiennement à la préservation de la faune et de la flore environnante et à la gestion de la partie sylvo-pastorale.

Partager la forêt avec les agriculteurs

A partir de la mi-juin, les membres du Groupement Pastoral de Champlaitier amènent leurs génisses dans les prés de la forêt domaniale de la Haute-Fillière pour près de cinq mois. La gestion pastorale est un des principaux enjeux des forestiers de l’ONF dans cet endroit du massif. "L’Office entretient d’étroites relations avec le Groupement Pastoral, qui sont nos partenaires depuis 1974 pour entretenir les alpages. Nous les accompagnons dans leurs diverses démarches, comme la réfection de points d’eau pour les bêtes ou la réhabilitation de l’alpage en rouvrant certaines zones pour le pâturage", témoigne Brice.

En tout, ce sont 628 hectares qui sont loués par l’ONF aux agriculteurs pour faire pâturer 450 à 540 génisses à Champlaitier grâce à une convention conciliant enjeu pastoral et biodiversité. "Grâce à cette bonne entente, les randonneurs peuvent profiter d’un paysage unique mêlant pâturage, zones ouvertes, landes et forêts", confie Brice Henriot.

Découvrez l'interview de Brice Henriot, technicien forestier territorial à l'ONF, pour Sud Radio

Le territoire du Tétras-lyre

Dans cette forêt, le promeneur oscille entre la chaleur des zones ouvertes et la fraîcheur des peuplements, où feuillus et résineux se mélangent. Les nombreux milieux ouverts sont bénéfiques à un animal dont les populations sont en voie de régression et roi de ces lieux : le Tétras-lyre, qui niche et parade au sol. Pour la préservation de cet oiseau, l’Office national des forêts réalise régulièrement des travaux environnementaux de réouverture de milieux sur le massif de Sous-Dine-Champlaitier-Les Frêtes. Depuis 1979, le Tétras-lyre fait l’objet d’un suivi régulier sur tout le territoire français. La forêt de la Haute-Fillière est un site de référence pour son recensement. Si vous tendez un peu l’oreille au mois de mai, peut-être entendrez-vous ses roucoulements et ses chuintements. Très craintif, il est rare de le voir, même équipé de jumelles.

Promeneurs, veillez à sortir le moins possible des sentiers tracés, vous risqueriez de le déranger en période nuptiale et d’abîmer ou d’écraser les nids. Pour les mêmes raisons, les chiens doivent être tenus en laisse dans cette zone.

Pour offrir au Tétras-lyre un milieu idéal pour son développement, une réserve biologique dirigée de 330 hectares a été créée en 1995. Au cœur du site Natura 2000, qui recouvre le massif des Frêtes et des Glières, elle possède un peuplement de pins à crochets, dont les bourgeons sont très appréciés par cet oiseau. 

Sur les chemins de la Haute-Fillière, il n’est pas rare aussi de croiser des familles de bouquetins ou de chamois. Pas farouches, car non chassés, les bouquetins observent les promeneurs passer parfois à seulement quelques mètres d’eux. Les observer à distance suffit pour profiter du spectacle. Il sera plus rare, mais pas impossible, de croiser dans ce massif la route d’un cerf, ou même d’un des loups présents sur ce territoire, deux espèces qui se gardent bien de se montrer aux humains !

Brice Henriot présente les actions en faveur du Tétras-lyre

©ONF

Préserver les abeilles noires

Dans la zone protégée de Champlaitier, à 1 600 mètres d’altitude, entre le pâturage des vaches et les chemins forestiers, le syndicat d’apiculture de Haute-Savoie et l’ONF ont créé un espace particulier pour étudier et préserver l’abeille noire. A l’heure où ces lignes sont écrites, les ruches n’ont pas encore été installées, mais le projet compte en placer quatre pour, à terme, sélectionner et élever des reines d’abeilles noires endémiques adaptées au climat Haut-Savoyard.

"Les abeilles sont des pollinisateurs essentiels au maintien d’une flore diversifiée. Lorsque ce projet m’a été présenté par le syndicat d’apiculture de Haute-Savoie, il m’a semblé très important que nous, l’ONF, les accompagnons dans cette démarche importante pour la préservation de la biodiversité", précise Brice Henriot. 

La tourbière de Champlaitier

Au milieu des 72 hectares de la plaine de Champlaitier, au bout de petits ruisseaux, une tourbière se dessine. Ce milieu humide particulier renferme de nombreuses espèces patrimoniales protégées, comme la Drosera à feuille ronde ou la Grassette à fleur rose. Attention promeneurs, l’accès à ce lieu n’est pas interdit, mais prenez garde à ne pas écraser ces plantes.

La tourbière joue également un rôle fondamental dans la régulation hydrique. Elle tamponne le régime des eaux, ce qui permet de lutter contre les crues et l’érosion et elle filtre, ce qui participe à la bonne qualité des eaux du captage du Pont de Pierre situé en aval.

Tourbière de Champlaitier - ©Manon Genin / ONF

Le massif des randonneurs

Les pans des montagnes de la forêt domaniale de la Haute-Fillière sont le terrain de jeu idéal pour les amateurs de randonnées. Grand marcheur ou débutant, il y en a pour tous les goûts. En s’arrêtant au parking des Cheneviers au hameau de Mont-Piton, il est possible de partir pour des randonnées de 30 minutes à 3 heures. La plus longue étant celle permettant de rejoindre la montagne de Sous-Dine, appréciée des marcheurs pour son panorama donnant sur la chaîne des Aravis, la montagne de la Tournette ou encore le Parmelan. Sous-Dine est également le point le plus haut de la forêt, culminant à 2 004 mètres d’altitude. Pour atteindre le haut de la montagne, la pente est raide, mais l’effort vaut le coup. Face au randonneur, la Haute-Savoie se dévoile. S’arrêter ici quelques minutes, prendre le temps avant de repartir à l’assaut des sentiers, donne un sentiment de calme et de quiétude, comme hors du temps.

Un autre itinéraire permet de partir de Fillière (Thorens-Glières) pour se rendre à Champlaitier, tout en admirant une belle cascade dévalant le flanc de la montagne. Cette balade est plus atypique et n'est pas recommandée aux personnes sensibles au vertige. En partant du parking du Pont de Pierre, situé le long de la route d’accès au plateau des Glières, il faut rejoindre le petit sentier forestier qui part une centaine de mètres avant, en amont de la route. Au bout de 45 minutes de montée, un passage de trois mètres de large, creusé dans la roche sur plus de 200 mètres à flanc de falaise tend les bras aux promeneurs. Tracé dans les années 1830, le Pas du Roc permettait d’acheminer à la verrerie d’Usillon le bois coupé dans la forêt. Pour plus de sécurité, une ligne de vie longe le chemin le long de la roche et des marches en bois ont été installées à certains endroits. Malgré tout, il est recommandé d’emprunter ce sentier par temps sec. Une fois le Pas du Roc passé, l’ascension continue par la traversée de deux passerelles qui passent au-dessus de la cascade. La promenade se poursuit ensuite à l’ombre des feuillages avant d’arriver sur Champlaitier.

Les missions du forestier au quotidien

Aménagement
des zones d’accueil
pour le public
Préservation
de la biodiversité
Production de bois
Surveillance sanitaire
de la forêt
Protection contre
les risques naturels

Infos pratiques

Accès 

Depuis les Glières : se garer au bout du parking des Glières et prendre la direction de Champlaitier par le Col de Roncevaux.

Depuis Fillière (Thorens-Glières) :

  • par le Pas du Roc : parking du Pas du Roc situé le long de la RD55 après deux lacets en montant sur la route d’accès au plateau des Glières ;
  • par le Trou de la Pierre : parking des Cheneviers. Depuis le Col des Fleuris, prendre la direction du hameau de Montpiton puis à droite en direction des Cheneviers. Parking au bout de la route goudronnée.

D'autres balades ici :