En forêt d’Ermenonville, au paradis des landes
Pins altiers aux troncs orangés, fougères géantes, bruyères roses et dunes de sable : voilà le portrait sans retouche de la forêt domaniale d’Ermenonville… à 35 minutes de Paris ! Aujourd’hui composée de pins à 48 %, cette forêt picarde de 3 300 hectares était jusqu’au XIXe siècle, un vaste réseau de landes à bruyères pâturées par des moutons. C’est son sol sableux et acide qui a favorisé l’installation des pins, peu gourmands en nutriments, et qui lui donne aujourd’hui cet air de Méditerranée.
"Un air de Méditerranée", c’est d’ailleurs le nom du sentier balisé au départ de la baraque Chaalis. La balade commence par une étape insolite : la stèle de commémoration du crash aérien de 1974. Entre pins et fougères, une grande pierre a été érigée en mémoire des 346 passagers du vol, disparus.
Au pied de la stèle, un bouquet de pivoines roses ; derrière la stèle, des bouts de tissus, tôles, ressorts… "Ce sont des vestiges du crash trouvés dans la forêt et amenés ici par les promeneurs", explique Laure Gautier, forestière à l’Office national des forêts (ONF), "le crash fait aussi partie de l’histoire de cette forêt".
Comme pour appuyer son propos, le sentier continue vers une futaie de jeunes pins sylvestres, là où l’accident avait créé une coupe claire. Plantés l’année suivante, ces pins ont aujourd’hui 45 ans.
Les landes de Haute-Chaume : une beauté restaurée
Entre les parcelles 142 et 143, tout à coup, c’est un trou dans le paysage dense des fougères et des pins, une aire baignée de lumière : bienvenue aux landes de Haute-Chaume. Cet espace nu, sans arbre, ou presque, composé de bruyères cendrées et de callunes, est artificiellement maintenu ouvert par l’ONF, le Parc naturel régional Oise-Pays de France (PNR Oise) et le Conservatoire d’espaces naturels des Hauts-de-France (CEN Hauts-de-France).
La nature n’aime pas le vide : sans notre travail de restauration, la forêt se referme sur elle-même et la lande disparaît.
Depuis le XIXe siècle et la fin des pâturages en forêt d’Ermenonville, 90% de ces espaces ouverts ont disparu. Alors, pour éviter que les bouleaux et la molinie n'étouffent cet écosystème fragile, leurs semis sont systématiquement arrachés. "C’est un travail sans fin", s’amuse Laure Gautier. Seuls quelques arbres sont laissés, ici et là, pour apporter de l’ombre et servir de perchoir aux oiseaux.
Débutée en 2006, cette restauration est l’occasion de nombreux partenariats. "Cette année, nous sommes intervenus dans une classe de collégiens pour expliquer le fonctionnement de la lande ; puis c’était au tour des collégiens de venir sur la lande et de participer. Ils se sont éclatés !"
Quelques années auparavant, un partenariat avec le Conservatoire avait permis de construire un enclos pour 9 brebis afin qu’elles broutent les jeunes semis. Enfin, le PNR Oise organise régulièrement des "chantiers-nature" où des bénévoles aident à maintenir cette biodiversité unique.
Découvrez l'interview de Laure Gautier, forestière à l'ONF, pour Sud Radio
Archipels fragiles pour espèces protégées
En effet, plus qu’un paysage, le réseau de landes sableuses constitue l’habitat idéal pour de nombreuses espèces, à l’instar de l’Engoulevent d’Europe. Souvent invisible pour l’œil du marcheur et guest-star de la forêt d’Ermenonville, cet oiseau migrateur recherche les espaces ouverts pour faire son nid au sol. Grâce à son plumage couleurs "feuilles mortes", il est à l’abri de ses prédateurs dans les bruyères et les callunes.
Plus loin dans les landes de Haute-Chaume, deux hêtres grandioses surplombent une grande mare, qui abrite une riche variété de plantes marines. Rien de "naturel" non plus ici, cette mare a été restaurée en 2019 par l’ONF : "on a fait une coupe dans les pins autour et créé une pente plus douce pour que la lumière arrive progressivement sur la mare" explique Laure Gautier. Le calcul est délicat. Trop de lumière ? La mare s’évapore. Pas assez, la vie ne s’y développe pas.
Classées "réserve biologique dirigée", les landes de Haute-Chaume restent cependant ouvertes au public et c’est aux forestières et forestiers d’organiser cet accueil. "La forêt, on lui en demande beaucoup, constate Laure Gautier, on lui soumet nos besoins de production, nos besoins écologiques et nos besoins de récréation, le travail du forestier est de trouver un équilibre".
Chaque jour, Laure reçoit des demandes de conventions pour des tournages ou des compétitions sportives. Or : "500 VTT qui passent au même endroit, ça laisse une trace dans la forêt, une trace sur laquelle la végétation pourrait ne plus jamais repousser". Pour concilier tous ces besoins, Laure oriente les activités vers des lieux moins fragiles.
Le coup de cœur de la forestière
Par le carrefour des gendarmes, à l’extrême ouest de la forêt d’Ermenonville, on peut accéder par le GR©1 à la parcelle 137. Un enchaînement de hêtres créé comme un tunnel sombre qui évoque "une forêt magique, une forêt mystère, une forêt refuge" pour la forestière. Sous le hêtre majestueux, le tapis de feuilles mortes forme un trou qui contraste avec le sol colonisé par les fougères aux alentours. "Le feuillage du hêtre est tellement dense qu’il filtre la lumière et aucune végétation ne peut se développer au sol."
Chênes supérieurs et changement climatique
Ceux qui préfèrent les feuilles aux épines trouveront aussi leur bonheur dans cette forêt généreuse. Dans la partie sud de la forêt et dans le massif annexe à l’est, composé des bois de Montlognon et du bois de Perthe, on retrouve une majorité de chênes. Certains sont même "classés" pour leur qualité génétique et entretenus pour la récolte de leurs glands. Plus beaux, plus forts et bien adaptés aux conditions locales, ces glands deviendront chênes et seront replantés dans la forêt.
Malgré ces efforts de conservation, la forêt d’Ermenonville pourrait changer de visage dans les années à venir : "Les hêtres et les chênes pédonculés sont moins bien adaptés aux sécheresses successives que les pins et sont très impactés par le changement climatique", regrette Laure Gautier. Pour maintenir la forêt, l’ONF a déjà commencé à planter des essences plus adaptées comme le chêne pubescent, le cèdre ou encore le pin maritime.
Où sortir ?
C'est aussi l'un des buts de notre série de portraits de forêt ! Vous faire découvrir la forêt autrement, par ses sentiers et ses GR. En forêt d'Ermenonville, voici quelques bons tuyaux...
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La balade "Sur un air de méditerranée"
Accessible au départ du parking de la baraque Chaalis, ce chemin balisé de 6 kilomètres fait évoluer le promeneur dans les pinèdes et les fougères. Point fort de la balade : les landes de Haute-chaume. A découvrir : en été, les landes deviennent roses quand les bruyères cendrées et les callunes fleurissent.
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La Trans’Oise à vélo pour faire le plein d'essences
Au départ de la maison forestière du Biat, le tronçon de 11 kilomètres de la Trans’Oise est idéal pour admirer la diversité des essences de la forêt : les pins Douglas au carrefour de la Croix d’Anleu, les hêtres pourpres au carrefour de l'Éventail ou encore les marronniers au carrefour du même nom. L'Astuce ? En automne, au passage de la baraque Chaalis, poser son vélo et faire quelques pas sur le sentier balisé : le feuillage des chênes rouges d’Amérique devient flamboyant.
50 nuances de grès
La forêt d’Ermenonville regorge de blocs de grès qui forment tantôt des tables, tantôt de gros rochers pour crapahuter. Certains portent même un nom : la Pierre Sorcière dans le bois de Perthe ou bien les Grès Sainte-Marguerite (parcelle 166).
L'Astuce ? Depuis le parking du Zoo, monter par la route forestière du Regard jusqu’au poteau de Perthe puis tourner à gauche en direction de la parcelle 261. Rendez-vous sur la pierre Sorcière pour admirer la forêt en éveil et la Mer de Sable !