La forêt domaniale de Blois et ses arbres témoins de la grande Histoire
Ce jour-là, une légère bruine transperçait l’épais feuillage des chênes, des hêtres et des charmes. Il en faudra sans doute plus aux yeux de l’observateur pour qu’ils cessent d’admirer l’impressionnante hauteur de ces arbres. Julien Hermouet, forestier territorial dans la forêt domaniale de Blois (Loir-et-Cher), est de ceux-là.
Il écoute, observe, analyse, et gère cette étendue forestière de près de 2 750 hectares. Sa forêt naît, vit et meurt, comme toute autre. Mais celle de Blois est dotée d’une réputation toute particulière pour ses chênes rouvres, qui dépassent parfois les 210 ans. Un âge nécessaire pour produire du bois de haute qualité à grain fin, si recherché dans le secteur de la fabrication des tonneaux qui feront vieillir les plus grands vins.
"Par-dessus tout, cette forêt se prête idéalement aux promenades en famille, aux joggeurs, et aux mordus d’histoire", nous indique Julien Hermouet. Car à l’orée de ces bois, une intuition peut saisir le promeneur : ici, la forêt n’a attendu personne pour pousser ; de la même façon que le temps ne dépend de rien, sinon du temps. Et pourtant...
Cette forêt domaniale est aussi le fruit d'une histoire et de la main de l'Homme. Située sur la rive droite de la Loire, elle porte depuis le Moyen-Âge le nom de la ville de Blois. Ce dernier viendrait du vieux mot celtique Bleiz, signifiant loup. Avant le XIe siècle, un vaste massif forestier appelé forêt de Blemars, couvrait la région des confins de la Touraine jusqu’à la Beauce blésoise. Ce massif fut presque en totalité défriché par les moines de l’abbaye de Marmoutier, ne laissant subsister alors que la forêt de Blois, et quelques bois épars.
À l’origine propriété des comtes de Blois, la forêt fut vendue en 1391 à Louis d’Orléans. Le couronnement du petit-fils de ce dernier, sous le nom de Louis XII, fit rentrer la forêt dans le domaine royal, puis de l’État en 1791. Ainsi, depuis le XVIIe siècle, les limites de cette forêt publique n’ont pratiquement pas changé.
On peut distinguer les tranchées qui ont été creusées au début de la Première Guerre mondiale. Il est important que le site soit préservé, pour protéger la mémoire de guerre. Aucun sentier n’est pour le moment accessible au public, mais cela changera peut-être dans les années à venir.
L’écorce des chênes imprégnée par les guerres
"La forêt garde les traces du passé", prévient Julien Hermouet. D’entrée, l’allée du Mail donne raison au forestier. Ces fossés creusés sont-ils l’œuvre de la main de l’Homme ou du temps ? Premier bond dans le temps, en zone occupée. Pendant la Seconde Guerre mondiale, la forêt de Blois constituait un lieu stratégique pour les Allemands.
À l’abri des regards des forces aériennes alliées, elle était utilisée comme un véritable entrepôt. Les Allemands y creusaient alors ces digues, couvertes par ces immenses et imposants chênes rouvres, pour cacher leurs obus et munitions. Ces vestiges, symboles d’une guerre dévastatrice, ont depuis été pansés par la nature salvatrice et font désormais le bonheur des cyclistes amateurs de bosses.
Non loin de l’allée du Mail, à un kilomètre derrière le stade Jean-Leroi, la vue d’un mirador allemand s’élevant sur une vingtaine de mètres est saisissante. Construit au début des années quarante, il repose sur quatre poteaux en béton, d’un mètre par quarante centimètres, colonisés par des lierres grimpants qui semblent vouloir cacher l'Histoire.
Retournons encore un peu plus dans le passé... Connaissez-vous l'Allée des Soldats ? Elle fut baptisée ainsi en référence à ces trois kilomètres de tranchées creusées pour entraîner les hommes envoyés sur le front entre 1915 et 1918.
Sous l’encadrement de Poilus vétérans, des jeunes militaires ont été initiés à la guerre des tranchées, sur le site des Sablonnières. L’entraînement n’avait rien de comparable à la réalité de la "der des ders". La végétation florissante de la forêt de Blois s’empare des empreintes du passé, comme si la forêt, là encore, voulait accaparer à elle seule l’attention du promeneur.
La biodiversité et les belles surprises de la forêt de Blois
La forêt est un bien public, la mémoire de guerre aussi. En attendant de pouvoir arpenter ces sentiers historiques, la forêt domaniale de Blois offre des chemins à la découverte de la biodiversité pour animer vos balades.
Avec ses 2 750 hectares, la forêt domaniale de Blois couvre le territoire de quatre communes dont trois de la vallée de la Cisse. Aux détours de ses allées et de ses sentiers forestiers, le promeneur sera vite conquis : elle est l'une des plus belles forêts de feuillus d'Europe de l'Ouest. Se rendre au cœur de ces bois, c’est goûter un grand bol d’air frais à quelques minutes seulement de la ville. Activités pédestres et équestres, sentiers de randonnée, aires de pique-nique : cette forêt périurbaine saura vous séduire !
Toujours dans l’allée du Mail, le chêne Jagerschmidt, du nom d’un ingénieur forestier du XXe siècle, est classé arbre remarquable. Son tronc impressionnant et sa hauteur vertigineuse confirmeront les espoirs du randonneur impatient de s’aventurer dans cette forêt exceptionnelle.
Le voyage n’est pas terminé ! Direction l’allée de Bury, un axe impressionnant qui coupe la forêt de part en part. La voiture s’arrête au cœur de la forêt sur les pistes forestières : nous sommes au carrefour Louis XII, clef de voûte de la forêt, ornée d’un poteau directionnel central rénové par les soins des équipes de Julien Hermouet.
Le regard se fond naturellement dans la masse feuillue de ces chênes. Difficile alors de ne pas être happé par la riche biodiversité de ces bois. Une biodiversité qui se reflète dans les quelques 116 mares qu’abrite la forêt domaniale de Blois. Ces étendues d’eau attirent de nombreuses espèces et accueillent en leur sein de nombreux batraciens, dont les quatre espèces de tritons existant en France.
Et pour capter l’entièreté de la biodiversité présente, patience et observation seront de mise : Pic épeiche, Pic cendré, Pic mar et Pic vert nichent à la cime des arbres dans les cavités qu’ils creusent. S’il s’agit de prendre de la hauteur, l’aire Valentine de Milan offre un point panoramique sur le val de Molineuf. Idéal pour observer les oiseaux !
Infos pratiques
- Public
Le site est adapté aux promenades en famille et aux randonnées. Il ne dispose pas de parcours adapté aux personnes à mobilité réduite.
- Accès
La forêt domaniale de Blois est accessible en voiture et dispose de parkings. Également accessible directement à pied.