En forêts de Compiègne et Laigue (Oise), des milliers d’hectares dépérissent pour différentes raisons. Les tempêtes des années 90 ont fragilisé la forêt. Les sécheresses se multiplient et durent sur des sols sableux qui ne retiennent pas l’eau. L’âge avancé des arbres rend la forêt plus vulnérable aux différentes perturbations. A cela s’ajoute une autre calamité : les hannetons, qui ont envahi la forêt et s’attaquent aux racines des jeunes arbres.
2020 : l’année de l’envol
Après 47 mois passés dans le sol sous forme de larve, le hanneton prend son envol fin avril, à la tombée du jour et, durant un mois environ, s’accouple dans le feuillage qu’il consomme, puis replonge dans le sol pour pondre. Le cycle peut alors recommencer.
Sous forme de larve, il va se nourrir des racines, notamment celles des semis et des plants. Ce qui compromet le renouvellement de la forêt. L’impact sur les arbres adultes et l’accélération de leur dépérissement n’est pas établi scientifiquement, mais n’est pas à écarter non plus. Dans le sud de l'Oise, les forêts aux sols sableux sont infestées depuis 5 ans environ.
Quels moyens pour contrôler ces populations ?
Des études et des essais ont été menés ces dernières années :
- Un champignon entomopathogène Beauveria Brongniartii se nourrit des larves, mais il prospère dans les sols argileux et moins acides.
- Un ver (nématode) entomopathogène de la famille des Steinernema également, mais les quantités présentes dans le sol sont très insuffisantes et les larves de 2 et 3 ans sont résistantes.
- Des essences qui limiteraient le développement et la reproduction des hannetons : aulne, bouleau ? Peut-être une piste, mais les résultats sont encore très partiels.
La piste des prédateurs naturels :
- Le sanglier consomme des larves, mais il est déjà surabondant et n’y suffit pas…
- Les chauves-souris consomment des adultes, mais la période d’envol a lieu tous les 4 ans et pendant seulement 1 mois… et malgré la richessse en chauves-souris reconnue et établie des forêts compiégnoises au plan national, la fenêtre de prédation s’avère trop étroite pour endiguer le phénomène.
Un protocole d’observation
En forêt de Compiègne, les forestiers de l'ONF ont pu observer le précédent vol des Hannetons de 2016. Avec l'envol de 2020, il était temps de mettre à jour ces connaissances, de cartographier les zones d'accouplement et de ponte. Comment ? Via une action participative préparée avec de nombreux partenaires, associations, étudiants, usagers, chasseurs et notamment avec les bénévoles de l’association de Sauvegarde du patrimoine des forêts du compiégnois (SPFC).
Cependant, le confinement lié à la crise Covid-19 n’a pas permis de réaliser cette opération collective. Pour autant, les forestiers de l’ONF ont revu le protocole d’observation, qu’ils réaliseront seuls dans le cadre de leurs missions sur le terrain et le respect strict des mesures barrières.
Ces observations, réalisées par les équipes de l'ONF, porteront sur différents points :
- La ponte : décompte des pontes sur 70 parcelles réparties entre Compiègne et Laigue. Cela permettra d’observer le comportement de ponte des femelles et de déterminer le niveau d’infestation de chaque zone pour en affiner la gestion et les investissements tant financiers qu'humains.
- Le piégeage : en coordination avec l’Association des entomologistes de Picardie et grâce au prêt de leur matériel, il sera effectué des tests de techniques de piégeage lumineux pour évaluer leur intérêt.
- La protection mécanique du sol : expérimentation d’installation de filets et bâches pour empêcher la ponte des adultes.
- Le suivi de la défoliation des arbres : grâce aux nouveaux outils de télédétection, analyse des images satellites issues du dispositif dit "Sentinel", permettant peut-être de suivre l’évolution par comparaison d’images dans le temps (2016, 2020, 2024, etc.).
La période d’envol est l’occasion d’approfondir les connaissances sur l’espèce pour mettre au point différentes méthodes de luttes et de suivis.
Une collaboration internationale
Si les causes de pullulation ne sont pas clairement établies (on en trouve sur différents faciès forestiers, en lisière, sous couvert forestier dense et dans les zones ouvertes des régénérations), il semble qu’il y ait des pics et des méta-cycles de 30/40 ans.
A ce jour, aucune solution miracle n’a été trouvée. D’autres pays européens sont confrontés au problème depuis plusieurs dizaines d’années parfois : Allemagne, Pologne, Autriche, Hongrie, République Tchèque, etc. Un groupe national a été mis en place au sein de l’ONF avec différents experts du Département Santé des forêts du ministère de l'Agriculture, de la recherche et développement, de l’INRAe pour coordonner les travaux, la veille bibliographique et le retour d’expériences des pays voisins.
D’autres forêts sous surveillance
Outre les forêts de Compiègne et Laigue, Chantilly et Ermenonville, forêts sur sable affectées par les hannetons, feront également l’objet d’observations poussées.
Plus généralement, d’autres forêts de l’Oise et de l’Aisne seront auscultées sur leurs parties sableuses, potentiellement favorables au développement des hannetons