Depuis cinq ans, je suis correspondant-observateur pour le département de la Santé des forêts (DSF), qui dépend du ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation. Durant ces quelques années de métier seulement, j’ai constaté une accélération très forte des phénomènes de dépérissements dans les forêts françaises. Certes, ils ne sont pas aussi importants ici, dans le Puy-de-Dôme, que dans le Nord-Est de la France, mais nous observons tout de même des mortalités diffuses sur le territoire. Certaines sont plus importantes, avec des peuplements très impactés par des attaques de scolytes ou des phénomènes de sécheresse.
Être correspondant du DSF, c’est une seconde casquette dans mon quotidien de forestier, en plus du métier d’aménagiste que j’occupe à l’Office. Cette activité représentait initialement 20 % de mon temps de travail mais, en raison des dépérissements croissants liés au changement climatique, je suis passé à 30%.
Correspondant DSF, qu'est-ce que c'est ?
Il y a deux cas de figure dans lesquels les correspondants DSF peuvent intervenir. Tout d’abord, nous nous mobilisons si des collègues forestiers sont préoccupés par l’état de santé d’un peuplement. Par exemple, lorsqu’il y a une maladie : nous identifions quelles en sont les causes, d’où cela peut provenir...
Selon le contexte sanitaire, nous pouvons également les conseiller sur les choix d’essences ou le traitement sylvicole à privilégier. J’ai récemment apporté mon aide à l’unité territoriale du Livradois-Forez de l'ONF en Auvergne, où un grand nombre d’épicéas ont été attaqués par les scolytes. J’ai conçu des fiches de veille sanitaire (document où l’on renseigne la localisation, le problème rencontré, l’essence touchée, nos observations…) et pris des photos pour rendre compte du phénomène qui s’étend sur cinq massifs.
Le DSF en chiffres...
surveillent la santé des 16 millions d’hectares de forêts métropolitaines.
sont observés chaque année en forêt métropolitaine par les correspondants observateurs du DSF.
C'est la date de création du DSF.
Notre expertise ne s’arrête pas là. Lorsque des coupes sont réalisées en raison de problèmes sanitaires, les collectivités ou nos collègues de l'ONF peuvent, par exemple, solliciter notre évaluation scientifique. Par exemple, une commune peut nous demander de revoir sa stratégie de gestion forestière à la suite d'attaques de scolytes. Nous apportons alors notre expertise : faut-il privilégier des coupes, favoriser des plantations d'enrichissement par bouquets ou de nouvelles essences plus résistantes à la chaleur ?
Le second cas de figure dans lequel nous intervenons, c’est dans le cadre d’observations plus systématiques et régulières. A titre d'exemple, nous surveillons des massifs touchés par les scolytes et par la chenille processionnaire du pin. Nous venons régulièrement pour y effectuer des relevées statistiques, comme estimer le nombre de nids de processionnaires sur un échantillon d’arbres afin d’évaluer l’évolution du phénomène d’une année à l’autre.
Nous observons également les plantations deux fois par an, à l’automne et au printemps, afin de réaliser un bilan : les plants sont-ils vivants ou morts ? Malades ? À quoi est-ce dû ? Le plus souvent, nous notons des problèmes liés aux sécheresses, à l’abroutissement du gibier ou aux attaques d’hylobes, de petits insectes qui consomment les tiges des jeunes plants.
Le saviez-vous ?
Depuis 2020, un nouveau système de suivi du dépérissement des chênaies a été mis en place par le DSF : le "road sampling". Sur une cinquantaine de massifs, des placettes (zones dans la forêt) de 20 arbres sont examinées tous les 500 mètres le long des routes. Dans l’emblématique forêt de Tronçais (Allier), 180 placettes ont été mises en place. Les arbres concernés seront observés de manière régulière pour mettre à jour les indicateurs de leur état de santé.
Dans le cadre du dispositif RENECOFOR (réseau national de suivi à long terme des écosystèmes forestiers), nous réalisons, en binôme, des relevés sur une cinquantaine d’arbres situés dans des placettes clôturées. Nous notons le déficit en feuilles, en branches, ainsi que tous les problèmes liés à la santé des arbres. Ce programme ne se contente pas d’étudier les arbres, mais tout leur environnement : l’eau de pluie et la litière forestière sont également prélevés.
La fonction de correspondant DSF est très complémentaire de mon métier d’aménagiste. Elle me permet d’appréhender tous les éléments qui peuvent perturber la vie de la forêt. On accroît ses connaissances en permanence grâce aux différentes formations avec des pathologistes, des spécialistes de l’Institut national pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE)… C’est très enrichissant !
Cela nous permet également de prendre davantage conscience de ce qui risque de se passer à l’avenir et d’en tenir compte, par exemple, dans la rédaction des aménagements forestiers (le document de gestion durable d'une forêt) : nous savons qu’il faut tendre vers davantage de mélanges et des futaies irrégulières en altitude, car la diversité est une force en cas de crise sanitaire. Elle rend les forêts plus résilientes face aux pathologies.