Les Maures, une réserve forestière unique en Méditerranée
C’est une mer forestière, ondulée et verte, qui déroule ses vagues émeraude à perte de vue, jusqu’à celles, bleu saphir, de la Méditerranée... Avec l’Estérel, les Maures représentent l’autre grand massif forestier du Var. L’impression qui s’en dégage est néanmoins très différente : les Maures sont aussi touffues que l’Esterel est minéral. "Dans la région, on dit souvent que l’’Estérel a reçu les cailloux, et nous la forêt", blague Luc Blaison, forestier à l'Office national des forêts (ONF).
La forêt des Maures est en effet aussi sauvage que profonde, enracinée sur des enrochements noirâtres qui ont sans doute valu son nom à la région – en effet, "maure", en provençal signifie sombre, sauvage, à l’image de ce massif au sous-sol cristallin qui fait figure d’exception au milieu d’une Provence de calcaire blanc.
Du village de Collobrières, capitale de la châtaigne, à Bormes-les-Mimosas, station balnéaire du bord de mer, cette enclave de micaschistes noire et brillante surprend par son caractère bucolique, à un jet de pierres du golfe très urbanisé de Saint-Tropez. Les 11 000 hectares de sa forêt domaniale, aux immenses boisements de chênes-lièges et de châtaigniers, abritent en effet en leur cœur une très grande réserve biologique intégrale (RBI).
Un havre de verdure protégé, vaste réservoir de biodiversité, dont les scientifiques, encore aujourd’hui, échouent à percer tous les mystères : "les Maures abritent une diversité phénoménale, explique avec fierté Luc Blaison. En plus des espèces méditerranéennes, tout ce qui est commun en France, nous l’avons ici dans les fonds de vallon. Récemment, les chercheurs ont découvert de nouvelles espèces de coléoptères. Quant à la faune du sol, elle est d’après eux étonnamment riche…"
La Chartreuse de la Verne, un monastère caché
Pour pénétrer cet étonnant poumon vert, direction le lieu-dit de la Croix d’Anselme, accessible par la route départementale D214. Un petit chemin creux se hisse, délicieusement cahoteux, sous les frondaisons de la chênaie. Après avoir grimpé quelque temps à couvert, il s’ouvre subitement sur une barre de pierre imposante : la Chartreuse de la Verne. Un prieuré médiéval imposant, posé en plein cœur de la montagne, avec en arrière-plan les Alpes et le massif du Mercantour.
En 1170, l’évêque de Toulon fonde ce monastère qui sera incendié et reconstruit plusieurs fois. Y vit aujourd’hui, retirée du monde, une communauté de nonnes ayant fait vœu de silence, alors chut, on baisse la voix lorsque l’on passe sous son porche de pierres vertes... à l’image des 50 000 curieux qui grimpent ici chaque année, sans que ne soit troublée la tranquillité de l’endroit. "C'est un lieu très touristique mais parce qu’il se trouve au fin fond de la forêt, il garde une quiétude particulière" promet Luc Blaison.
En contrebas du monastère, s’étendent les quatre hectares d’une châtaigneraie unique en son genre. Ses grands et vénérables feuillus produisent en effet d’excellentes châtaignes, mais ce n’est pas là leur seule qualité : "ce sont de vieux arbres qui sont taillés de telle manière qu’ils produisent des fruits tout en abritant un cortège d’animaux allant de l’insecte au mammifère. Des chauves-souris arboricoles trouvent par exemple refuge au creux de leur tronc."
La forêt en détails
Une promenade à allure de tortue d’Hermann
Pour les marcheurs les plus aguerris débute ensuite, à partir de la Chartreuse de la Verne, une randonnée de six heures jusqu’au plateau de Lambert, de l’autre côté du massif. Le randonneur y accède en passant par les crêtes, dont les arêtes buissonnantes sont battues par les bourrasques – même dans la chaleur de l’été, mieux vaut emporter dans son sac à dos une petite laine et un bon coupe-vent…
Reste que le mistral a du bon, qui en soufflant, fait frissonner le promeneur mais disperse aussi les nuages. Par beau temps, les crêtes des Maures offrent ainsi une vue dégagée par-delà le golfe de Saint-Tropez, jusqu’aux îles d’Hyères que l’on devine dans un scintillement bleuté… En images, voici le patrimoine à découvrir tout au long du parcours.
Tout autour, un maquis sec et clairsemé, qui craque sous la chaussure de randonnée. C’est ici le domaine de la tortue d’Hermann, un reptile rare, endémique des Maures, qui se plaît beaucoup dans la végétation basse. "Nous les forestiers vivons à son rythme, un rythme de tortue", s’amuse Luc Blaison. Nous attendons en effet son hibernation, à l’automne, pour réaliser nos travaux, pour ne pas la déranger."
Chemin faisant, le maquis cède subitement la place… au bush australien, une plantation test mise en place par l’ONF après qu’un feu de forêt ait emporté la végétation du plateau. De hauts boisements d’eucalyptus, aisément reconnaissables à leurs troncs clairs et à leurs écorces en lambeaux, transportent le promeneur en Océanie.
Enfin, après une dernière descente, retour dans le sud de la France après un court tronçon de route ombragée, au bout de laquelle apparaissent le plateau des Lambert et sa prairie verte piquée de deux majestueux menhirs.
Le coin préféré du forestier : le plateau des Lambert
©John Bersi / ONFLe géant du lieu est incontestablement le châtaignier millénaire, plus de 4 mètres de circonférence, qui se cache au fond de la pâture, à l’abri du vent. De son tronc impressionnant, le doyen de la forêt des Maures veille sur les troupeaux de moutons depuis environ 1 200 ans, estiment les forestiers, après qu’une grosse branche tombée au bas de l’arbre ait permis une estimation de son grand âge.
Bienvenue en Californie… dans les sapins Douglas
Autour de l’imposant vieillard, l’ONF a mis en place une autre plantation expérimentale dans les années soixante - des sapins Douglas cette fois-ci originaire des Etats-Unis. Ce verger conservatoire comporte en tout 38 espèces différentes de Pseudotsuga : il s’agit d’une banque de données très importante qui prépare l'avenir des forêts françaises mises à mal par le réchauffement climatique.
Dans les années 1960, nous avons recherché quel climat se rapprochait le plus de celui des Maures, et celui de la Californie correspondait parfaitement.
Et les feux de forêt ? Le massif des Maures n’y échappe pas. Ce dernier est étroitement surveillé à la période estivale, et parfois fermé lorsque le risque se fait trop grand. C'est l'une des particularités des forêts méditerranéennes, même si désormais, cela concerne aussi toute la France.
Par temps de canicule aussi, le promeneur a l’embarras du choix pour fuir la chaleur grâce à l’un des petits sentiers qui s’enfoncent discrètement dans les profondeurs de la forêt… Sur la D14, peu après le Col du Boulin, l’un d’eux conduit à une large vasque artificielle jadis creusée par un berger pour abreuver ses moutons.
Ensuite, on suit à travers les fourrés, en repoussant quelques branches, le ruisseau du Boulin. Les chênes-lièges y cèdent la place à des aulnes et à des roches moussues. A son bout, le clapotis d’une cascade cachée. Fraicheur garantie, on vous le promet.
Informations pratiques
Accès à la Chartreuse de la Verne par la route départementale D214, depuis le lieu-dit de la Croix d’Anselme.
Accès au Sentier du ravin du Boulin, par la D14, juste après le Col du Boulin.
Pour plus d’informations sur les sentiers du massif des Maures, se rapporter au livret édité par la Communauté de communes Méditerranée - Porte des Maures