A la recherche de Chamaedora pauciflora, palmier rare du Mont Tabulaire de La Trinité
Les plus hauts sommets de Guyane au-dessus de 500 mètres d’altitude abritent les forêts sub-montagnardes. Du fait de la rugosité des reliefs et de l’augmentation de l’altitude, la forêt subit une plus forte exposition aux vents dominants amenant des pluies, une baisse des températures et une augmentation de l’humidité de l’air. Les plantes de la famille des Ptéridophytes et Bryophytes abondent grâce au fort degré d’hygrométrie. Sur La Trinité, le Mont Tabulaire culminant à 636 mètres d’altitude est une de ces rares forêts nuageuses sur cuirasse latéritique ayant entre autres justifié la création de cette réserve naturelle. Le sous-bois du Mont Tabulaire est ainsi constitué d’une incroyable mosaïque de micro-habitats avec des espèces végétales peu connues.
Lors du séjour 2021, chaque participant a pu s'informer de la présence de cette espèce rare et prendre conscience de la fragilité de son milieu, grâce au Guide des palmiers de Guyane.
Le camp de base était établi sur la DZ (hélisurface) dite du Mont Tabulaire situé à 300 mètres d’altitude. L’activité principale des entomologistes de la Société entomologiste Antilles-Guyane (SEAG) était située aux alentours de cette DZ avec la pose de nombreux pièges à insectes. Cependant, des périodes de prospection hors camp ont conduit à parcourir le grand thalweg en amont de la DZ menant jusqu’au plateau du Mont Tabulaire à 600 mètres d’altitude.
Chamaedora pauciflora enfin retrouvée !
Le premier individu découvert de Chamaedora pauciflora lors de cette mission se situait à 25 mètres d’un thalweg abritant de magnifiques fougères arborescentes (Cyathea spp.) de près de huit mètres de hauteur à une altitude de 550 mètres. L’ensemble du secteur a fait l’objet de recherches, et c’est finalement 17 individus qui sont trouvés, avec des plants isolés ou par petits groupes (maximum de 7 individus regroupés). La zone est relativement restreinte avec des conditions stationnelles tout à fait particulière : de sept mètres du thalweg pour les plus proches à une cinquantaine de mètres, et une surface totale occupée de l’ordre de seulement 2 000 m². Le sous-bois est particulièrement dense, ce qui n'a pas facilité la recherche de l’espèce malgré la hauteur de 172 centimètres pour les plus grands (60 centimètres pour le plus petit, sur les 11 individus mesurés).
Cette espèce rare de palmier du sous-bois (Chamaedorea pauciflora) genre nouveau pour la Guyane, avait été découverte le 15 octobre 2009 dans une localité venteuse, correspondant à son écologie (espèce anémophile) à 540 mètres d’altitude sur le versant nord du Mont Tabulaire par César Delnatte. Cette micro-population n'avait, à ce jour, jamais été retrouvée car il faut un œil bien exercé pour la distinguer des différentes espèces de Géonoma. Elle n'était connue, avant cette découverte, que de l'extrême ouest du bassin amazonien (Venezuela, Colombie, Equateur, Pérou, Bolivie, Brésil). Les scientifiques présument qu'une telle disjonction de plusieurs milliers de kilomètres dans son aire de répartition pourrait plaider en faveur de 2 espèces ou sous-espèces distinctes (J-J. de Granville).
Ce que la mission sur le Mont Tabulaire aura permis...
Cette mission 2021 sur le Mont Tabulaire de la réserve naturelle de La Trinité à la recherche du palmier Chamaedora pauciflora a permis :
- d'améliorer la complétude de répartition temporelle et spatiale d'une espèce méconnue avec des données anciennes ;
- de compléter les lacunes de connaissance avec des prospections ciblées d'une espèce non observée depuis longtemps permettant de préciser et d'actualiser la connaissance de répartition nationale ;
- d'acquérir et de partager des photos sur l'espèce ;
- de diffuser des connaissances à échelles régionale et nationale (réseau des Réserves naturelles de France).
Pour autant d’autres actions restent à réaliser :
- la recherche d’autres stations de l’espèce sur l’ensemble du Mont Tabulaire,
- la réalisation de relevés des communautés végétales sur ces milieux peu étudiés,
- la résolution des incertitudes taxonomiques (analyse génétique)
- et la poursuite par la Réserve de la restriction d’accès de ces milieux sensibles afin de conserver ce patrimoine naturel original.