La forêt domaniale de Cerisy, un écrin de verdure classé pour sa biodiversité
Les lueurs orangées du matin percent la brume encore épaisse et se mêlent au vert intense de la forêt domaniale de Cerisy. Sur les départements du Calvados et de la Manche, entre Saint-Lô et Bayeux, ce massif de 2 130 hectares est le plus important et riche en essences du secteur. C’est aussi la seule forêt du coin où le cerf prend ses quartiers.
Ses collines en pentes douces et creusées de vallons regorgent de ruisseaux, de rivières, telles l’Elle et la Drome, et aussi de mares. Dans cet univers, le hêtre règne en maître. Autour de lui, quelques chênes et des essences en mélange comme des bouleaux, aulnes ou pins sylvestres.
En 1066, elle apparaît pour la première fois dans les textes, lorsque Guillaume le Conquérant en fait don à son frère. Depuis ce jour, ses abords sont les mêmes. Son histoire est ensuite marquée par la Seconde Guerre mondiale avec 600 hectares rasés à blanc par les bombardements.
Autour de la route forestière de la Rue de Laval, quelques jeunes parcelles issues des plantations passées pour reboiser et un blockhaus allemand affaissé, témoignent de cette époque. Les bois récupérés et exploités par les Canadiens après les bombardements ont, eux, été utilisés pour reconstruire la ville de Saint-Lô.
Un milieu rare à préserver
"Dans cette forêt, nous avons la chance d’être classé Réserve naturelle nationale", indique Sébastien Etienne, responsable de l’unité territoriale de Saint-Lô à l'ONF. En France métropolitaine et Outre-mer, 178 000 hectares sont ainsi conservés. Le but ? Protéger à long terme des espaces et des espèces rares ou caractéristiques des milieux naturels et de la diversité biologique en France.
En forêt domaniale de Cerisy, la "star du coin", comme la décrit le forestier, c’est le carabe doré à reflets cuivrés (chrysocarabus auronitens cupreonitens). Ce petit coléoptère de deux à trois centimètres à la coloration bien spécifique a besoin d’un milieu particulier, ce qui fait sa rareté. C’est sa présence qui a justifié le classement de la forêt.
Notre promenade auprès de Sébastien Etienne commence autour de l’étang du Titre, ou mare aux biches, au bout de la route forestière du Bois l’Abbé. L’endroit est calme et appelle à la détente avec plusieurs aires de pique-nique placées sur le chemin qui en fait le tour. Cette boucle permet de rejoindre différents circuits de promenade.
"Toutes les parcelles que l’on voit autour de nous sont des îlots de vieillissement créés en 2005", explique le forestier. Grâce à eux, de nombreuses espèces d’insectes (on en compte aujourd’hui près de 1600 sur Cerisy), d’oiseaux et de végétaux s’installent et enrichissent le milieu.
Diversifier les essences et ouvrir le milieu
Pour diversifier les essences et faire de Cerisy une forêt mosaïque, des îlots d’enrichissement ou des "nids de plantations" d’essences déjà présentes sur le massif, mais en petites quantités, comme le chêne, le charme, le tilleul, l’alisier, le pommier et le poirier sauvages ont été installés.
Après quelques minutes en voiture, le forestier nous emmène dans un lieu que l’on n’imaginerait pas, ou du moins peu, en forêt : une prairie. Au total, à Cerisy, elles représentent 18 hectares.
"Elles ont été favorisées après-guerre pour le cerf et toutes les espèces endémiques des milieux ouverts comme les papillons ou les abeilles", précise Sébastien Etienne avant de poursuivre : "Ailleurs, dans la forêt, on a aussi ouvert quelques parcelles. La hêtraie est un milieu dense et fermé, l’ouverture est nécessaire pour favoriser les essences au sol en leur apportant de la lumière. C’est une démarche écologique importante pour augmenter la diversification."
En plus de ces actions, des arbres de "surréserve", marqués de deux trais rouges, sont conservés pour, par la suite, devenir des arbres conservés pour la biodiversité. A ce titre, 120 hectares de la forêt ont une vocation écologique et 1000 hectares sont classés Natura 2000. C’est donc dans un espace unique que les promeneurs viennent se ressourcer tout au long de l’année.
La forêt des rendez-vous
Tous les ans, 200 000 visiteurs foulent les chemins de Cerisy. Beaucoup se donnent rendez-vous à la Maison de la forêt et du tourisme située au Carrefour de l’Embranchement, où nous nous rendons ensuite avec Sébastien Etienne. Ancienne maison forestière, détruite au moment du débarquement, elle a été rebâtie et est aujourd’hui le point de départ des circuits touristiques et des groupes scolaires. Expositions et renseignements attendent les visiteurs pour découvrir au mieux les ressources et les secrets de la forêt domaniale de Cerisy.
Une fois regroupés, les promeneurs peuvent s’aventurer sur les chemins balisés. A pieds, 25 kilomètres sont tracés, à vélo, 10 kilomètres de pistes s’offrent à vous. Pour les cavaliers, il est possible de se retrouver au Carrefour des Pins. D’ici 18 kilomètres de circuits vous attendent. Pour les promeneurs les plus sportifs, deux parcours GR® traversent la forêt.
L’Histoire jamais bien loin
Lors d’une balade, peut-être apercevrez-vous le toit d’un imposant édifice en pierres. C’est l’Abbaye de Cerisy-la-Forêt qui longe le massif. Elle ne fait pas partie intégrante de la forêt, mais elle la surplombe et sa grandeur et sa beauté méritent d’être notées.
Contemporaine de l’art roman, elle a été fondée en 1032 par le duc Robert Le Magnifique, père de Guillaume le Conquérant dont on parlait plus haut. Entre ses murs, une exposition permanente retrace les siècles romans en Normandie. Enfin, c’est une occasion de découvrir la Chapelle de l’Abbé, une représentation en miniature de la Sainte Chapelle de Paris, un moment d’Histoire normande.