Dans la vie des équipes de restauration des terrains de montagne (RTM)
Je suis arrivé à l’ONF en 2006, au service RTM de Chambéry, comme ingénieur travaux ; depuis, j’ai enchainé avec les services RTM d’Annecy et de Grenoble. Aujourd’hui, je navigue entre ces trois services et les autres agences RTM (Alpes du sud, Pyrénées) pour exercer mon poste de référent national génie paravalanche et mouvement de terrain.
J’ai aussi touché au volet international puisque j’ai participé à une coopération de 6 ans avec la Turquie, où j’ai formé des collègues turcs aux protections paravalanches. L’idée était de les accompagner sur leurs chantiers, leurs projets et effectuer du transfert de compétences.
En tant qu’adjoint technique au directeur d’agence, mon rôle principal est d’apporter une forme de management technique pour l’ensemble des compétences et spécialités du service RTM. Grâce à mon expérience, j’apporte une vue d’ensemble sur les dossiers avec, en plus, un regard plus poussé dans mes domaines de spécialités : les avalanches et les mouvements de terrain.
Cela permet notamment de proposer des ouvrages de protection à une commune en anticipant les potentiels besoins en travaux, mais aussi en urbanisme, au travers de ce qu’on appelle des plans de prévention des risques (PPR).
Mes missions sont extrêmement variées. Récemment, j’ai eu l’occasion de travailler avec la SNCF concernant une voie de chemin de fer sur le site du Bourget. On m’a demandé conseil pour sécuriser au mieux le passage des trains sur ce site. Plutôt que de proposer la mise en place d’un ouvrage de protection, j’ai préconisé ici l’accélération de la vitesse des trains parce que c’était une manière optimale de protéger le train et ses voyageurs en réduisant le temps passé sous les zones exposées.
Un parcours atypique
En observant mon parcours, on peut dire que j’ai le goût du risque ! J’ai passé un diplôme d’ingénieur à l’école de géologie de Nancy, où j’ai pu effectuer plusieurs stages en risques naturels mouvements de terrain (chutes de blocs, glissements…).
A cette période, j’ai été volontaire à l’aide technique (service militaire) à La Réunion pour travailler sur les schémas techniques de protection contre les crues. J’ai ensuite intégré le Bureau de recherche géologique et minière (BRGM) de Marseille où j’ai travaillé sur des projets de risques sismiques et mouvements de terrain.
C’est là que j’ai vraiment commencé le travail d’expertise car j’ai pu bénéficier d’un compagnonnage avec un expert en la matière, avec qui j’ai beaucoup appris.
Pour autant, l’univers de la montagne et ses activités ne m’est pas tout de suite apparu comme une évidence, car enfant, je n’y avais pas accès. Il a fallu attendre mes 22 ans, à la suite d’un stage avec mon école de géologie, pour qu’un collègue me fasse découvrir le bonheur de l’alpinisme. Depuis, je suis passionné. J’ai passé mon brevet de moniteur d’escalade et je suis parti sillonner le monde pour me confronter aux plus grands murs. Maintenant, je ne peux plus vivre sans l’ombre d’une montagne !
Je n'ai jamais dit non à une proposition ; du coup, tout est arrivé assez naturellement pour moi !
Concrètement, le service restauration de terrain en montagne consiste à :
- contribuer à la prévention contre les risques induits par les phénomènes naturels en terrain de montagne
- cartographier les phénomènes,
- dimensionner des ouvrages de protection,
- proposer des stratégies de protection plus ou moins complexes.
Lorsqu’un phénomène se produit, notre mission consiste à apporter au plus vite des diagnostics permettant la prise de décision par les autorités.
Dans mon travail, le temps passé au bureau est devenu plus important que le temps de terrain car on s’appuie de plus en plus sur des technologies nouvelles. Pour exemple, depuis 2011, le RTM explore la technologie LiDAR qui permet de recréer un modèle 3D précis du terrain.
Cette technologie a révolutionné le travail de géomorphologie à la base de toute expertise RTM, elle permet aussi de faire des calculs plus complexes pour représenter la propagation des phénomènes. D’ailleurs, l’expertise RTM ne peut plus se faire sans le soutien de spécialistes en imagerie et système d'information géographique (SIG) !
Avoir une bonne description du paysage, c’est la première étape pour bien comprendre les phénomènes naturels. On peut ensuite envisager la propagation d’une avalanche, d’une chute de bloc, d’une crue… et savoir quelle pourrait être l’emprise d’un nouvel événement.
Deuxième étape : réaliser des calculs plus ou moins complexes pour mieux caractériser le phénomène. Et enfin, la troisième étape consiste à réfléchir sur les étapes précédentes pour projeter des solutions de protection (dont des travaux).
Ce que je préfère dans mon métier, c’est agir sur des situations opérationnelles et concrètes. Le RTM est une aide à la décision pour le compte de l’Etat, c’est notre cœur de métier. Alors, quand des phénomènes naturels mettent en danger les habitations alentours, notre rôle est de trouver la meilleure façon d’agir et d’apporter des solutions rassurantes loin de tout catastrophisme.
L'enjeu du RTM, c'est d'apporter une aide à la décision opérationnelle, raisonnable et éclairée.
En matière de risque, il existe deux types de scénarios :
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1. le danger imminent.
Pour gérer un danger imminent, comme une avalanche ou une chute de bloc, le temps est précieux. Une commission de sécurité est généralement organisée pour décider des mesures de sauvegarde avec les élus, parfois le préfet si le phénomène est exceptionnel, les pompiers, les gendarmes et, très souvent, le service RTM.
Généralement, on va s’appuyer sur l’existant et chercher dans l’historique, dans les cartes réalisées auparavant pour contribuer à l’information sur les risques naturels (dont les PPR). Le RTM apporte alors une lecture de ces documents et une appréciation de la situation.
Dans les situations les plus délicates, l’évacuation de bâtiments peut devenir nécessaire. Humainement, cela peut engendrer des situations compliquées.
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2. Le danger évolutif.
Pour les dangers évolutifs plus lents, ce n’est pas la même chose. Ce sont généralement des glissements où la terre bouge lentement. On reste dans un état d’urgence sur le long court, car les maisons se fissurent progressivement. Comme pour le premier cas, des commissions de sécurité se réunissent pour une prise de décision par les élus et/ou le préfet.
Mon métier dans 10 ans ?
J’ai envie de laisser ma place à des jeunes qui, je l’espère, se sentiront capables et légitimes d’apporter une aide à la décision auprès du préfet. Quand on est jeune, c’est souvent difficile de s’affirmer, oser donner son avis qui, on le sait, sera très important et aura des conséquences dans un contexte où il existe beaucoup d’incertitudes.
Honnêtement, j’ai moi-même pris quelques décisions qui ont pu m’empêcher de dormir la nuit. C’est un aspect très difficile du métier, car l’expertise qu’on nous demande doit prendre en compte tellement d’aspects différents : environnemental, territorial, humain, financier, parfois politique…
Mais c’est notre rôle de le faire pour permettre les décisions les plus adaptées à la sécurité de tous. Prendre une décision, la communiquer de manière opérationnelle, et partager ses conséquences : la responsabilité est grande, et la mission tellement utile et passionnante !