Forêt domaniale de Chaudefour : entre cascades, crêtes et ballets aériens des rapaces
"Sans vous mentir, je ne me lasse jamais de ces paysages." Philippe Loudin, technicien forestier territorial à l’Office national des forêts (ONF), arpente les chemins de la Réserve naturelle de la Vallée de Chaudefour depuis 1992. "C’est assez magique ici, à chaque saison l’ambiance et les couleurs changent", affirme-t-il.
Pour commencer notre découverte du site, Philippe nous a donné rendez-vous à la "Maison de la Réserve". De là part un chemin menant au cœur de la Vallée de Chaudefour. Les visiteurs avancent sous la fraîcheur des hêtres, avant d’arriver sur une prairie occupée par un troupeau de vaches curieuses qui observent chaque passant. En arrière-plan, le Puy de Cacadogne dont les deux falaises sont d’anciennes coulées de lave.
Aux origines de la vallée
Arrêtons-nous un moment sur l’origine de ce lieu. Née il y a 600 000 ans environ, la Vallée de Chaudefour est une des trois vallées glaciaires du massif de Sancy et résulte de la destruction partielle de son massif volcanique. Une violente éruption a créé un arc de cercle dans lequel se sont installés un lac et une chaîne d’une trentaine de volcans, l’actuelle structure des crêtes.
Au bout de cinq minutes, nous arrivons à l’entrée de la forêt domaniale de Chaudefour. Sur ses 603 hectares, 450 se trouvent dans la Réserve naturelle nationale. "Nous travaillons en co-gestion avec le Parc naturel régional des volcans d’Auvergne", explique Philippe Loudin avant de poursuivre "l’ONF participe à la gestion parce qu’il était gestionnaire, via le code Forestier, de 75% du territoire de la réserve avant sa création. Mon travail de forestier, hors réserve, ne représente que 20 % de mon quotidien. Le reste du temps, principalement de mai à octobre, je suis garde chargé d’étude pour la Réserve naturelle."
Un peu plus loin, à l’embranchement, nous prenons à droite et suivons notre guide jusqu’au Cirque de Chaudefour. Un rocher à l’allure d’aileron de requin nous fait face. C’est la Crête de Coq. A ses côtés, la Dent de la Rancune, un endroit privilégié pour l’escalade. "Les deux petites pointes que vous pouvez voir au milieu, on les appelle 'les Cornes du Diable', et juste à côté vous pouvez voir la Dent du Loup", affirme le forestier.
La source Sainte-Anne
A gauche de cet embranchement, les visiteurs peuvent emprunter un petit chemin (utilisé en 1905 pour arriver à la station thermale, qui n’existe plus aujourd’hui), et trouveront la source Sainte-Anne.
Son eau naturellement gazeuse est potable. Son goût, très métallique, car très riche en fer, est surprenant. Il est conseillé d’en consommer en petite quantité.
D’ici partent plusieurs chemins de randonnées plus ou moins longues. Pour les plus chevronnés : le tour des crêtes, par le sentier de Rondair balisé en jaune, offre une balade sportive de 5 à 6h sur 1000 mètres de dénivelé. Pour ceux souhaitant une promenade plus informelle, la cascade de la Biche est l’idéal.
Pour y arriver, il faut tout de même compter 1h30 de marche en suivant un chemin balisé en bleu en sous-bois. Ici, les visiteurs passent à travers plusieurs îlots de vieillissement, des espaces où les forestiers laissent les arbres prendre de l’âge sans les récolter. "A terme, l’ensemble de la forêt domaniale sera ainsi", explique Philippe.
L’arrivée à la cascade de la Biche se mérite, mais une fois à ses pieds la fraîcheur de la brume venant lécher le visage est agréable. S’y arrêter un moment est apaisant. La forme du bas de la cascade, en orgue est atypique. Il s’agit du lègue basaltique, le résultat d’une coulée de lave d’il y a plusieurs milliers d’années.
Prendre de la hauteur
De retour au Cirque, nous prenons la route pour les hauteurs de la vallée afin d’avoir une vue aérienne de la Réserve naturelle. L’ascension et ses 500 mètres de dénivelé sont un peu rudes pour des non-initiés, mais elle en vaut la peine ! Le début de la marche se fait sous la hêtraie subalpine, se poursuit sous une frange à bouleaux, pour finir sur une pelouse d’altitude. Trois paysages qui s’enchaînent aux odeurs, couleurs et charmes différents. Une fois en haut, quelques arbres offrent un peu d’ombre, appréciée pour un pique-nique au frais.
Et puis, là, au loin dans le ciel, surprise… Un groupe de vautours ! Pendant plusieurs minutes, ils nous offrent un ballet d’une grande beauté, jouant avec les courants d’air chaud et guettant de leur œil aiguisé un éventuel déjeuner. La vue dégagée des hauteurs de la vallée est idéale pour admirer le spectacle. Peu à peu, le groupe se disperse, puis finit par disparaître. Encore émerveillés, nous entamons la descente et remercions notre guide.
La biodiversité sous cloche
La Réserve naturelle de la Vallée de Chaudefour renferme une faune et une flore alpines uniques. Les actions combinées de l’altitude, des versants, de l’exposition et de l’agropastoralisme en sont à l’origine. C’est pourquoi, en 1991, elle a été classée afin de protéger l’intégralité de la faune et de la flore. A l’heure où sont écrites ces lignes, 1022 espèces animales et 1529 espèces végétales ont été recensées sur la vallée, mais plusieurs inventaires sont en cours actuellement.
Sur notre route, nous n’avons pas eu la chance de croiser de vipères péliades, pourtant présentes en grand nombre sur le site. Nous avons néanmoins rencontré des pièges à insectes. Répartis dans plusieurs coins de la vallée, ils permettent aux experts de recenser et d’étudier la biodiversité de Chaudefour. Ce sont de précieux indicateurs.
Sur le bord des chemins on trouve de la Lis Martagon, la Soldanelle des Alpes ou le Saule des lapons qui sont des plantes typiques des montagnes et protégées. Du côté de la faune, se cachent aussi dans pentes de Chaudefour, Monticoles de roche, Merles à plastron, Chamois, Mouflons et Marmottes