La forêt de Larche, un écrin au sommet
Lumineuse ! C’est le premier mot qui vient à l’esprit lorsque l’on pénètre en forêt de Larche, par un petit sentier tracé par les anciens forestiers. Aux côtés de quelques pin cembro et pin à crochets, le mélèze, aussi appelé "arbre de lumière", y règne en maître. On ne voit que lui dans la forêt de Larche. Il est l’essence quasi exclusive de cette forêt, ce qui en fait un mélézin (forêt dominée par des mélèzes). Face à cette vaste étendue de conifères, le temps est suspendu, la lumière est tamisée, juste ce qu’il faut pour garder la fraîcheur. Le chant des oiseaux, omni présents, nous parvient, mêlé à celui de la rivière l’Ubayette. Tous deux nous content l'histoire d'une forêt qui n'a pas toujours été là et qui s'est construite au fil des intempéries et des blessures de l'histoire.
Une forêt née des avalanches
Au XIXe siècle, le surpâturage prédomine dans la vallée de l'Ubaye, ce qui a malheureusement des effets désastreux : glissements de terrains, érosion, débordement des torrents, pluies d’orage dévastatrices. Les terres arables sont emportées, les villages noyés, les routes et les sentiers détruits. Dès 1860, l’Etat engage avec l’Administration des Eaux et Forêts (qui deviendra par la suite l’Office national des forêts) une politique de restauration des terrains en montagne (RTM). Mais cela ne suffit pas à contrer les avalanches qui y sont fréquentes. Celle de 1976, exceptionnelle, rase partiellement le village de Larche.
C’est de cette catastrophe que naît la forêt domaniale de Larche. L’Etat acquiert, début des années 80, ce qui était alors une forêt communale (partie ubac) et une forêt privée (côté adret, versant au soleil). Ce qui donne lieu à des échanges de terrains, des concessions, des ventes et des expropriations.
Aujourd’hui, la forêt domaniale est gérée en vue de répondre à quatre objectifs indissociables : produire du bois, préserver l'environnement, accueillir du public et prévenir les risques naturels. Ce dernier rôle est primordial depuis l'avalanche de 1976. Pour contrer les phénomènes sismiques et avalancheux, sont combinés des ouvrages de génie civil paravalanche (barrière à neige, canon déclencheur d'avalanche) et des boisements d'altitude avec des essences adaptées comme la Benoite des Montagnes dont l'enracinement très important permet de tenir les sols.
Un lieu chargé d'histoire
Au gré de vos promenades, vous pourrez apercevoir l'un des nombreux forts entourant la ligne Maginot qui traverse la forêt de Larche. Les passionnés d'histoire auront la chance de découvrir, encerclant le Vallon de l’Ubayette, les forts de Viraysse, Roche Lacroix, Saint-Ours, et plus en aval celui de Tournoux.
Ne soyez pas surpris de voir des stigmates encore visibles de la Seconde Guerre mondiale comme des tirs de mortiers ou d’artillerie (qui étaient effectués depuis les avant-postes édifiés le long de la ligne Maginot) ou comme les traces de cette semaine de combats intenses, entre les 18 et 24 juin 1940, jour du cessez-le-feu, au cours de laquelle la forêt va être profondément meurtrie : trous d’obus dans le sol, bois portant dans leur tronc les éclats de mitraille.
Telles des marques indélébiles, ces vestiges guerriers rendent difficile l’exploitation et la valorisation des bois. Les entreprises locales ne savent pas exploiter les arbres mitraillés. Même au niveau national, très rares sont celles capables de le faire. Cela représente une grande perte. Le mélèze est en effet un arbre robuste : le plus solide et le plus durable des bois de conifères. Son bois est réputé et sert généralement à des ouvrages nobles comme les charpentes, les bandeaux de toiture, les traverses de chemin de fer ou la construction de bateaux.
Meurtris, abîmés, ces bois ne peuvent plus servir qu’à alimenter des chaudières… Un crève-cœur pour tous les exploitants forestiers !
Ces bois, ayant du mal à être vendus, ne sont pas coupés. Or les coupes sont nécessaires et vitales à la régénération de la forêt.
Des arbres bicentenaires, trésors de biodiversité
La forêt de Larche est l'une des plus anciennes forêts de la Vallée de l’Ubaye. Elle n’a jamais été totalement défrichée au profit du pastoralisme comme ce fût le cas dans la majeure partie de l’Ubaye. Certes l’ubac y a toujours été entretenu et exploité par les sylviculteurs, pour la construction d’habitats ou de ponts, mais même au pic de population, entre 1820 et 1870, la forêt a été préservée. C’est ce qui explique sa richesse.
Aujourd'hui, il est possible d'y admirer, aux côtés de "jeunes" mélèzes âgés de 140 et 160 ans, des spécimens plus vieux datant de 200, voire 250 ans ! Ces mélèzes exceptionnels peuvent mesurer jusqu'à 120 cm de diamètre. Pour les trouver, il faut se rentre dans la partie ouest de la forêt.
Ces arbres bicentenaires sont précieux car ils favorisent et préservent la biodiversité. Dans leurs cavités, nichent des oiseaux tels les pics et les Chevêchettes d’Europe, ces petites chouettes de montagne. Le mélézin est également le refuge de l’animal des grandes peurs et des débats houleux : le loup !
Une faune et une flore préservées
Amoureux de la nature, vous ne serez pas déçus, la forêt regorge d'une faune et d'une flore d'une grande diversité. Vous pourrez admirer des espèces végétales, tels des lys ou des orchidées. Vous aurez peut-être également la chance de croiser le chemin de chamois, de cerfs, de chevreuils, de quelques sangliers de passage ou même d'animaux endémiques, comme le Tétras-lyre (qui bénéficie d’un plan de conservation au niveau national).
Une forêt accueillante et généreuse
En toute saison, il est possible de profiter des bienfaits de la forêt de Larche. En hiver, elle fait la joie des skieurs de fond, quand en période estivale, elle devient le site favori des randonneurs et des amateurs de VTT. Pour les plus courageux, les sentiers aménagés par l'ONF, pour ne pas déranger et perturber la faune, vous mèneront jusqu'au Vallon Crozet et jusqu’à la Tête du Pas des Menz.
Une forêt résiliente, tournée vers l'avenir
Si la régénération naturelle est privilégiée, elle doit être toutefois complétée par des semis de graines de mélèze, d’essences locales comme le pin à crochets et le pin cembro et de nouvelles essences arbustives comme l’argousier, l’arbousier, le cytise des Alpes et la Benoite des Montagnes qui ont été introduites à partir des années 70, à titre expérimental. Le but est d’obtenir un plus grand mélange d’essences pour avoir des peuplements plus résilients.
L’ambiance de cette forêt lumineuse et aérée que l’on doit au mélèze va-t-elle changer, voire disparaître ? Pas vraiment ! La volonté n’est pas de changer la forêt mais d’introduire par petits bouquets d’autres espèces pour favoriser la diversité qui en partie peut permettre de faire face aux défis du changement climatique.