©Nicolas Micoud / ONF

Changement climatique : le massif résineux de l'Ain en alerte

Depuis 2018, d’importantes mortalités d’arbres sont constatées dans les forêts de sapin et d’épicéa des montagnes de l’Ain. Ces dépérissements provoqués par les effets du changement climatique imposent des récoltes sanitaires en urgence, parfois sur plusieurs hectares. Ces coupes sont les effets visibles du changement climatique sur nos forêts.

Face aux sécheresses successives et aux vagues de chaleur exceptionnelles, de nombreux secteurs forestiers de l'Ain sont victimes de dépérissements avec un taux de mortalité inédit. En effet, plus de 50 % des forêts publiques gérées par l’ONF dans les montagnes de l’Ain sont touchées par le dépérissement des sapins ou épicéas à un stade plus ou moins avancé.

Les épicéas sont les plus touchés

Le manque d’eau peut causer la mort des arbres, ou les rendre vulnérables. Affaiblis par les sécheresses successives, les épicéas subissent des attaques massives d’insectes ravageurs, comme le scolyte, dont la prolifération est favorisée par les températures élevées. À partir d’un certain niveau de population de ravageurs, même des arbres sains sont attaqués et meurent. C'est exactement ce qui se produit pour les épicéas. Ces derniers représentent 65 % des arbres récoltés en urgence dans l'Ain.

Bois dépérissants en forêt de Cormaranche-en-Bugey (01)

Les sapins souffrent également

Le sapin, qui domine les peuplements forestiers du Haut-Bugey (Ain), est affecté de manière plus progressive. Sur le terrain, les forestiers relèvent des rougissements et des mortalités importantes.
Depuis la sécheresse de 2015 puis les épisodes répétés en 2018, 2019 et 2020, cette essence, très exigeante en eau, subit directement les répercussions d'un déficit de précipitations.

Zoom sur le volume de bois dépérissants (sapin / épicéa) par année en Ain-Loire-Rhône

2019
62 000 m3 de bois dépérissants
2020
87 000 m3 de bois dépérissants
2021
124 500 m3 de bois dépérissants
2022
104 000 m3 de bois dépérissants

La légère décrue s'explique par une année 2021 pluvieuse. Cependant, elle ne nous ramène pas à la situation d'avant mars 2019 et surtout elle ne prend pas encore en compte les impacts potentiels de l'été 2022, chaud et sec.
2023
Déjà 89 000 m3 de bois dépérissants fin mai 2023.

Avant 2019, 15 % du volume de bois récolté était dépérissant du fait des bris de neige, d’accidents climatiques ou d'attaques d'insectes très localisées. Depuis 2019, 50 à 70% du volume de bois récolté est dépérissant.

Plantation France Relance suite à coupe sanitaire à Cormaranche-en-Bugey - ©Elise Daunay / ONF

Construire la forêt mosaïque pour demain

La forêt française change de visage. D’autres essences phares des forêts françaises sont aussi victimes du réchauffement climatique comme le chêne dans les forêts du centre de la France. Les simulations climatiques montrent que les aires de compatibilité des essences vont se réduire et se déplacer. Autrement dit, les principales essences de la forêt française vont être de moins en moins adaptées à leur zone géographique actuelle. Avec des sécheresses plus fréquentes, plus longues et plus intenses, une chose est sûre : le paysage forestier est déjà en plein bouleversement. Celui des montagnes de l’Ain aussi.

Pour l’ONF, tout l’enjeu est de conserver une forêt en bonne santé pour lui permettre de remplir pleinement son rôle de fixation de carbone et ses autres fonctions écologiques, économiques et sociétales. Autrement dit, il est urgent de remplacer progressivement les essences en difficultés par des essences plus résistantes.

Pour reconstituer les peuplements dépérissants, l’analyse des différentes options se fait au cas par cas. Si des semis naturels sont présents, la régénération naturelle sera favorisée en la complétant par d’autres espèces pour enrichir et diversifier le peuplement.

Dans les autres situations, la plantation d’espèces plus adaptées au climat futur est envisagée. Pour rendre les forêts des montagnes de l’Ain plus résilientes, l’ONF mise alors sur une diversité d’essences de reboisement.

Pour en savoir plus sur la forêt mosaïque : regarder la vidéo.

Comment choisir les essences dans ce contexte de changement climatique ?

Les équipes de l’ONF s’appuient sur les connaissances scientifiques et les outils (Clim’essences) mis à disposition par le RMT AFORCE, ainsi que l’application mobile For-Eval développée par l’INRAE et l’ONF pour évaluer la sensibilité des sols forestiers. Le forestier détermine son choix en prenant en compte le sol, le climat futur, la réserve en eau, les enjeux de biodiversité.

Au total, les chantiers de reconstitution programmés entre l’hiver 2021 et le printemps 2023 ont permis de planter sur le massif de l'Ain une quarantaine d'essences d’arbres différentes, en s’appuyant principalement sur les douglas, pins, mélèzes, cèdres, chênes, érables, et divers fruitiers.

France relance, l'aide au reboisement

Pour assurer l’avenir des forêts françaises et garantir leur rôle dans la transition écologique, l’État et l'Europe s’engagent aux côtés des collectivités pour financer partiellement le reboisement des forêts impactées par le changement climatique.

Depuis 2020, dans l'Ain chaque année de nombreux plants sont mis en terre

D’autres dispositifs viennent compléter l’effort des communes pour reconstituer leurs forêts : fonds locaux des départements, mécénats, parrainage, et label bas-carbone. Tous ces dispositifs financiers peuvent venir en aide aux collectivités territoriales durement touchées par la perte d’une partie de leur peuplements forestiers.

Pour planter, encore faut-il disposer des essences adaptées et c’est le rôle des pépinières forestières qui font germer et grandir les jeunes arbres. Elles ajustent progressivement leur production aux nouveaux besoins des forestiers.

Coupes sanitaire dans le Bugey (01) - ©Elise Daunay / ONF

Comment valorise-t-on les arbres dépérissants ?

Les bois dépérissants sont identifiés le plus vite possible et commercialisés rapidement. On évite autant que possible une perte de qualité trop importante des arbres en les récoltant avant qu’ils ne soient secs. Ils sont commercialisés lors de consultations informatiques mensuelles ou par le biais de contrats d'approvisionnements avec des scieries locales. C’est une activité intense pour l’ensemble de la filière, car une fois achetés les bois doivent être récoltés et sciés au plus vite afin de ne pas se déprécier (colorations à partir des zone de piqûre d’insectes notamment).

L'exploitation se fait dans le respect des clauses environnementales identifiées par le forestier, en veillant à la protection des sols et de la biodiversité.

Les bois morts ou  dépérissants qui n’ont plus de valeur marchande et qui ne présentent plus de risque de contamination des arbres voisins ni de danger pour les usagers de la forêts peuvent être conservés sur pied. Ils sont très précieux pour le maintien d’une biodiversité très riche liée aux bois morts et qui ne représente aucune menace pour la santé des forêts, bien au contraire.