©Erwan Le Marrec / ONF

Forêt du Vercors, le massif immuable

C’est un territoire où l’humain se fait discret, et où les bruits de la nature sont une superbe bande-son faisant écho à des paysages grandioses. Perché sur le plateau du Vercors, ce massif forestier s’étire entre Drôme et Isère, entre falaises et vallées. A pied, à vélo, à ski ou avec des raquettes à neige, c’est un territoire que l’on pénètre doucement, de peur de déranger ses habitants à feuilles ou à pattes...

Un festival de couleurs ! Des nuances de vert à faire pâlir un peintre. Et l'automne? de l’orange flamboyant et du jaune pimpant. Entre feuillus et résineux, au début de l’automne, le massif du Vercors est un véritable feu d’artifice végétal. De 900 à 2090 mètres d’altitude, aux pieds des montagnes du Grand Veymont (2341m), cette forêt de montagne joue avec les espèces et le relief. Celui des Hauts-Plateaux du Vercors, où elle s’étire sur près de 5 000 hectares.

Pas de grosse agglomération à l’horizon, le principal repère pour trouver l’entrée de la forêt est le village de Saint-Agnan-en-Vercors. Quelques kilomètres plus loin, on bifurque pour emprunter la route forestière de la Coche en compagnie d’Erwan Le Marrec, technicien forestier sur le secteur.

La montée dans les hauteurs boisées commence. En voiture puis à pied sur les sentiers balisés, au fil de l’altitude, la végétation évolue : en bas on trouve les hêtres et les sapins - la fameuse hêtraie-sapinière des massifs montagnards - puis la végétation se fait plus clairsemée, les feuillus disparaissent lentement, les conifères prolifèrent, les buissons de genévriers gagnent peu sur les espace herbeux. Enfin, à partir de 1400 mètres environ, les clairières se transforment en prairies et les épicéas s’inclinent devant les pins à crochet. C’est un massif multiple.

« C’est cette mosaïque de milieux ouverts ou boisés qui contribue à sa richesse. On a fait 150 mètres et on a n’a pas du tout la même forêt ! » s’amuse Erwan Le Marrec.

Une forêt façonnée par l'homme

Dans ce  massif, la main de l’homme semble ne pas avoir prise. « Sur un territoire qui fait la moitié de Paris, tu mets une route, six refuges d’alpagistes et c’est tout ! Tu vas passer une journée et tu n’entendras pas un bruit de circulation » se réjouit Erwan Le Marrec.

On la croirait immuable. Pourtant, cette forêt a connu le charbonnage, l’exploitation liée aux industries du papier ou de la sidérurgie… mais elle a résisté, tout en étant façonnée par l'Homme. Et ce, malgré un climat qui n’est pas des plus tendres. Les étés sont brefs et les nuits fraîches, l’automne arrive à toute vitesse, la neige peut tomber dès octobre et rester jusqu’en avril, certaines zones peuvent frôler les -20°c ! Le climat donne le rythme : la période végétative est courte, les quelques mois sans neige sont une aubaine à ne pas rater pour les écosystèmes !

Un peu d'histoire

Ce massif est constitué en partie de l'ancienne forêt seigneuriale du Vercors. Sous l'Ancien Régime, la forêt appartenait à l'évêque de Die et à deux co-seigneurs du Vercors. Bien national en 1792 (environ 7 700 hectares), elle est partagée en 1845 et sa surface passe à un peu plus de 3 500 hectares, avant d’atteindre 5 060 hectares aujourd’hui. Elle fut le siège d'événements tragiques au cours de la Seconde Guerre mondiale. Les maisons forestières ont été rasées par les allemands, sauf celle de La Coche (dont la rénovation est prévue). Pendant cette période, le maquis du Vercors, considéré comme une véritable forteresse naturelle, fut une importante base de la Résistance française.

Autre particularité : le relief chaotique. Ce plateau n’est pas si plat. Plusieurs facteurs sont en cause, notamment les sols calcaires très épais (300 à 400 mètres) propres au massif montagneux du Vercors, parsemés de scialets (gouffres) et de lapiaz (grande surface calcaire creusée de rigoles ou de crevasses). L’eau s’engouffre en profondeur, ce qui joue sur la végétation.

Pas toujours simple de pousser par ici ! Il faut user d’ingéniosité et faire preuve de grandes capacités d’adaptation. Dans ce massif, vous pouvez ainsi passer d’une parcelle riche en bois à une zone autrefois pâturée à l’aspect de pré-bois, d’une prairie sèche parsemée de buissons à des étendues de pierriers et de lapiaz. 

Erwan Le Marrec vous emmène dans son coin préféré de la forêt

©Anne Recoules / ONF

Le massif du Vercors en détails

Cela n’en fait pas un massif toujours facile à aborder pour les promeneurs (sauf en restant sur les sentiers balisés)… ni pour les forestiers. Certaines parcelles ne sont pas accessibles et la neige limite les déplacements une bonne partie de l’année (à moins de s’équiper de raquettes ou de peaux de phoque !).

La gestion forestière demande beaucoup de souplesse  : "C’est un grand massif. Dans ces rudes conditions de sol et de climat, si les arbres ont une croissance extrêmement lente, ils produisent cependant un bois de grande qualité, assez recherché.

Les sentiers

Marche, VTT, cheval, ski ou raquettes : plusieurs itinéraires sillonnent le massif via les pistes forestières ou les sentiers balisés. Plein d’idées de balades sur ce site : Vercors Rando.

Quand j’ai commencé, on disait : gérer la forêt, c’est gérer la lumière, il faut apporter de la lumière pour les semis. Avec le réchauffement climatique, maintenant on gère l’ombre. Quand on enlève un arbre, il faut se poser la question : si je l’enlève, est-ce bénéfique pour le semis ou le reste des arbres ? Maintenant, on a tendance à garder de l’ombre pour limiter l’évaporation. Récolter un arbre est une décision qui doit être réfléchie avec prudence…

Erwan Le Marrec, technicien forestier à l’unité Vercors-Diois

Un patrimoine naturel riche et unique

Ce territoire est aussi un mille-feuille de zones de protection : Parc naturel régional du Vercors (PNR), Réserve naturelle des Hauts-Plateaux du Vercors (RNHPV) et pas loin de 2 000 hectares de la forêt classés par l'ONF en Réserve biologique intégrale (RBI). Cette dernière assure un niveau ultime de protection. Espace forestier en libre évolution naturelle, c’est une zone sanctuarisée : pas de chasse, pas de bivouac, pas de pâturage, ni d'exploitation de bois. Les forestiers ont ici fait le choix d'observer, d'étudier et d'analyser le fonctionnement des écosystèmes forestiers et montagnards.

La gestion des forestiers se fait donc en collaboration avec les différents statuts de protection, qui cherchent à préserver un écosystème riche et unique, dans lequel on retrouve nombre d’essences présentes dans les forêts de montagne : Hêtre et Sapin, Epicéa (dont certains gros bois ont plus de 200 ans !), Alisier blanc, Sorbier des oiseleurs, Tilleul à grande feuilles, Erable et, à partir de 1400-1500m d’altitude, un vaste peuplement de pins à crochets.

Quelques spécimens à part se sont aussi glissés dans ce massif comme le Pin mugho (fontaine de Gerland), quelques mélèzes (fontaine de l’Adret) ou des pins Laricio de Corse (maison forestière des Rangs des Pourrets). On y croise également des espèces végétales remarquables comme l’Aconit napel, le Lys martagon, la Gentiane acaule, la Tulipe sauvage (emblème du PNR) et plusieurs espèces d’orchidées.

Et les animaux ? Une fois la neige fondue, les grands ongulés (cerf, chevreuil, sanglier) s’épanouissent dans la partie boisée des hauts-plateaux. Ils sont d’ailleurs suivis de près par le loup, qui compte plusieurs meutes dans la région ! Secteur montagnard oblige, on peut aussi rencontrer le bouquetin, quelques marmottes et des lièvres variables.

Mais c’est aussi le paradis des oiseaux… et pas que des petits ! La Gélinotte des bois et le Tétras-lyre aiment nicher dans les hauteurs du massif. Le Lagopède alpin, lui, préfère rester sur les crêtes, à l’abri des regards. La Chevêchette d’Europe et la Chouette de Tengmalm traînent régulièrement dans le coin. A l’Est, en approchant des hauteurs, vous verrez peut-être passer un Aigle royal, un Vautour fauve ou un Gypaète barbu ! Si vous n’avez pas cette chance, vous pourrez tout de même profiter de la présence des passereaux de montagne : Mésange noire ou huppée, Grimpereau des bois, Pinson des arbres, Roitelet huppé, Pouillot véloce… 

Pour protéger ce massif fragile et ses nombreux habitants, les forestiers ont donc mis en place une multitude d’actions. Par exemple, en-dehors de la Réserve biologique intégrale, ne sont autorisées que les chasses à l’approche ou à l’affût sans chien. De même, le pâturage est tardif. S’il peut commencer en juin sur les hauts-plateaux du Vercors, sur la domaniale c’est à partir du 1er août, pas avant. Enfin, la période d’exploitation est réduite en faveur des espèces, comme l’explique Erwan le Marrec : « On interdit toute exploitation forestière avant mi-juillet, voire début août pour laisser le temps à la faune de faire son cycle de reproduction. On a aussi des gélinottes, c’est une petite perdrix des bois, qui niche au sol. Pour la laisser tranquille, on fait des exploitations assez tardivement. » C’est une grande particularité de cette forêt. Ce qui en fait aussi sa singularité. Et sa beauté. Parfois, la main de l’homme peut aussi rendre aux lieux leur caractère immuable...

En images, ce qu'il ne faut pas rater

Infos pratiques

Accès

  • à égale distance de Valence et Grenoble (environ 70 km) ;
  • au niveau de Saint-Agnan-en-Vercors, prendre la RD 518 qui mène aux routes forestières de la Coche ou de Pré Rateau. Elles ne sont pas déneigées l’hiver et sont fermées par une barrière.
     

Parking

  • au bout de la route forestière de la Coche.
     

Cabanes forestières

Deux cabanes sont accessibles au public :

  • Pré Grandu (payante, réservation à l’Office de Tourisme de La Chapelle-en-Vercors) ;
  • abri des Bachassons, ouvert en permanence.
     

A savoir !

Il y a très peu de sources d’eau dans le massif, pensez à prendre une gourde avant de partir !

Pour connaître le débit des sources : info-sources

Et aussi :