L'ONF fait le point sur l'avancement de la reconstruction de la forêt domaniale de Montmorency
La maladie de l'encre, un fléau qui dévaste cette ancienne châtaigneraie
La forêt domaniale de Montmorency s’étend sur 1970 hectares à 20 km au nord de Paris. Elle est essentiellement constituée de châtaigniers, qui représentent 70% de ces peuplements. Cette omniprésence de l’essence châtaignier s’explique par l’histoire de cette forêt, anciennement privée, qui était auparavant gérée afin de produire des piquets de châtaigner principalement destinés aux agriculteurs ou viticulteurs du fait de la haute résistance de son bois.
C’est bien ce choix de gestion passée qui fait défaut à la forêt aujourd’hui. En effet, les monocultures d’essences sont beaucoup plus fragiles aux aléas climatiques et aux maladies. Malgré un effort de l’Office national des forêts dès l’acquisition de la forêt de Montmorency par l’État en 1970, de renouveler les peuplements avec un mélange d’essences forestières, la forêt domaniale reste aujourd’hui en grand majorité composée de châtaignier.
Les forestiers de l’Office, soutenus par le Département de la santé des forêts du ministère de l’Agriculture et l’Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'Environnement, estiment aujourd’hui que sur les 38% de châtaigniers présents en forêt domaniale de Montmorency, plus de 50% sont condamnés par la maladie de l'encre.
Devant l’ampleur de la crise, la coupe des arbres touchés morts ou moribonds, suivie de plantations, est la seule action possible et indispensable pour aider la forêt à cicatriser, ramener de la diversité dans les zones les plus touchées et sécuriser l’espace forestier largement plébiscité par le public.
Que fait l’Office national des forêts face à cette crise ?
La forêt domaniale de Montmorency étant la plus fréquentée du Val-d’Oise, accueillant des millions de visiteurs chaque année, la sécurité des usagers est la première préoccupation des forestiers. Après leur mort, les châtaigniers sont dangereux et peuvent en chutant provoquer des accidents et des dégâts sur les personnes et les biens. L’Office national des forêts a étudié différentes solutions pour reconstruire la forêt avant de définir son plan d’action :
1) Et si on laissait la forêt se renouveler seule ?
Ne rien faire pourrait représenter une opportunité, la forêt ainsi touchée deviendrait un laboratoire du vivant qu’on pourrait observer de loin.
Dans un contexte de forêt reculée avec des peuplements inaccessibles pour le public, l’ONF aurait pu se dire pourquoi pas. Mais dans un contexte de forêt ultra fréquentée aux portes de Paris comme c’est le cas pour la forêt domaniale de Montmorency, ce scénario inclurait forcément aussi la fermeture complète du massif pendant plusieurs décennies pour des questions évidentes de sécurité. Poumon vert pour bon nombre de riverains et visiteurs, cette décision ne semblait pas la réponse adéquate vis-à-vis d’une des fonctions premières de la forêt : accueillir le public.
De plus, en laissant les peuplements dépérir seuls, la société perd également l’opportunité de valoriser une partie du bois qui même dépérissant, peut-être valorisé en bois d’œuvre pour la construction ou encore pour l’ameublement quand la récolte n’est pas trop tardive. Ainsi valorisés, les bois continuent de stocker le carbone capté par la forêt, alors que si ces bois se désagrègent dans le sol, le carbone retourne dans l’atmosphère.
2) Et si on prélevait seulement les arbres morts, au cas par cas ?
Une action sélective permettrait pour sûr des changements de paysages moins importants et donc plus acceptables par le public.
Néanmoins, cela inclurait aussi des interventions répétées dans les peuplements, une multiplication des coupes et donc du passage des engins. Cela n’est ni souhaité par le public ni souhaitable pour la bonne santé du sol qui risque d’être abîmé et compacté par une présence trop récurrente des engins.
De plus, si les forestiers prélèvent seulement les arbres morts et donc de très faible qualité, la forêt ne serait que génératrice de bois énergie, seule finalité du bois qui ne permet pas de rendre pérenne le stockage du carbone dans le bois. La régénération de la forêt serait aussi étalée sur un temps très long, prenant plusieurs décennies de mise en œuvre et de suivi.
Enfin, en pratiquant ce type d’action, les forestiers rendraient la régénération de la forêt beaucoup plus difficile : l’implantation des îlots de jeunes arbres serait inégale et cela rendrait difficile le suivi et l’accompagnement des jeunes peuplements, les mettant ainsi en péril.
3) Et si on prélevait l’ensemble des arbres touchés sans attendre qu’ils soient secs sur pied ?
Prélever les arbres touchés par grande zone et quel que soit le niveau de dépérissement, pour rendre le plus rapidement à la forêt une canopée dense et dynamique, voilà la solution mise en place par les forestiers.
Mais pourquoi ?
En agissant comme cela, les forestiers accélèrent la régénération de la forêt tout en assurant d'une part le renouvellement des peuplements en mélange et d'autre part la sécurité du public.
La forêt devient ainsi plus résiliente car les forestiers imitent les cycles naturels en implantant différentes essences mais aussi en favorisant les arbres appelés « essences pionnières » qui profitent de l’ouverture des parcelles comme le Bouleau, le Peuplier tremble ou encore le Saule.
Afin de reconstituer la forêt et assurer la sécurité de tous, l’Office a ainsi choisi d’être proactif dans la gestion de la crise et procède ainsi à des coupes de bois importantes sur de vastes surfaces. Ces actions impactent fortement le paysage forestier. Mais en intervenant en une seule fois, ces interventions permettent de limiter l’impact des travaux sur le sol et son tassement. De plus, les forestiers s’emploient à préserver et conserver tous les arbres des autres essences présents sur les parcelles, quand la coupe ne met pas en péril leur développement.
Enfin, cette récolte globale permet de faire profiter la société de bois de différentes qualités, à destination de plusieurs filières de valorisation dont certaines permettant la continuité du stockage du carbone présent dans le bois.
Avancement des coupes et des travaux de replantation
Depuis l’entrée en crise, les équipes de l’Office national des forêts ont mis en œuvre les coupes et plantations nécessaires et ont ainsi reconstitué plus 216 hectares, soit 11% de la forêt !
Les travaux de coupe se poursuivent (été-hiver 2023) :
Les parcelles 1, 81, 115, 110, 140, 152, 208, 216, 223, 225, 229, 232, 233 et 248 vont connaître prochainement des coupes sanitaires.
Travaux de replantation
Depuis 2017, l’ONF a procédé à la coupe et à la replantation de 216,64 hectares de forêt touchée par la maladie de l’encre du châtaignier. En moyenne, l’ONF plante environ entre 1 200 et 1 600 arbres à l’hectare et réimplante plus 17 essences d’arbres différents en plus de ceux qui s’implantent naturellement. À terme, l’ONF va procéder à la plantation de centaines de milliers d’arbres.
Bilan des saisons de plantation passées :
- Hiver 2022-2023 : 34,75 hectares ;
- Hiver 2021-2022 : 68 hectares ;
- Hiver 2020-2021 : 21,52 hectares ;
- Hiver 2019-2020 : 58,6 hectares ;
- Hiver 2018-2019 : 17,34 hectares ;
- Avant 2018 : 16,43 hectares.
Un diagnostic partagé, un suivi collectif
L’Office national des forêts n’est pas le seul organisme à avoir diagnostiqué la maladie de l’encre et a été soutenu par les institutions scientifiques forestières : le Département de la santé des forêts du ministère de l’Agriculture (DSF) et l’Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE).
Retour sur le processus de diagnostic :
- Eté 2015, les forestiers de l’Office national des forêts identifient des dépérissements particulièrement intenses ;
- En 2016, le Département de la santé des forêts du ministère de l’Agriculture (DSF) pose un premier diagnostic : certains peuplements de châtaigniers sont atteints par la maladie de l’encre ;
- Entre 2017 et 2018, avec le soutien du Département de la santé des forêts et de l’Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE), les forestiers suivent l’expansion du dépérissement ;
- Août 2018, l’ONF fait une première estimation de l’étendue de la maladie des peuplements : 503 hectares seraient touchés ;
- Dès novembre 2018, collectivement les forestiers prennent la décision d'arrêter de suivre le plan de gestion d'aménagement pour se concentrer sur la reconstruction des peuplements touchés ;
- Juillet 2019, un premier test de quantification des dépérissements des châtaigniers est mené par image satellite : la télédétection*, mise en place conjointement par les trois institutions. Ce suivi sera éprouvé par les forestiers de terrain et renouvelé en 2020 et 2022 afin de cartographier les peuplements par niveau de dépérissements, orienter les forestiers quant aux zones prioritaires et suivre l’évolution de la situation dans le temps ;
- En parallèle, à l’été 2020, une étude est menée par l’institut de recherche d’AgroParisTech pour identifier les facteurs de propagation de la maladie.
Une maladie aujourd’hui incurable pour les arbres qui touche particulièrement les forêts franciliennes
Cette maladie est due à un pathogène microscopique présent dans le sol. Il se propage d’arbre en arbre dans l’eau du sol et provoque la nécrose des racines par lesquelles les arbres se nourrissent. Avec un système racinaire défaillant et des épisodes de sécheresses estivales de plus en plus marqués, les châtaigniers ont de plus en plus de mal à s’alimenter en eau et flétrissent, ce qui entraîne leur déclin, puis rapidement leur mort.
Ce phénomène a été vu pour la première fois au début des années 2010 par l'ONF, avec l’expertise du Département de la santé des forêts du ministère de l’Agriculture et de l’INRAE, grâce à des analyses en laboratoire.
>> À l'image de la forêt domaniale de Montmorency placée en crise sanitaire, de nombreuses forêts de la région connaissent ces dernières années un dépérissement important des peuplements de châtaigniers comme les forêts domaniales de Marly, de Meudon, de La Malmaison, ou encore de La Grange.
Grâce aux analyses fournies par la télédétection, on estime aujourd’hui qu’au moins 50% des peuplements de châtaigniers de la forêt de Montmorency sont aujourd’hui touchés par la maladie de l’encre pour 34% des peuplements de châtaigniers franciliens.
La situation du massif de Montmorency est quant à elle particulièrement critique du fait de la prépondérance de l’essence châtaignier dans ses peuplements en lien avec son histoire.