©Nicolas Drapier / ONF

Réserve biologique dirigée des Moixoses

La réserve biologique dirigée (RBD) des Moixoses se trouve en forêt domaniale des Albères (66).

Localisation

  • forêt : forêt domaniale des Albères
  • commune : Sorède
  • département : Pyrénées-Orientales (66)
  • région : Occitanie

Identité

  • date de création : 28/01/2014
  • surface : 684,65 ha 
  • catégorie UICN d'aire protégée : 4
  • code national INPN : FR2300236
  • code international Protected planet : 555561941  

Gestion

  • direction territoriale ONF : Midi-Méditerranée
  • agence territoriale : Ariège / Aude / Pyrénées-Orientales

Le massif des Albères (ou de l'Albera en catalan), formant l'extrémité orientale de la chaîne pyrénéenne, constitue une unité géographique autonome culminant à 1254 m au Pic Néulos. Délimité par le col du Perthus à l'ouest, il présente un versant nord plus abrupt et moins étendu que le versant sud. Le relief vigoureux est marqué par des pentes moyennes de 40 à 60%, avec une montée de 50 à 1000 m en seulement 5 km. Relativement isolé, ce massif domine les plaines du Roussillon au nord et de l'Empourda au sud.

Au cœur de ce massif, la réserve biologique des Moixoses ("Mouchouses" pour l'orthographe et la prononciation francisées) se situe à l'est de la forêt domaniale. Occupant principalement les versants et replis d'une vallée encaissée d'orientation générale au nord-nord-ouest, elle s'étend entre 200 m et 1157 m d'altitude, atteignant la ligne de crête principale du massif (qui constitue aussi la frontière avec l'Espagne). 

La réserve biologique est majoritairement incluse dans deux ZNIEFF de type 1 : "Ravin des Mouchouses" pour la plus grande partie et "Crêtes du Pic Néoulous" pour la partie supérieure au sud ; la réserve en déborde au nord pour mieux descendre dans l'étage méditerranéen. L'ensemble est inclus dans la grande ZNIEFF de type 2 "Massif des Albères". La moitié sud de la réserve est intégrée au site Natura 2000 (ZSC et ZPS) également dénommé "Massif des Albères". Par ailleurs, l'extrémité sud-est de la RB des Moixoses, au sommet du Puig dels Quatre Termes, touche à la la RNN de la Massane, qui descend sur le versant opposé vers l'est.

Histoire

La réserve des Moixoses est boisée sur la plus grande partie de sa surface et l'était déjà il y a plus de deux siècles, elle peut donc être considérée comme étant composée de forêt ancienne. Mais celle-ci a néanmoins connu un historique chaotique. 

La forêt domaniale des Albères a été constituée en 1981 par la fusion de deux précédentes forêts domaniales : la forêt de Laroque-des-Albères, acquise par l'État en 1884 à la famille de Bordas, et celle de Sorède, acquise en 1957 par expropriation de terrains appartenant à la commune de Sorède et à la Société civile immobilière forestière de Sorède. Le rapport d'expropriation déplorait les dégâts causés par le pâturage incontrôlé et la surexploitation forestière pendant la Deuxième Guerre mondiale, qui avaient ruiné 60% des peuplements forestiers.

La RB des Moixoses est entièrement située dans l'ancienne forêt de Sorède, qui avait déjà été classée en forêt de protection par décret du conseil d’Etat en date du 29/07/1926, dans le cadre de la politique de restauration des terrains en montagne (RTM). Ce statut de protection forte, souvent employé en montagne pour lutter contre les pratiques favorisant l'érosion, a pour objet spécifique la préservation de l'état boisé, mais ici il s'était avéré insuffisant sans un supplément de maîtrise foncière. 

L'histoire de la forêt et sa situation actuelle ont été et restent marquées par les pratiques pastorales, qui ont été l'objet de droits d'usages supprimés en 1925, mais qui restent globalement très présentes sur le massif des Albères. 

Même si la forêt de Sorède avait fait l'objet de nombreuses coupes abusives, le vallon des Moixoses était resté relativement épargné à cause des difficultés d'exploitation liées au relief. Le vallon n'aurait même subi aucune intervention dans sa partie centrale depuis la dernière guerre. Par la suite, il n'y a quasiment plus eu de coupes depuis l'acquisition par l'Etat en 1957. Ainsi, la forêt présente des caractéristiques déjà remarquables de maturité et pourrait être en partie considérée comme subnaturelle s'il n'y avait l'influence du pâturage.

Géologie - Pédologie

Sur le versant nord du massif, les roches prédominantes sont les gneiss, formés de gros cristaux de feldspath inclus dans une matrice riche en quartz et en biotite. Par-dessus ces gneiss reposent les couches sédimentaires du Cambro-Ordovicien, datées de 500 millions d'années, composées de grès et d'argiles, avec des veines de conglomérats, de calcaires et de roches volcaniques.

Trois grandes unités pédologiques sont définies en fonction de l’altitude et de la nature du couvert végétal. Les sols bruns acides et faiblement lessivés se trouvent entre 150 et 650 m, sous des couverts de chênes ou de maquis boisé dense. Les sols bruns acides et bruns ocreux, présents entre 700 et 1000 m sous la hêtraie, reposent sur des micaschistes et des gneiss, avec parfois des niveaux de calcaires. Les rankers humifères d'altitude, situés entre 1000 et 1200 m sur la crête, où la hêtraie laisse place à des pelouses à graminées et éricacées, sont des sols très humiques avec une structure peu différenciée.

Milieux naturels

La RB des Moixoses est caractérisée par un gradient altitudinal et climatique important, faisant passer de l'étage mésoméditerranéen dans le bas de la réserve au supraméditerranéen et au montagnard. L'influence de la proximité de la mer a permis de qualifier le climat de méditerranéen humide, ayant favorisé la hêtraie, mais les effets du changement climatique sont particulièrement sensibles dans les Pyrénées-Orientales.

Les habitats de la réserve sont caractérisés par leur diversité et leur imbrication, ainsi que par les impacts des pratiques pastorales sur la plupart de ces habitats. De la chênaie verte jusqu'à la hêtraie et aux milieux ouverts sommitaux, c'est d'abord la grande diversité du complexe et sa représentativité des habitats du massif des Albères qui fait l'intérêt de la réserve, mais certains habitats apparaissent plus particulièrement intéressants.

Les hêtraies neutrophiles (CB : 41.17) à acidiphiles (CB : 41.172 – N2000 : 9120) représentent plus du quart de la forêt domaniale. Les ifs, signe de naturalité, y sont nombreux et bien répartis, même si leur régénération ne semble pas acquise en l'état actuel des connaissances, de même que la régénération de cette hêtraie est globalement problématique à cause notamment du pâturage. La forêt de ravin (41.4 – 9180*), rare en zone méditerranéenne, et la ripisylve à Aulne glutineux et Osmonde du fond du ravin des Moixoses (44.34 – 91E0*) sont deux habitats d’intérêt communautaire prioritaire. Les chênaies caducifoliées à Chêne pubescent (41.71) et à Chêne sessile (41.5), comprenant parfois une douzaine d’essences dans l’étage dominant, sont remarquables à ce stade de développement en zone méditerranéenne. La chênaie verte (45.3 - 9340) est présente en mosaïque avec les autres formations forestières. Commune pour la région, elle complète le complexe fonctionnel que constituent les habitats forestiers. Enfin, les pelouses de crête, abritant une flore et une faune remarquable, peuvent être dégradées par le surpâturage comme comme par le sous-pâturage.

Flore et fonge

Le massif des Albères est relativement isolé du reste des Pyrénées (par la dépression du col du Perthus) comme de la plaine (par l'escarpement de son relief), ce qui en fait une "île" montagneuse où l'endémisme est relativement élevé. De plus, la forêt d'origine a été relativement préservée dans les endroits les moins accessibles, dont les zones escarpées des Moixoses comme de la Massane. C'est cet ensemble de facteurs qui est à l'origine de la présence et du maintien d'une flore remarquable par sa variété, ses combinaisons (Chêne vert en mélange avec du Hêtre...) et par ses espèces endémiques.

Parmi les espèces de la flore vasculaire les plus remarquables : la Campanule de Catalogne, endémique des Pyrénées-Orientales présente sur les pelouses ; le Thym des Albères, endémique du massif ; l’Armérie de Foucaud (PN) présente sur les rochers et pelouses rocheuses de crête. L'Osmonde royale, moins rare, est une curiosité typique de ripisylves pyrénéennes et témoigne de la grande diversité de la flore comme de ses habitats.

Un préinventaire des champignons lignicoles réalisé en 2008 a mis en évidence l'intérêt des peuplements forestiers de la réserve : coexistence d'espèces à affinités méridionales et tempérées voire montagnardes, proportion importante d'espèces patrimoniales. 

Faune

Les peuplements forestiers de la réserve des Moixoses présentent un fort intérêt pour l'entomofaune. Un inventaire partiel réalisé par le réseau Entomologie de l'ONF de 2009 à 2011 a mis en évidence 22 espèces de coléoptères saproxyliques bioindicatrices de la qualité des forêts françaises, dont 2 très rares (Anthaxa midas et Nematodes filum), et une espèce nouvelle pour la France (Isomira hispanica).

La diversité des habitats confère au site un intérêt certain pour amphibiens et reptiles, avec en particulier le Crapaud accoucheur (PN, DH4), le Discoglosse peint (PN, DH4), le Lézard Ocellé (PN, DH2), ainsi que le Lézard des murailles occidental, endémique des Pyrénées-Orientales et du massif espagnol de Portalas.

Au moins 11 espèces d'oiseaux de l'annexe 1 de la directive Oiseaux fréquentent la réserve, notamment ses milieux ouverts comme territoires d'alimentation ou de nidification. On peut citer en particulier l’Aigle royal, le Circaète Jean-le-Blanc, le Faucon pèlerin (nicheur en falaise), le Monticole de roche, le Cincle plongeur (qui fréquente les ruisseaux).

Parmi les mammifères, sont à noter la Genette (PN), le Chat forestier (PN), et le Loup (PN, DH2 et 4) depuis 2022. 

Gestion

L’objectif principal de gestion de la réserve biologique des Moixoses est la libre évolution des habitats forestiers. Toutefois, la persistance de pratiques pastorales en forêt ne permet pas d'y parler véritablement de libre évolution et a empêché que la réserve puisse comporter une partie classée en réserve biologique intégrale (RBI), même si les coupes y sont définitivement proscrites. Y font seulement exception l'élimination d'espèces exotiques et la sécurisation des sentiers de randonnée balisés, qui ont été maintenus peu nombreux dans ce site peu accessible (le GR®10 traverse la partie haute de la forêt).

Parallèlement, les milieux ouverts du haut de la réserve sont soumis à une dynamique de fermeture jugée néfaste pour la biodiversité, et c'est un objectif de conservation active qui y a été retenu. Le maintien de clairières est assuré par broyage des végétaux et de souches de résineux, en complément de l'action du bétail. Une clôture a été implantée pour éviter la divagation des bovins espagnols.

La défense de la forêt contre les incendies (DFCI) est une composante incontournable de la gestion de la forêt domaniale et de sa réserve biologique.

Les études sont également essentielles. Les connaissances sur les espèces de la réserve restent partielles et à compléter ou actualiser. 

L’intégration de la RB des Moixoses dans le contexte local et régional implique une promotion de la réserve auprès des habitants grâce à des actions de concertation. Des relations ont été établies avec la RNN de la Massane, avec laquelle la RB des Moixoses partage un grand nombre de problématiques.

Ressources