Un an après le passage de la tempête Ciaran, comment se portent les forêts publiques en Bretagne ?

Dans la nuit du 1er au 2 novembre 2023, la tempête Ciaran a touché l’ouest de la Bretagne et plus particulièrement le Finistère. Trois jours après, la tempête Domingos, moins intense, a fait tomber les arbres déjà déstabilisés. Le constat est alarmant : dans les forêts de l’ouest breton, près de 80 % des arbres sont tombés. Pour faire face à cette catastrophe, les équipes de l’ONF se sont fortement mobilisées et le travail est loin d'être terminé.

Les dégâts causés par Ciaran et Domingos

Des vents d’une telle intensité, il ne s’en était pas vu en Bretagne depuis le passage de Lothar en 1999. La tempête Ciaran qui a très durement frappé la Bretagne durant la nuit du 1er au 2 novembre 2023 fera tristement date. 207 km/h sur la Pointe Saint-Mathieu et sur la Pointe du Raz, 190 km/h sur la presqu'île de Crozon et quelque 150 km/h dans les terres, notamment sur la commune d'Huelgoat. 

Au matin du 2 novembre, le bilan des dégâts matériel est très élevé : des milliers d’arbres ont été arrachés, les habitations et exploitations agricoles ont été endommagées et plus d’1,2 million de foyers se retrouvent privés d’électricité et ce principalement dans le Finistère, la Manche et les Côtes-d’Armor. 

Dans les forêts publiques, l’ONF annonçait environ « 110 000 m3 de chablis", soit entre 100 000 et 200 000 arbres arrachés ou tombés au sol sur un axe allant de Douarnenez (Finistère) à Guingamp (Côtes-d’Armor).

Le passage de la tempête Domingos, moins intense, trois jours après, a fini de faire tomber les arbres déjà éprouvés et déstabilisés par Ciaran. Dans les forêts de l’Ouest du Finistère, les forestiers estiment que 80% des arbres ont été déracinés. Les sols étant détrempés par les pluies, « les arbres n’avaient aucune chance » raconte Paul Sansot, responsable de l’unité territoriale de Bretagne.

* un chablis est un arbre déraciné par la tempête 

Parmi les essences les plus touchées, l'ONF estime que
75
%

étaient des résineux (35% de pins)

Pour
25
%

de feuillus (en majorité des chênes et des châtaigniers)

Des dégâts observés dans d’autres régions

Le département des Yvelines, les régions Normandie et Hauts-de-France ont aussi subi les effets de la tempête, conduisant à la fermeture temporaire de quelques forêts domaniales.

Dans la Manche, des rafales particulièrement violentes, principalement sur le littoral, ont fait d’importants dégâts dans quelques forêts communales de la zone côtière, où 900 hectares ont été détruits. Le volume de bois touché estimé est entre 20 000 et 40 000 m3.

Quelques images des dégâts causés dans les forêts finistériennes

Les actions menées par l’ONF dès le lendemain de la tempête

  • Surveillance des zones forestières sinistrées

La réponse des forestiers à ce désastre a été immédiate puisque sur place, l’accès des forêts aux promeneurs a été interdit pour des raisons de sécurité évidentes.

Les premières actions menées sur le terrain ont été de dégager et de sécuriser les routes et les sentiers, d’inventorier les pertes et les zones touchées afin de diagnostiquer l’ampleur des dégâts. Au-delà des observations menées sur le terrain, les forestiers ont eu recours à des données récoltées grâce à des drones et des satellites.

A la fin du printemps 2024, en lien avec l'ONF, le département du Finistère a également lancé une opération d’envergure pour déblayer et sécuriser les zones sinistrées en vue de pouvoir accueillir les promeneurs le plus rapidement possible. 

Du côté de l'ONF, la surveillance et les diagnostics essentiels pour connaître l’état des forêts post-tempête ont été renforcés tout au long de l’année 2024. Les arbres encore en place ont en effet été très affaiblis par cet épisode climatique catastrophique, de même que la biodiversité forestière présente. Depuis un an, les forestiers ont déjà identifié des corridors écologiques à préserver et des arbres dits "bios" ont été sélectionnés pour rester au sol et favoriser le retour de la biodiversité. 

  • Valorisation des bois : une grande mobilisation de la filière

Parallèlement, afin d'évacuer tous les bois tombés au sol, l’ONF a mis en place des partenariats avec des entreprises de travaux forestiers pour procéder aux travaux de dégagement et permettre la vente des arbres mis à terre ou fragilisés.

Aujourd'hui, 91 000 m3 ont déjà été valorisés localement. 

Notre ligne de conduite a été de valoriser au mieux, localement, les arbres tombés. Ces bois cassés par la tempête ont perdu leurs qualités mécaniques, engendrant une perte de matière à l’exploitation et une décote financière importante. Il a donc été décidé qu’ils soient valorisés en bois de sciage et en bois énergie grâce aux contrats d’approvisionnement passés avec les scieries locales.

Marie Dubois, directrice de l’Agence ONF Bretagne

Valorisation des bois des forêts sinistrées

Reconstitution des forêts touchées

Aux usagers qui s’inquiètent face à ces parcelles dévastées, du retour des forêts telles qu’ils les connaissaient, Marie Dubois leur rappelle que la politique de l’ONF est de « laisser la forêt repartir d’elle-même ». 

En effet, dans 75% des cas, les forestiers favorisent la régénération naturelle, c’est-à-dire qu’ils attendent la germination des graines et la poussée des semis sans avoir recours à des plantations.

Cette reconstitution naturelle des paysages forestiers est suivie de près par les équipes depuis novembre 2023. Elle pourra être complétée par des travaux ponctuels comme : des plantations d’essences autochtones ou méditerranéennes adaptées au réchauffement climatique ; ou encore des dégagements au sol parfois recouverts de molinie ou de fougères pour laisser passer la lumière et favoriser la repousse des semis.

Quant au paysage, il faudra attendre 30 à 50 ans pour qu’une jeune forêt renaisse et quasiment un siècle pour retrouver l’ambiance forestière précédant la tempête.

Combien de temps met une forêt pour se cicatriser après le passage d’une tempête ?