La grande Histoire des forêts (#Episode 7) – Depuis 2018, une mobilisation sans précédent face au changement climatique
Recouvrant 31% du territoire, la forêt française n’a jamais été aussi vaste. Cependant, au cœur de ses bois, une tempête silencieuse liée au changement climatique se joue. Année après année, ce dernier accentue le dépérissement de nombreux peuplements forestiers, notamment d’épicéas et de hêtres.
Aujourd’hui plus que jamais, l’enjeu principal des forestiers est de protéger la forêt pour qu'elle puisse continuer à remplir ses nombreux rôles : préserver la biodiversité, accueillir le public et fournir du bois pour la société, matériau renouvelable essentiel pour assurer la transition écologique de notre société.
Pour faire face à cette crise majeure particulièrement observée depuis les sécheresses successives de 2018, de nombreuses actions en faveur de l'adaptation des forêts au changement climatique sont mises en place par l’Office national des forêts (ONF). Depuis décembre 2020, l’Etat est venu donner un coup d'accélérateur à cette mobilisation sans précédent avec le plan France Relance qui consacre un volet au renouvellement forestier.
Reconstruire les forêts dépérissantes
La mission principale du forestier est de renouveler la forêt naturellement. Or, il arrive que la régénération échoue après une prolifération de scolyte de l’épicéa, de chalarose du frêne ou encore de l’encre du châtaignier. La sécheresse et la hausse des températures ne sont pas sans lien avec ces phénomènes. Par ailleurs, dans certaines forêts, les essences en place ne seront plus adaptées dans le futur au nouveau climat.
C’est dans ces cas de reconstitution de parcelles dépérissantes ou lors du renouvellement de la forêt qu’intervient la plantation pour assurer son avenir. Mais cette action ne se fait pas sans préparation, l’objectif étant de bien choisir les essences et d’encadrer certaines expérimentations sur de très petites surfaces, lesquelles donneront des résultats dans 50 ans.
En 2018, l’ONF a lancé une étude pour quantifier les dégâts dans les forêts dont elle a la gestion. Sur les 300 000 hectares de dépérissement recensés entre 2018 et 2019, plus de 58 000 hectares ont été identifiés comme "à reconstituer". Concrètement, cela veut dire que sur ces parcelles, il est nécessaire d’engager des plantations d’essences ou de provenances plus adaptées à l’accélération du changement du climat.
L’adaptation naturelle de la forêt est aujourd’hui trop lente face au réchauffement climatique. Il faut agir vite pour nous permettre de continuer à bénéficier de ses bienfaits écologiques, économiques et sociétaux.
Fin 2020, l’Etat décide de mettre en place le plan France Relance pour l’amont forestier, doté de 150 millions d’euros dédiés au renouvellement des forêts françaises dans un contexte de dépérissement et de changement climatique.
Dès 2021, la forêt domaniale a pu ainsi bénéficier, au titre dudit plan de relance, d’une enveloppe de 30 millions d’euros permettant d’engager un programme de plantation sur 5 660 hectares, selon différentes modalités d'intervention (plantations en plein, en placeaux...).
L'objectif : reconstituer des peuplements détruits ou anticiper les effets des changements climatiques sur des parcelles forestières en situation de fragilité. Actuellement, plus de 450 forêts domaniales sont concernées par ce dispositif.
A quoi ressembleront les forêts de demain ?
Quels arbres trouvera-t-on alors dans le futur "décor" forestier ? Pour orienter leurs décisions dans le choix des essences d’avenir, les forestiers peuvent compter sur des travaux approfondis menés par les chercheurs de l’ONF et de ses partenaires du Réseau mixte technologique (RMT) Aforce. Un classement des essences a été réalisé notamment en fonction de leur capacité à résister aux évolutions du changement climatique. Sans surprise, le hêtre et l’épicéa font partie des essences les moins résistantes, et donc à éviter dans la reconstitution des forêts de demain.
Des essences actuellement en place perdureront, et seront encouragées de manière ciblée, comme le chêne sessile, le tilleul à petites feuilles ou le pin laricio. En revanche, d’autres sont appelées à se développer, comme le chêne pubescent.
Côté résineux, le pin maritime, certains autres pins (pin d’Alep, pin Brutia) et le Cèdre seront investis de façon large. "Ces essences, ont vocation à alimenter la filière bois à long terme. Notre rôle est également d’accompagner cette transition en installant, aux côtés des feuillus, des essences de production à croissance rapide, comme le Douglas, déjà présent dans nos forêts", précise Aymeric Albert, chef du departement commercial bois de l'ONF.
Dans sa stratégie développée au service de l’avenir des forêts, l’ONF dispose de plusieurs leviers : utiliser des essences déjà présentes en France, en allant chercher des graines plus au sud qui proviennent d’arbres déjà accoutumés à un climat plus chaud. L’ONF expérimente ainsi déjà depuis plusieurs années la migration assistée des essences, comme avec le projet Giono où certains chênes et des hêtres du sud de la France ont été implantés dans des forêts du nord, comme à Verdun.
Autre possibilité soumise à expérimentation et suivi rigoureux et continu pour éviter tout risque de dérèglement des milieux : introduire de nouvelles essences dont l’origine provient d’autres pays, européens (par exemple, le chêne zéen que l’on trouve au Sud de l’Espagne, le sapin d’Espagne etc.) ou venant du monde entier.
Le grand exode climatique des arbres du projet Giono
©ONFAussi loin que l’on puisse remonter, l’histoire de la forêt a toujours été liée à celle de l’Homme. Espace de vie, de bien-être, de ressource, de loisir… Pour les forestiers d'aujourd'hui, préparer la forêt de demain et transmettre aux générations futures un patrimoine en bonne santé est une préoccupation quotidienne et une responsabilité majeure. Le défi est immense, de même que la mobilisation des équipes partout sur le terrain.