Dans le monde de l’infiniment petit avec les mycologues de l’ONF
Dans les Vosges, à quelques kilomètres de Gérardmer, une journée particulière se prépare au cœur de la réserve biologique intégrale (RBI) de Champ-Mortagne. Ici, tout va se passer au sol. Les trois naturalistes présents aujourd’hui vont scruter les mousses, les bois morts et les abords des cours d’eau à la recherche de champignons.
Sans eux, la terre serait bien différente. Pourtant, ces organismes vivent cachés et n’apparaissent que lorsqu’ils émettent leurs sporophores (appareil reproducteur supérieur). Cela explique peut-être que la mycologie est une science difficile et trop souvent ignorée.
Ces organismes, que l’on aime mettre dans nos assiettes, sont essentiels à la vie et à l’écosystème terrestre. L’immense majorité des plantes a besoin du symbiote fongique, autrement dit des champignons pour vivre. Ils sont d’excellents recycleurs de la matière organique et sont source de nourriture de nombreuses espèces d’insectes et de vertébrés. C’est pour mieux comprendre cet écosystème qu'un réseau naturaliste mycologie a été créé à l’Office national des forêts.
"L’une de nos missions, c’est d’aller dans certaines forêts ou réserves biologiques et d’identifier toutes les espèces de champignons et prioritairement celles qui se développent sur le bois mort", confie Hubert Voiry, fondateur du réseau, avant de poursuivre : "ces missions d’inventaires nous sont commandées par des agences territoriales de l'ONF ou de la direction Forêts et risques naturels (DFRN). Les données récoltées sont utilisées pour comparer les réserves biologiques aux forêts exploitées". Afin d’avoir une analyse des plus complètes et des données localisées, les naturalistes reviennent trois années de suite aux mêmes endroits.
Le saviez-vous ?
Depuis 2005, 18 mycologues du réseau mycologie réalisent chaque année des inventaires sur tout le territoire français pour recenser les différents spécimens de champignons dans différents milieux forestiers. Un travail minutieux au vu de la quantité d’espèces connues en France.
Première étape : la récolte en forêt
Pendant la saison des inventaires, qui se tient au printemps et à l’automne (du mois de mars à juin et de septembre à novembre en fonction de l’emplacement de l’inventaire : montagne, plaine…), les journées sont, la plupart du temps, organisées en deux temps :
- le matin sur le terrain à la recherche de spécimens ;
- et l’après-midi en laboratoire pour identifier les espèces récoltées dans la matinée.
Arnaud Giraudel, technicien forestier territorial à l’ONF et naturaliste, guide la petite équipe jusqu’à la première placette dans la RBI. "L’univers de la mycologie ne se limite pas à ce qu’il y a en surface. C’est beaucoup plus vaste et complexe. Sous nos pieds, il y a des milliers de réseaux de filaments de mycélium. Ce qui nous intéresse aujourd’hui, et que l’on va étudier, c’est tout ce qui est sorti de terre", explique Arnaud Giraudel.
Chaque naturaliste a sa tâche bien précise sur le terrain : Hubert Voiry et Laetitia Martinez, forestière, cherchent et identifient des individus. Arnaud Giraudel note consciencieusement tous les noms énoncés par ses collègues au fur et à mesure de leurs trouvailles. "On inspecte tout ce qu’il y a autour de nous. Il peut y avoir des champignons absolument partout. S’il y a peu de champignons visibles au premier abord, on regarde en priorité les bois morts. Leur décomposition crée un microclimat favorable au développement de champignons", témoigne Laetitia Martinez.
Pour identifier un champignon, un promeneur lambda aurait tendance à le regarder par le dessus. En réalité, c’est aussi sous le chapeau qu’il faut l’inspecter. Les naturalistes observent les lames, l’anneau, l’adhérence sur les doigts, l’odeur et même le goût.
Tous les sens sont mobilisés pour être le plus précis possible dans l’identification. Attention, les naturalistes connaissent les champignons mortels et toxiques pour l’homme et utilisent des techniques bien particulières. Promeneurs, ne risquez pas de goûter un champignon sans être sûr de son identification.
Les minutes passent et les noms latins, incompréhensibles pour les non-connaisseurs, fusent dans l’écho de la réserve : amanita muscaria, calocera viscosa, lactarius camphoratus...
Quelques spécimens trouvés ce jour-là...
Deuxième étape : l’analyse des spécimens trouvés sur le terrain
Une fois l’exploration in situ effectuée, direction le gîte et la salle de laboratoire aménagée spécialement pour l’occasion. Microscopes et encyclopédies y règnent en maîtres. "Nous rentrons dans la phase d’étude scientifique de l’inventaire", précise Hubert Voiry.
Un à un, les spécimens sont identifiés. En cas de doute sur l’origine d’une espèce, les naturalistes prélèvent un infime morceau de champignon. Ils le placent sur une lame et ajoutent un réactif coloré avant de le mettre sous la lentille du microscope, permettant de multiplier jusqu’à 400 le grossissement. A ce moment-là, c’est toute la science du détail qui se joue. Il faut avoir un œil aiguisé pour analyser la taille, la forme et les ornementations des spores et autres paramètres microscopiques permettant de les catégoriser.
De façon très générale, il existe trois familles de champignons. Il y a les parasites qui s’attaquent aux arbres vivants, les décomposeurs du bois et enfin, il y a les mycorhiziens qui sont liés aux arbres par les racines. Grâce à la symbiose entre le mycélium du champignon et les racines des arbres, les mycorhiziens nourrissent les arbres et en compensation, ils récupèrent des sucres de l’arbre.
Les principales missions du réseau Mycologie :
et élaborer des préconisations de gestion forestière.
au progrès de la mycologie, en apportant un savoir-faire.
la Liste Rouge nationale pour la fonge.
à l’évolution de la connaissance sur la fonge : publications d’espèces nouvelles, apport de données à l’échelle de la France et l’Outre-Mer.