Le Donon, riche d'histoires et de nature
C'est une forêt très appréciée des randonneurs et des férus d'histoire. À la frontière du Bas-Rhin, des Vosges et la Moselle, la forêt domaniale du Donon offre une belle diversité de paysages et de points d'intérêt. Exploitée de longue date, cette forêt installée sur les crêtes vosgiennes a participé à la richesse, mais aussi aux heures tragiques de cette région de frontière et d'échanges.
À certains endroits, pour des yeux avisés, des promontoires de couleur noire signalent encore l'emplacement d'anciennes charbonnières, où l'on brûlait le bois pour alimenter les forges. Le minerai de fer exploité à Grandfontaine-Framont puis les forges ont fait, jusqu'au XIXe siècle, la richesse du secteur. Celui-ci était sous la domination de l'abbaye de Senones et de la principauté de Salm-Salm, un territoire rattaché à la France en 1793.
Une forêt fragilisée
La forêt du Donon est composée en majorité de sapins et d'épicéas, suivis du hêtre. Au début de la route forestière de Salm, on trouve encore quelques rails d'un chemin de fer d'exploitation. Il date de la période où l'Alsace était allemande, de 1871 à 1918.
Les arbres exploités ici rejoignent en majorité des scieries locales produisant du bois de charpente, menuiserie, palettes et du bois de feu. Durement touchée en 1999 par la tempête Lothar, cette forêt souffre aujourd'hui des épisodes de sécheresse et de canicule. "Entre 2019 et 2021, pour les résineux, seuls des bois dépérissants ou morts ont été coupés", commente Mathilde Wendling, responsable de l’unité territoriale domaniales Bruche à l'Office national des forêts (ONF). Les sapins sont fragilisés par la sécheresse. Également affaiblis, les épicéas, comme dans toute la région Grand-Est, ne résistent plus à la prolifération des scolytes (insectes ravageurs).
La solution pour stopper la progression des scolytes n'a pas encore été trouvée. Quand les ravages sont trop importants, des plantations peuvent s'avérer nécessaires. Avec notamment les financements du Plan France relance, du pin sylvestre et du chêne sessile, plus résistants aux sécheresses et à la chaleur ont été plantés. Sur des parcelles-tests (îlots d'avenir) des essences plus exotiques comme le cèdre ou le chêne pubescent poussent également, sous la surveillance des chercheurs.
La forêt est menacée aussi par la surpopulation de cervidés, qui, en mangeant les jeunes pousses, empêchent une bonne régénération (diversifiée et vigoureuse). Souvent mal comprise du public, la chasse est une nécessité. Elle est en général confiée à des sociétés de chasse. Mais depuis quelques années, pour assurer une meilleure régulation de la population des ongulés, ce sont des forestiers de l'ONF qui sont à l'œuvre sur environ 1 000 hectares dans le secteur sud du Donon. Cette chasse dite "en régie" a vocation à se développer au niveau national car l'équilibre faune-flore est indispensable pour assurer la durabilité des forêts.
Des milieux et des espèces rares
Depuis l'étang du Coucou, point de départ de plusieurs randonnées, on arrive jusqu'au promontoire de la Chatte pendue. Le sentier passe par les ruines d'un château-fort. Conservées en l'état par l'association des Veilleurs de Salm, elles sont les vestiges d'un édifice du XIIIe siècle construit par les comtes de Salm qui régnaient sur la forêt.
Au-delà du panorama qui s'offre au regard du haut du promontoire, cette partie de la forêt partiellement accessible aux randonneurs est une réserve biologique intégrale. Clôturée pour empêcher les ongulés de manger les jeunes pousses et pour favoriser les nidifications au sol, elle est laissée en libre évolution. La réserve est le refuge de quelques espèces remarquables, dont le grand tétras, oiseau protégé emblématique des forêts résineuses vosgiennes. Ce grand oiseau qui vit au sol craint plus que tout le dérangement et il est devenu très rare.
Les actions menées pour la tranquillité du grand tétras profitent à d'autres espèces.
Trois zones de la forêt abritant des espèces d'oiseaux menacées (gélinotte des bois, chouette de Tengmalm, pic mar, etc.) appartiennent au réseau Natura2000. Des amphibiens (tritons, salamandres...), des chauve-souris et même des lynx et des loups figurent parmi les autres habitants du Donon.
La suite du parcours mène vers une partie plus sauvage, la tourbière de la Maxe. Celle-ci s'admire depuis une passerelle de bois car on ne peut y pénétrer. Trop fragile ! C'est le domaine de plantes spécifiques à ce milieu humide ouvert très menacé comme la drosera insectivore. Si les bouleaux et pins, espèces pionnières, sont conservés, les forestiers limitent les épicéas qui pourraient coloniser la tourbière et la faire disparaître. "Naturellement, une tourbière a vocation à se refermer avec la croissance d'arbres. Cela pose la question de notre degré d'intervention", commente Mathilde Wendling.
Le Donon, lieu sacré
C'est le point culminant de la forêt et son site le plus visité, inscrit aux Monuments historiques. À partir de la maison forestière du Haut Donon, un chemin sinueux et pentu permet d'accéder au bout d'une heure de marche à la montagne du Donon. Elle domine de ses 1 009 mètres d'altitude la vallée de la Bruche. Du haut du Donon, la chaîne vosgienne, la Forêt Noire, la plaine d’Alsace et le plateau lorrain s'offrent au regard. C'est là que se dresse un pastiche de temple antique, construit en 1869 par un médecin passionné d'archéologie pour abriter les vestiges retrouvés sur le site. Visible de loin et situé en aplomb de deux cols de passage entre l'Alsace et la Lorraine, le Donon était un lieu sacré dès l'âge du bronze. On peut encore voir en contrebas du temple des copies de stèles votives et les vestiges d'un sanctuaire gallo-romain construit entre le IIe et le IIIe siècle. On y vénérait Mercure, dieu du commerce, des voyages et des voleurs.
La Première Guerre mondiale et l'émouvant cimetière du Petit Donon
La Première Guerre mondiale a marqué la forêt. En 1914, les Allemands avaient fait du massif (alors situé en territoire allemand) un lieu de ravitaillement pour la ligne de front établie un peu plus au sud. Un circuit thématique de neuf kilomètres, le sentier des bunkers permet de découvrir les vestiges de ces installations. L'une des traces les plus émouvantes de cette période est le Petit Donon. On y monte en traversant une sombre forêt de résineux au sol tourmenté de racines. Le sommet offre une vue splendide sur la plaine lorraine, les reliefs des Vosges du Nord (direction Saverne) et la vallée du Rhin. Au milieu des myrtilliers et des sapins, des stèles de grès sont dispersées, gravées en allemand et en lettres gothiques. Elles figurent l'emplacement de tombes de soldats allemands mais aussi français, souvent anonymes, morts lors des premiers combats en août 1914. Créé par l'armée allemande pour donner une sépulture digne aux combattants des deux camps, ce cimetière est unique en son genre.
Solidarité et land art
Alternant paysages de sous-bois et étendues à ciel ouvert, le Sentier des Passeurs propose de découvrir un autre épisode historique. En 1940, après la défaite française, l'Alsace redevient allemande. Ce sentier de Salm (Alsace) à Moussey (Vosges) rend hommage aux habitants qui, au péril de leur vie, aidèrent des fugitifs à quitter l'Alsace. Depuis 2006, une biennale de land art est organisée tout au long de ce parcours.
La forêt du Donon en chiffres
Infos pratiques
Public
Les routes forestières sont facilement praticables à pied ou à VTT. Elles sont interdites à la circulation motorisée, sauf la route de Salm et celle du Prayé. Cette dernière, ainsi que le sentier Jean Maegey (expliquant l'histoire de la filière bois) au col du Donon sont accessibles aux poussettes. Les chemins de randonnée pentus nécessitent une bonne condition physique.
Le GR©53 traverse le massif du nord au sud, en passant par le sommet du Donon. Plusieurs circuits thématiques ont été établis par le Club vosgien qui balise et entretient plus de 20 000 km d'itinéraires dans les Vosges.
Accès
La forêt est accessible depuis Grandfontaine, Raon sur Plaine, Turquenstein, Abreschwiller et la Broque, desservies par la RD392.
Services
Les propositions de circuits, d'hébergement et de restauration sont nombreuses.
Vous les trouverez sur le site de l'Office de tourisme de la Vallée de la Bruche.