Forêt domaniale de Sénart, découvrir la biodiversité forestière en famille
Fin septembre, les couleurs de l’automne pointent timidement le bout de leur nez sur les feuilles encore vertes. La pluie battante ne décourage pas les ramasseurs de champignons, équipés de leurs paniers et de leurs bottes. Nous sommes à 25 kilomètres au sud-est de Paris, à l’orée de la forêt domaniale de Sénart, sur un plateau bordé à l’est par la vallée de l’Yerres et à l’ouest par la vallée de la Seine.
Christophe Briou nous attend devant la Faisanderie. Forestier à l’Office national des forêts (ONF), il a plusieurs casquettes au sein de ce massif de 3 227 hectares : chef de projet accueil du public et biodiversité, directeur de chasse sur Sénart, mais aussi sur Notre Dame de la Grange. "Aujourd’hui je vais vous emmener dans plusieurs endroits de cette forêt qui, pour moi, est la plus belle du département", annonce-t-il. Nous voilà partis.
Une forêt familiale
Espace périurbain, près de trois millions de visiteurs foulent chaque année les allées de la forêt de Sénart. Petit, on aime y faire du roller ou du vélo sur ses allées aménagées. Plus grand, on y promène son chien le week-end ou on s’y aère l’esprit après une journée de travail.
Les possibilités sont multiples ici, et ce, grâce à la gestion de la forêt qui est, en grande partie, tournée vers l’accueil du public. La futaie irrégulière (parcelles d’arbres d’âge, d’essence et de taille variés) a d’ailleurs été privilégiée à partir de 2014 pour éviter le stade de la coupe définitive et offrir un espace boisé permanent aux promeneurs.
Ainsi, ils peuvent profiter toute l’année des centaines de kilomètres de sentiers. Pour cela, il est commun de se donner rendez-vous à la Faisanderie au niveau de la commune de Tigery (Essonne) ou au carrefour de Montgeron, où réside son célèbre chêne d’Antin. Là-bas, des parkings, tables de pique-nique, assises et ranges-vélos, fabriqués à partir de bois local, sont appréciés des promeneurs.
Le chêne d’Antin, un témoin du passé de Sénart
Malgré sa triste mine, le chêne d’Antin est un pionnier de la forêt domaniale de Sénart. Selon les estimations, il serait vieux de plus de sept siècles. Autrefois majestueux, il a subi de plein fouet les ravages de la tempête de 1999 et les conséquences dramatiques d’un incendie volontaire en 2004.
Son histoire remonte au XVIIe siècle, au temps du Duc d’Antin (1665-1736). Propriétaire du château de Petit-Bourg à Evry et surintendant du roi Louis XV, il aurait rencontré une de ses nombreuses amantes non loin de l’arbre.
A la Révolution, le chêne d’Antin devient le « chêne de Bellevue » avant de retrouver son nom d’origine quelques décennies plus tard.
Au milieu du XIXe siècle, il est une source d’inspiration pour le peintre Eugène Delacroix et sa fresque La lutte de Jacob avec l’ange, créée pour la chapelle de l’église Saint-Sulpice à Paris.
La petite histoire de la Faisanderie
Comme bon nombre d’architectures forestières, la Faisanderie a son histoire liée à la forêt qui l’entoure. Commandé par le frère de Louis XVI, comte de Provence et Duc de Brunoy, à l’architecte Jean Chalgrin, cet ancien pavillon de chasse est achevé en 1778. Acquise par l'ONF en 1970, La Faisanderie est devenue un centre d’éducation à la forêt en 1980.
Aujourd’hui, 7 000 enfants sont reçus chaque année par l’ONF pour les sensibiliser au fonctionnement de l’écosystème forestier et les inciter à prendre progressivement conscience que la protection de la forêt passe par une gestion multifonctionnelle.
La Faisanderie est aussi un lieu de rencontre pour les usagers de la forêt, à travers les événements qu’elle accueille comme les journées du patrimoine ou des expositions temporaires (champignons, bonsaï, photographies…) organisées notamment par des associations locales. Son parc de quelques hectares est un musée de sculptures de plein-air : 18 œuvres sont réparties entre espaces boisés et clairières.
Renouveler une forêt vieillissante
La forêt domaniale de Sénart est aussi un espace de production et de préservation de la biodiversité, où les peuplements sont vieillissants et doivent être renouvelés. Une mission de taille pour les forestiers qui ont commencé ce travail dans les années 2000. "L’objectif est de démarrer un nouveau cycle tout en offrant les mêmes services aux personnes venant ici et en préservant au mieux la biodiversité ambiante", témoigne Christophe Briou.
"L’enjeu est tout aussi important que délicat. La forêt de Sénart offre une grande variété de paysages : parcelles de chênes avec des châtaigniers, des pins sylvestres et laricio, des cèdres de l’Atlas… Il faut conserver ce schéma dans le renouvellement."
Pour y parvenir, les forestiers réalisent des chantiers écologiques (aussi appelés chantiers environnementaux). "Pour vous donner un exemple concret, je vais vous emmener à côté d’une lande, sur une parcelle où l’on a fait un essai d’étrépage. Un mot un peu complexe pour dire que l’on a retiré l’humus pour relancer la dynamique des erixasses de la lande. C’est une famille de bruyère", explique Christophe Briou.
Nous arrivons un an après les travaux et il est déjà possible de voir quelques jeunes pousses se frayer un chemin jusqu’à la lumière. Un témoin du succès de l’opération.
Petit à petit, la forêt retrouve donc une nouvelle jeunesse avec le chêne en essence majoritaire, mais toujours en mélange avec des résineux et quelques fruitiers comme du cormier, de l’alisier, du merisier ou encore du sorbier des oiseleurs.
Découvrir la faune et la flore au milieu des villes
Lors de vos promenades dans les différents tableaux de la forêt Sénart, peut-être, croiserez-vous un écureuil bondissant d’un chêne à un autre ou bien un lézard des souches, un engoulevent (oiseau inféodé aux landes) ou encore une vipère péliade. Il serait plus rare, mais pas impossible avec de la patience, de tomber sur des sangliers, chevreuils ou renards.
Toute cette faune témoigne du travail des forestiers au cœur du massif. Pour qu’elle croisse d’année en année, des milieux ouverts comme des prairies sont conservés. C’est le cas des Uzelles de Draveil. Auparavant, cet espace était réservé aux paysans pour y faire pâturer leurs bêtes.
Plus loin, une prairie de 33 hectares a été confiée à l’ONF. Depuis, deux mares ont été créées et deux îlots de vergers avec un mélange d’essences fruitières ont été plantés. Dans ce milieu, la rainette a trouvé son bonheur, ainsi que quelques abeilles revenues grâce à l’installation de ruches. Des chevreuils aiment y courir à l’aube et au coucher du soleil.
Les milieux humides de Sénart, nids de biodiversité
Sur les 3 227 hectares que compte la forêt domaniale de Sénart, plus de 850 mares ont été identifiées. Espaces de transition entre la terre et l’eau, elles créent des conditions idéales au développement d’une grande diversité de faune et de flore. Recouvertes en permanence ou par intermittence d’une couche d’eau stagnante, elles abritent une biodiversité singulière (libellules, amphibiens) et accueillent temporairement de nombreuses autres espèces (oiseaux et poissons migrateurs) à certaines étapes cruciales de leur vie.
Les oiseaux s’y arrêtent lors de leurs migrations. Les libellules et les amphibiens (tritons, salamandres, grenouilles) les utilisent pour pondre. Sans oublier les mammifères (chauves-souris, sangliers) qui viennent s’y alimenter, boire et se déparasiter, ou encore les plantes rares qui y trouvent les conditions favorables à leur croissance.
Ce sont donc des milieux précieux, qu’il faut entretenir, pour éviter qu’ils ne se comblent. Christophe Briou tient à nous montrer un chantier écologique, réalisé sur la mare aux faons. "Ici, les berges étaient noyées sous des couches de broussailles. Nous avons nettoyé la berge pour que la lumière puisse à nouveau passer. Puis les ouvriers ont curé la mare, c’est-à-dire qu’ils ont retiré la vase au fond pour que le niveau d’eau puisse augmenter." Depuis, des inventaires sont régulièrement faits pour observer le succès des travaux. Les résultats montrent une augmentation de l’attractivité de la mare pour les amphibiens, les odonates (libellules) et la flore aquatique.
D’autres milieux humides, tout aussi importants pour la biodiversité de la forêt et appréciés des promeneurs sont visibles un peu partout à Sénart, comme la tourbière du Cormier ou l’étang du carrefour de Vigneux, entouré de pins sylvestres et de chênes. "J’aime particulièrement cet endroit qui me fait penser aux beaux paysages de la Sologne", témoigne Christophe Briou.
Que ce soit dans les milieux ouverts (landes et prairies) ou dans les milieux humides (mares et tourbières), de nombreuses espèces sont protégées au niveau national et régional. C’est ce qui fait aussi la richesse de la forêt de Sénart.
Un statut de protection pour préserver les abords de la forêt
Entourée de villes, la forêt domaniale de Sénart a obtenu le statut de protection en 1995. De cette façon, l’Office national des forêts assure son intégrité dans un contexte très urbain où la pression foncière est forte. En d’autres termes, on ne peut pas modifier son statut de forêt, ni grignoter sa surface pour de quelconques aménagements.