Réserve de la Pointe d'Arçay : tous présents pour les 40 ans
Guidés par quelques forestiers de l’Office national des forêts, élus, partenaires scientifiques et acteurs du territoire vendéen s’avancent discrètement au cœur de la réserve. Tout est là pour rappeler que le lieu est un écrin, un espace à part. A l’ombre des pins, un chemin sablonneux presque effacé sous les amas d’aiguilles, tranche à travers les bosquets. Soudain, la forêt laisse place à un champ de joncs et la vue immense de la prairie alentour. Quelques pas encore, le sable se fait plus dense sous les pieds et le soleil libéré des branches, vient taper sur les nuques. Du pré salé à la dune, il n’y a que quelques pas jusqu’à l’océan qui s’impose et l’île de Ré, au lointain, qui se dessine.
Pour Loïc Gouguet, Responsable technique national littoral de l’ONF, c’est cette imbrication de milieux différents qui est l’une des caractéristiques de cet espace. “La pointe d’Arcay c’est un bijou”, résume-t-il, sourire aux lèvres, lui qui a foulé ces lieux pour la première fois en 1983.
“Et l’histoire de la Pointe d’Arçay ne se résume pas à ses 40 ans, ça commence dès le XVIIIe siècle et l’arrivée du sable”, précise Nicolas Jannault, Directeur de l’agence régionale Pays de la Loire à l’ONF. Année après année, le site se transforme, avance en gagnant du sable, parfois de plusieurs mètres par an. C’est une autre de ses caractéristiques, ‘il n’est pas figé”, décrit Loïc Gouguet.
Une réserve biologique dirigée
Sur les 735 hectares de la Pointe d’Arçay, 214 hectares de forêt domaniale ont été en 1982, classés en réserve biologique dirigée. Le reste appartient au domaine public maritime. Cartes en main, du doigt, Loïc Gouguet passe en revue les contours de cette flèche sableuse composée de crochons, ces accumulations de sable qui forment des cordons dunaires et sont fixés par la végétation, naturellement ou non.
“On voit très nettement que ces crochons se forment successivement, à peu près tous les onze ans d’après ce qu’on a calculé”, détaille Loïc Gouguet. Tout en montrant le lointain, il raconte : “Le sable arrive par la mer. Avec la houle qui vient frapper le littoral et la présence de l’embouchure du Lay de l’autre côté, les crochons prennent cette forme un peu retournée”. Entre le mouvement des éléments et l’érosion, la flèche sableuse progresserait de 20 mètres par an selon les calculs, soit l’un des taux les plus importants du littoral atlantique.
Limiter les interventions, laisser vivre la végétation
Le groupe avance et serpente entre les touffes de végétaux, comme effrayé à l’idée d’écraser une plante précieuse. Il faut dire que certaines espèces ne se trouvent que dans cette réserve et nulle part ailleurs. Sur le sol, salé par la mer, des asperges prostrées, “une variété rare, interdite à la cueillette en Vendée”, ajoute Loïc Gouguet ; mais aussi des aubépines ou encore quelques “plantes exotiques envahissantes”, précise le guide.
Hormis la lutte contre ces espèces qui peuvent s’avérer dangereuses pour les autres végétaux, “l’idée ici est de limiter les interventions, de laisser vivre la végétation et de prolonger au maximum la durée de vie des peuplements”, précise Christophe Rollier, Responsable unité territoriale en Vendée pour l’ONF.
A l’ombre d’un pin, Loïc Gouguet pointe les différents arbres face à lui, “ce que vous voyez, c’est la 2e génération de forêt seulement, ces forêts sont très jeunes”. La gestion sylvicole des lieux est un aspect très important des actions menées par l’ONF. Planter et couper sont parfois des actes nécessaires pour le renouvellement des espaces. La végétation ne semble pas en tenir rigueur à ses gardiens. Les jeunes pins dressés au loin amènent une ombre bienvenue en cette fin d’été.
Une zone témoin à étudier
Protéger la végétation, c’est aussi protéger la vie installée dans cette réserve dirigée de la Pointe d’Arçay. L’Office français de la biodiversité (OFB) est en charge de ce volet capital, comme l’explique Régis Gallais, co-conservateur de la Pointe d'Arçay à l’OFB :”“on vient en appui de l’ONF pour développer les volets connaissance et suivi pour la partie biodiversité animale”. Gravelot à collier interrompu, Huîtriers pie, Bécasseau Maubèche, Cochevis huppé, ce ne sont qu’une partie des 246 types d’oiseaux recensés entre 1967 et 2021 dans la réserve, avec autant de diversité dans les espèces que de milieux qui composent le site.
Ici, on trouve parfois plus de 1% de la population mondiale d’une espèce, ce qui en fait pour nous un site d’importance internationale
Sans compter que cet espace se trouve sur la trajectoire d’espèces migratrices. La réserve est vivante et sa quiétude, sans activité humaine, fait d’elle “une zone témoin pour travailler sur la résilience et la capacité des milieux naturels face à certains événements majeurs", précise-t-il. Arrivé en haut de la dune, le groupe fait demi-tour, aucune trace ne sera laissée sur la plage immaculée.
Coopérer pour mieux protéger
Habituellement, la réserve est fermée au public. Une poignée seulement de visiteurs ont pu y avoir accès ce samedi 17 septembre, institutionnels le matin et grand public l’après-midi. Un patrimoine protégé depuis 40 ans par de nombreux acteurs. “40 années de coopération, avec l’Office Français de la Biodiversité (OFB), avec le conservatoire du littoral, les services de l’Etat et les collectivités” salue Nicolas Jannault. “Aujourd’hui notre coopération dépasse largement le cadre de la Réserve Biologique Dirigée”. Et cette coopération se veut complémentaire, précise Jérôme Guével, délégué adjoint du Conservatoire du Littoral, pour le Centre-Atlantique : "c'est un défi, on doit chacun sortir de nos prérogatives pour avoir un plan de gestion qui soit global”.
Visiter ce lieu aujourd’hui, c’est une belle manière de montrer que le patrimoine ce n’est pas juste du bâti
Et chacun a son rôle dans cette chaîne de protection. “Nous on est au niveau régional et on s’appuie sur les personnes qui sont sur le terrain”, explique Xavier Hindermeyer, Chef de service ressources naturelles et paysages à la direction régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement (DREAL). “On donne des subventions et on choisit les gestionnaires des domaines naturels”.
Un soutien de taille aussi du côté de la commune. “Moi qui suis enfant du pays, mon père me disait qu’il ne fallait pas rentrer dans cet endroit, le contourner oui, y entrer jamais, pour le protéger”, raconte Laurent Huger, Maire de L’Aiguillon-La Presqu’île où se trouve la réserve. L’élu, visiblement ému a donc choisi de ne pas faire la visite afin d’honorer la promesse faite à son père, mais affirme : “On ne peut pas ne passe se doit de travailler ensemble (...) pour préserver ce site exceptionnel”.
Montrer ce que l’on a et ce que l’on fait, c’est le meilleur moyen pour que les gens le protègent