Protection des batraciens en forêt domaniale de Senonches
Les migrations se font en tous sens sur plusieurs centaines de mètres entre la mare d’Haron et d’autres mares proches, en forêt de Senonches. Or, à cette même période, le brâme du cerf attire de nombreux amateurs de nature venus en voiture écouter ces grands mammifères. L’utilisation commune par les batraciens et les voitures de ce tronçon de route forestière créée alors de fortes pertes chez les amphibiens.
Alertés par l’Association Eure-et-Loir Nature (ELN) du risque avéré d’écrasement de batraciens (déjà constaté en 2021) et vu la proximité de la zone humide Natura 2000 riche en biodiversité, les services de l’ONF ont décidé de fermer temporairement le tronçon de la route forestière entre le Grand Rond et le Rond de Sauveloup,.
Cédric Beaudoin et son équipe d’ELN nous font part de leurs observations.
La présence de cours d’eau, d’étangs, de mares forestières et de fossés temporairement en eau font de la forêt domaniale de Senonches un lieu important pour la préservation de la batrachofaune du département d’Eure-et-Loir.
En effet, les cinq espèces d’Urodèles (amphibiens ayant une queue à l'état adulte) observables dans le département sont présentes dans cette forêt : le Triton crêté, le Triton alpestre, le Triton ponctué et le Triton palmé mais aussi l’emblématique Salamandre tachetée.
Cinq espèces d’Anoures, des amphibiens sans queue à l’état adulte, sont présentes également : le Crapaud commun/épineux, indissociable par des critères morphologiques, la Grenouille verte, la Reinette verte, la Grenouille agile et une espèce particulièrement en déclin et menacée, la Grenouille rousse.
Ces 10 espèces d’amphibiens qui peuplent la forêt domaniale sont menacées à une échelle locale par différents facteurs naturels comme la sécheresse et l’accumulation de feuilles mortes qui soit assèchent rapidement les mares forestières soit les comblent temporairement. Les prédateurs, tels que la Chouette hulotte, le Putois, le Renard et le Sanglier, représentent également un facteur important.
Mais à ces menaces naturelles, il faut ajouter une menace anthropique liée à l’activité humaine, l’écrasement. En effet, les voies de circulation plus ou moins importantes qui morcellent le massif forestier sont de véritables pièges pour les amphibiens lors des périodes de migration. A partir des mois de février-mars et lors des mois de septembre-octobre, les amphibiens migrent de leur site de reproduction (étang, mare, fossé…) pour aller trouver un site d’hivernage enfoui sous des arbres morts, enterré dans des galeries, etc. C’est ainsi que certaines routes très fréquentées notamment lors du brame du cerf sont très mortifères à la nuit tombée lors de soirées humides avec des températures ambiantes assez chaudes (12-15°C).
Une solution simple pour éviter cette mortalité : fermer temporairement et en partie les routes où des taux de mortalité importants ont été constatés durant cette période d’un mois.
C’est ce qui a été expérimenté cette année entre les ronds de Sauveloup et le Grand Rond, où aucune mortalité n’a de ce fait été observée alors que dans le même temps, lors de certaines soirées, une cinquantaine de crapauds, une trentaine de grenouilles et quelques salamandres et tritons ont été recensés sur la route et dans les fossés la bordant.
Cette coopération fructueuse, autour des milieux humides, sera poursuivie en 2023 dans un autre domaine, celui des papillons.