Station de biosécurité à l'entrée de la RBI de la Montagne Pelée, au niveau du sentier de l'Aileron – ©ONF

Des stations de biosécurité dans les réserves biologiques intégrales martiniquaises

Si vous avez flashé ce QR code, vous vous trouvez à proximité immédiate d’une station de biosécurité.

1. Qu'est-ce qu'une "station de biosécurité" ?

La biosécurité est, en écologie, ce qui vise à contrôler les flux des espèces, et ainsi à limiter les risques pour le milieu naturel. Cela peut consister par exemple à prévenir l’introduction d’une espèce sur l’ensemble d’un territoire par interdiction de son importation sur l’île.

Une station de biosécurité permet de limiter spécifiquement les flux et donc la propagation d’espèces exotiques envahissantes (EEE) végétales dans les milieux naturels.

En effet, les randonneurs, ou toute personne arpentant les sentiers, peuvent contribuer involontairement, sans le savoir, à la dissémination d’espèces exotiques. Ces espèces deviennent parfois, avec le temps, très envahissantes au détriment des espèces locales… Tout l’intérêt de ces stations est donc de réduire ce transport involontaire d’EEE via les semelles des chaussures ; et ainsi, de mieux préserver la nature !

2. Mode d’emploi de la station de biosécurité

Comme chaque personne, vous pouvez, en passant sur la station de biosécurité, enlever de la terre logée sous vos semelles… terre potentiellement contaminée par des espèces invasives. Ainsi, vous évitez que cette terre ne se retrouve dans des zones particulièrement bien préservées situées après la station.

Pour bien utiliser la station, il vous suffit de taper vos pieds sur les grilles, et pour les stations qui en sont équipées, de frotter vos chaussures sur les brosses.

La station est régulièrement entretenue par les équipes de l’ONF qui évacuent la terre contaminée dans les déchetteries adaptées.

A noter qu’une expérimentation se déroule aussi en parallèle pour mettre en culture des échantillons de ces déchets afin d’identifier les espèces qui vont germer. Ce protocole a pour but de tester l’efficacité des stations mais aussi de mieux connaître les flux d’EEE liés à ce mode d’introduction.

3. Pour quelles raisons parle-t-on d’espèces exotiques envahissantes ?

Une espèce exotique est une espèce introduite par l’humain, volontairement ou non, dans un autre territoire que son aire d’origine. Par opposition aux indigènes ou autochtones qui se trouvent dans son aire de répartition naturelle, qui n’a pas été importée par l’humain.

Ces plantes exotiques représentent environ 1 200 taxons en Martinique, dont plus de 100 sont des espèces exotiques envahissantes (EEE) ou invasives, c’est-à-dire qu’elles causent des impacts sur les espèces et les habitats indigènes, voire la santé et l’économie humaine.

Cette problématique du XXe siècle, due à l’essor et la rapidité des transports de marchandises, est considérée comme une des 5 premières causes d’érosion de la biodiversité dans le monde par l’IPBES (Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques) et l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature).

C’est aussi la première cause documentée de disparition d’espèces par l’UICN. Cette problématique menace particulièrement les écosystèmes insulaires tropicaux tels que l’île de la Martinique.

En effet, ces espèces exotiques envahissantes, par leur vitesse de « déplacement motorisé » arrivent sur de nouveaux territoires sans leurs limites écologiques (prédateurs, parasites, maladies, environnement, saisons...). Elles sont souvent caractérisées par une forte adaptabilité (tempérament pionnier, multiplication efficace, allélopathie, compétitivité...) et sont favorisées par les humains qui les connaissent, les cultivent.

En finalité, ces espèces réalisent auprès des plantes et habitats locaux une concurrence sur l’espace, sur la pollinisation, ou d'autres fonctions, et ce à une rapidité ne leur laissant pas le temps de s’adapter.

4. Les espèces exotiques envahissantes en Martinique

Les paragraphes qui suivent illustrent de manière non exhaustive quelques effets négatifs d’EEE (espèces exotiques envahissantes) en Martinique.

 

  • Concurrence sur l’espace : la langue de Belle-mère (Sanseveria hyacinthoides) illustre le cas des EEE qui induisent une concurrence sur l’espace des espèces locales. En effet, cette espèce limite la régénération des plantes natives en formant un tapis dense impénétrable aussi bien en surface que sous terre (rhizomes). La photo dans la galerie ci-dessous a été prise sur la plage d’Anse Meunier à Sainte-Anne, avant la mise en place de travaux de lutte par l’ONF. Ce site a été jugé prioritaire car des espèces végétales indigènes, endémiques et patrimoniales sont présentes sur cette plage. Par ailleurs, des suivis antérieurs ont permis de révéler que trois espèces de tortues marines venant pondre sur les côtes martiniquaises, la Tortue imbriquée, la Tortue verte et la Tortue luth, fréquentent le site. Or, les tapis denses formés par la langue de belle-mère sur le substrat sableux nuisent à la régénération naturelle des espèces végétales et à la ponte des tortues marines. Le chantier, expérimental pour cette espèce sur le territoire, a débuté en 2022 et se poursuit notamment avec des replantations d’espèces indigènes pour concurrencer la langue de belle-mère.
  • Erosion et perte d’identité : au-delà de la concurrence pour l’espace vis-à-vis des espèces indigènes par création de peuplements monospécifiques, le Bambou commun provoque un changement profond du milieu qu’il envahit. En effet, ses feuilles tombées au sol modifient la composition de la litière et altère les ressources alimentaires des macroinvertébrés des cours d’eau. Les chutes de bambous créent des embâcles dans les cours d’eau, tel qu'on peut le voir dans la galerie d'image ci-dessous, dont les conséquences peuvent être une augmentation du risque d’inondation. Et pour finir, son système racinaire aggrave l’érosion des sols.
  • Concurrence à la pollinisation et intoxication des pollinisateurs : il a été démontré que le nectar et le pollen du Tulipier du Gabon (Spathodea campanulata) sont toxiques pour certains hyménoptères. Par ailleurs, dans le cas de l’orchidée Spathoglottis plicata, dont la fleur est visible sur la photo de la galerie ci-dessous, des études menées à Portorico mettent en évidence que cette espèce entrerait en compétition avec les espèces locales d’orchidées, principalement au niveau des associations symbiotiques et des pollinisateurs, et influence donc leur succès reproducteur.

Illustrations de cas de EEE en Martinique

5. Pourquoi une station à cet endroit ?

La flore indigène de l’île est marquée par un taux d’endémisme élevé, c'est à dire qu'une partie des espèces végétales ne se rencontre nulle part ailleurs dans le monde. Parmi ces espèces, certaines sont menacées. La disparition de ces espèces de l’île entraînerait leur perte à l’échelle du globe.

Le milieu situé après la station de biosécurité sur laquelle vous vous trouvez est actuellement en très bon état de conservation, d’où l’intérêt de placer une station ici pour le préserver. Il s'agit d'une Réserve biologique intégrale (RBI), statut de protection dont l'objectif principal est de laisser le milieu naturel en libre évolution

Pour la petite histoire, ce projet a vu le jour suite à l’observation du Pissenlit (Taraxacum officinalis), une espèce végétale originaire d'Europe, au sommet de la Pelée donc en plein cœur de la RBI. Des actions de lutte ont été rapidement mises en place par l’ONF et se poursuivent encore afin de limiter son expansion. Une hypothèse expliquant la présence de cette espèce originaire de si loin sur ce site, est qu’elle ait été transportée accidentellement sous les chaussures d’un usager du sentier. C’est ainsi qu’est née l’idée de prévenir cette forme d’invasion, et ce au moyen de ces stations de biosécurité.

Actions de lutte au sommet de la Pelée contre le Pissenlit - ©ONF

6. Les bons gestes

L’ornement paysager est la première source d’introduction d’EEE. Il y a donc quelques bons gestes à adopter pour la gestion des jardins et espaces verts.

  • Il est important de garder les plantes exotiques seulement dans les espaces anthropisés, donc les milieux urbains, les jardins ;
  • Laisser les déchets verts en ravine ou un accotement revient à laisser des boutures et des graines dans les corridors écologiques et accélérer l’expansion de potentielles plantes invasives ;
  • De même, toute plantation dans le milieu naturel doit être accompagnée d’expert pour s’assurer de ne pas générer d’impact involontaire.

Sur le site de la DEAL Martinique, vous trouverez deux guides qui peuvent vous être utiles (lien ci-dessous) :

  • un guide qui présente la liste des 107 espèces végétales listée sur l'arrêté du 9 aout 2019 relatif à la prévention de l’introduction et de la propagation des espèces végétales exotiques envahissantes sur le territoire de la Martinique, et rédigé par l'A3P2FM ;
  • un second guide qui présente des méthodes de lutte pour quelques EEE présentes en Martinique.

Enfin, vous pouvez signaler la présence de plantes exotiques envahissantes à la DEAL via ce contact : eee972@developpement-durable.gouv.fr

https://www.martinique.developpement-durable.gouv.fr/connaissances-des-eee-vegetales-a1534.html
Page web de la DEAL Martinique sur les EEE, vous pouvez retrouver les deux guides ci-dessus en téléchargement

7. Ressources

Pour aller plus loin... 

Remerciements

L’ONF et le Parc national de La Réunion qui ont inspiré ce projet pour l’ONF Martinique, en particulier Nicolas Friang qui nous a fourni les plans.

Manuella Antoine, professeure certifiée de créole et créatrice de contenus, pour avoir participé à la création du contenu du tableau en créole.

L’Atelier Bois de l’ONF qui a construit ces stations.