Forest EcoValue, un projet européen au service des forêts alpines

Face au changement climatique, les forêts alpines sont de plus en plus fragiles. Plusieurs essences forestières, espèces animales et végétales sont menacées tout comme les nombreux services « invisibles » que les forêts rendent à la société. Le projet Forest EcoValue a pour objectif de mieux évaluer ces services et de développer des innovations territoriales pour améliorer leur préservation.

Lancé en 2022, Forest EcoValue est un projet multi-partenarial qui réunit 5 pays européens : la France, l’Allemagne, l’Autriche, l’Italie et la Slovénie. Dans chacun d’eux, plusieurs organisations aux compétences complémentaires (cartographie, gestion forestière, modélisation financière…) travaillent sur le projet. En France, elles sont trois à collaborer : l’Institut national de recherche sur l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE) qui porte le projet côté français, le Centre régional de la propriété forestière (CRPF) Auvergne-Rhône-Alpes et l’ONF. Ce projet est majoritairement financé par le programme de l’Union Européenne Interreg Alpine Space.

« Ce partenariat européen permet de bénéficier d’un cadre optimal avec des ingénieurs, des chercheurs, des techniciens… qui apportent une approche méthodologique et des partenaires locaux (élus, professionnels…) qui partagent leur connaissance des territoires étudiés », explique Martin Grau, l’un des pilotes du projet à l’ONF, également responsable de l’unité territoriale Bas Vivarais-Cévenne.

Aujourd’hui, Forest EcoValue est à la phase deux sur trois : après une étape de développement méthodologique, les initiatives élaborées commencent à se mettre en place sur des sites pilotes. La phase trois correspondra à une proposition de feuille de route à l’échelle européenne, élaborée sur la base des premiers retours d’expérience de chaque partenaire.

Pourquoi ce projet ?

Les forêts alpines rendent aujourd’hui une multitude de services écosystémiques. Ils représentent l’ensemble des services invisibles rendus directement ou indirectement à la société pour assurer son bien-être. Il s’agit du piégeage du carbone, de la réduction de la pollution atmosphérique, de la préservation de la biodiversité, de la protection face aux risques naturels (avalanches, éboulements…) et de l’accueil du public. Tous ces services constituent des avantages environnementaux et sociaux qui jouent un rôle clé dans l’atténuation du changement climatique et dans la résilience de la région alpine. Pourtant, les gestionnaires ou propriétaires de forêts, qu’elles soient privées ou publiques, ne sont pas ou peu rémunérés pour ces services rendus. L’un des principaux buts de Forest EcoValue est donc de trouver des initiatives et de nouveaux marchés pour permettre une valorisation de ces services.

Ces innovations doivent permettre de poursuivre une gestion durable des forêts mais surtout, de maintenir l’ensemble des services écosystémiques forestiers à un haut niveau. « Aujourd’hui, ce sont majoritairement les profits générés par la vente de bois et les fonds publics qui financent leur entretien. Or, dans un contexte de changement climatique, les forêts vont demander plus d’attention, elles auront plus de besoins. Il faut donc trouver d’autres sources de financement pour assurer l’entretien de la forêt mais aussi pour continuer à satisfaire les besoins de la société », explique Martin Grau.

ZOOM sur le site pilote d’Annecy

Annecy a la particularité de bénéficier de forêts périurbaines aux paysages exceptionnels attirant 3 millions de visiteurs chaque année. Aujourd’hui, cette fréquentation impacte le milieu (dégradation de la biodiversité, érosion des sols, etc.) et nécessite la mise en place d’aménagements pour pallier ce problème (sentiers pédestres, aires de pique-nique, etc.).  Les acteurs de la gestion forestière doivent aussi travailler en prenant en compte les contraintes liées à cette fréquentation. Par exemple, les périodes ou le mode d’exploitation sont décidés en fonction de l'affluence touristique. Cette adaptation entraîne ainsi des surcoûts pour le propriétaire forestier. La diversification des financements actuels est donc un enjeu important pour le secteur.

L’Agglomération du Grand Annecy cherche donc à travers Forest EcoValue des solutions pour réduire les menaces qui pèsent sur ces forêts. « L’objectif du projet à Annecy, c’est de mettre en place une surmodulation de la taxe de séjour, aujourd’hui payée par les touristes. Elle contribuerait à financer l’entretien, le maintien ou la restauration de l’ensemble des équipements d’accueil du public (sentier, sécurité des routes, préservation des paysages…) et pourrait peut-être même financer les autres services rendus par la forêt », poursuit Martin Grau.  « Forest EcoValue permettrait aussi de prendre en compte les coûts ponctuels liés à la sur-fréquentation à certaines périodes de l’année (canalisation du public, infrastructures d’accueil…) », explique Maxime Debanizette, précédent responsable de l'unité territoriale d'Annecy. 

La mise en place de la taxe, son pourcentage et son application sont encore en discussion chez les élus qui auront le dernier mot. Deux solutions sont possibles : soit une augmentation de la taxe déjà existante (créée en 2017), soit une augmentation de la part de celle-ci consacrée à la forêt.

« Finalement cette taxe est une question d’équité. De nombreux aménagements sont mis en place pour les touristes. Grâce à cette taxe, ils vont contribuer à financer ce qu’ils viennent chercher sans que cela pèse uniquement sur la contribution des locaux »

Martin Grau, pilote du projet et responsable de l'unité territoriale Bas Vivarais - Cévenne

En France, il existe un autre site pilote situé à Thonon-les-Bains (également en Haute-Savoie) qui cherche à mieux financer le rôle protecteur de la forêt sur la qualité des eaux du bassin versant des Moises.

Au total, il existe sept sites pilotes sur l’ensemble des pays participants. Chaque initiative est propre au site en question et surtout adaptée à son contexte institutionnel. « C’est tout le but du projet Forest EcoValue, que les 5 pays participants trouvent ensemble une solution adaptée à leur territoire pour mieux préserver les forêts alpines », continue Martin. Des séminaires d’échanges sont régulièrement organisés. Le projet se termine au printemps 2026 mais les initiatives mises en place sont amenées à perdurer.