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Réserve biologique mixte de la Sainte-Baume

La réserve biologique mixte de la Sainte-Baume se trouve en forêt domaniale de la Sainte-Baume (83).

Localisation

  • forêt : forêt domaniale de la Sainte-Baume
  • communes : Nans-les-Pins, Plan-d'Aups-Sainte-Baume, Saint-Zacharie
  • département : Var (83)
  • région : Provence-Alpes-Côte d’Azur

Identité

  • date de création de la RBD : 02/04/1973
  • date de conversion en RB mixte et extension : arrêté en cours
  • surface : 488,3 ha (RBD : 58,9 ha - RBI : 429,4 ha)
  • catégorie UICN d'aire protégée : 1a (RBI) et 4 (RBD)
  • code national INPN : FR2300014 (RBD)
  • code international Protected planet : 15158 (RBD)

Gestion

  • direction territoriale ONF : Midi-Méditerranée
  • agence territoriale : Alpes Maritimes - Var

La réserve biologique de la Sainte-Baume se trouve sur le versant nord de la montagne du même nom, à une trentaine de kilomètres de Toulon ou de Marseille et à moins de vingt kilomètres de la mer Méditerranée. Ce site est célèbre pour son lieu de pèlerinage dédié à Sainte-Marie-Madeleine qui, selon la tradition chrétienne, s'était installée dans une grotte au pied de la falaise. Il abrite aussi la hêtraie la plus méridionale de Provence, enclavée dans un environnement typiquement méditerranéen. A cette particularité écologique unique s'ajoute l'originalité d'une protection ancienne qui a tempéré les déboisements et la surexploitation forestière du Moyen Âge et de l'époque moderne.

La réserve est une RB mixte, avec une partie de réserve biologique intégrale (RBI) et une partie de réserve biologique dirigée (RBD). Par ailleurs, elle est composée de deux sites : 

  • le site dit de la "Vieille forêt", d'une surface de 305 ha, entre 680 m et 1148 m d'altitude sur l'ubac et jusqu'à la crête principale de la Sainte-Baume au Jouc de l'Aigle ; il abrite la hêtraie multiséculaire ; 
  • le site dit du "Vallon de Castelette", d'une surface de 183 ha, situé à moins d'un kilomètre au nord et à plus basse altitude (430-770 m), sur le cirque calcaire de la source de l'Huveaune (petit fleuve côtier dont l'embouchure est à Marseille) et l'ubac des rocs de la Caïre.

La réserve biologique de la Sainte-Baume est concernée par la ZNIEFF de type 1 "Crêtes et ubacs de la Sainte-Baume - Hauts du vallon de Saint-Pons" et par les deux ZNIEFF de type 2 "Chaîne de la Sainte-Baume" et "L'Huveaune et ses affluents", cette dernière ne concernant qu'un linéaire des cours d'eau. La réserve fait partie d'une ZSC et du PNR de la Sainte-Baume. Une unité conservatoire in situ (UC) de ressources génétiques du Hêtre y a été créée en 2009. La forêt de la Sainte-Baume fait partie des sites inscrits du département du Var, les oratoires et la chapelle présents en forêt étant pour leur part classés au titre des monuments historiques. Enfin, la forêt de la Sainte-Baume a reçu le label Forêt d'Exception®.

Histoire

Du XIIe au XVIIIe siècle, la forêt de la Sainte-Baume autour de la grotte de Sainte-Marie-Madeleine et de sa chapelle a été une possession monastique et a bénéficié de plusieurs ordonnances royales de protection. Devenue propriété de l'État à la Révolution, elle connut ensuite des interventions sylvicoles extrêmement limitées et prudentes jusqu'à la création de la réserve biologique en 1973 et depuis lors. Cette protection pluri-séculaire de la forêt a permis qu'elle développe un niveau de naturalité exceptionnel (souligné notamment par une étude du WWF sur les "hauts-lieux" des forêts méditerranéennes). En atteste aussi la présence d'individus très âgés d'ifs et de houx, en nombre et dimensions exceptionnels.

Longtemps limitée aux 138 ha de cette "forêt d'origine", la forêt domaniale de la Sainte-Baume a été agrandie entre les années 1950 par acquisitions successives, jusqu'à dépasser 2000 ha. 

Créée en 1973 en tant que réserve biologique dirigée (RBD) sur la totalité de ces 138 ha, la réserve a récemment été simultanément :

  • convertie majoritairement en réserve biologique intégrale (RBI), pour une meilleure cohérence entre le statut et le type prépondérant d'enjeux patrimoniaux ;
  • agrandie sur la partie Vieille forêt et également en créant la partie Vallon de Castelette, pour davantage de représentativité grâce à de la forêt méditerranéenne typique, et pour mieux protéger ce second site.

Les peuplements forestiers des deux extensions, issues d'acquisitions plus ou moins récentes, ne présentent pas le même niveau de maturité que la réserve d'origine, mais les exploitations y ont tout de même cessé depuis plus de 30 à 50 ans. Globalement, les deux sites sont majoritairement constitués de forêt ancienne, avec une continuité temporelle de l'état boisé depuis au moins deux siècles voire bien davantage.

Géologie - Pédologie

La réserve biologique et le massif de la Sainte-Baume s’inscrivent dans un ensemble formé de couches sédimentaires du Jurassique et du Crétacé, en partie renversées suite à un chevauchement venu du sud lors de la poussée de la plaque tectonique africaine à l'Eocène.

Le site de la Vieille forêt, avec sa série stratigraphique inversée, repose sur des terrains principalement calcaires allant du Coniacien (Crétacé supérieur) au Barrémien (Crétacé inférieur) avec sa puissante et caractéristique falaise de faciès Urgonien.

Le site du Vallon de Castelette repose sur des calcaires allant du Portlandien (Jurassique supérieur) au Turonien (Crétacé inférieur). Le cours supérieur de l'Huveaune avec ses vasques de travertin constitue un remarquable et fragile patrimoine géomorphologique.

Les substrats calcaires sont karstifiés, avec de nombreuses grottes et la source de l'Huveaune qui constitue une exsurgence.

Les sols sont variés, de squelettiques sur lapiaz ou éboulis jusqu'à très profond en forêt où l'on trouve des sols bruns. Sous la hêtraie, les sols colluviaux sont remarquablement profonds et bien pourvus en eau. 

Milieux naturels

La réserve biologique de la Sainte-Baume s'étend de 430 m à 1148 m d'altitude et se trouve au carrefour d'influences climatiques très contrastées (méditerranéenne, continentale et montagnarde). Les versants, de par leurs différentes expositions avec en particulier l'ubac très prononcé et très confiné de la Vieille forêt, ont une influence déterminante sur le mésoclimat et la végétation.

La Vieille forêt se trouve aux étages supraméditerranéen d'ubac et montagnard. La situation en versant nord, ombragé et frais, a permis l'expression d'une variante originale de hêtraie calcicole mésophile méridionale (CB : 41.1754) : le Hêtre, le Houx et l'If sont associés aux érables (E. à feuille d’Obier, E. champêtre, E. de Montpellier), aux alisiers (A. torminal, A. blanc) et au Tilleul à grandes feuilles. L’intérêt patrimonial est renforcé par la présence des ifs, âgés et pouvant constituer à eux seuls des boisements continus ; ils caractérisent alors un habitat particulier dit de "forêt à If"(CB : 42.A76 - N2000 : 9580*). En contrebas, la chênaie pubescente (41.71) peut elle aussi se décliner en une "forêt à Houx" (48.8 - 9380). Sous la falaise, les éboulis sont occupés par une tillaie-érablaie (41.4 - 9180). Les milieux ouverts sont représentés principalement par les falaises et leur végétation  chasmophytique (61.15 - 8210), la junipéraie à Genévrier de Phénicie (32.13 - 5210), la lande à Genêt de Lobel (31.74 - 4190) et des pelouses à Seslérie ou Aphyllante.

Situé à l'étage mésoméditerranéen et sans le microclimat de la Vieille forêt, le Vallon de Castelette est pour sa part dominé par une yeuseraie (chênaie verte) plus typiquement méditerranéenne (45.3 - 9340), associée à la chênaie pubescente. L'habitat le plus remarquable y est l'Huveaune avec ses eaux pétrifiantes (54.12 - 7220).

Enfin, on trouve sur les deux sites des grottes pouvant constituer l'habitat de diverses espèces animales (65 - 8310).

Flore et fonge

Grâce à sa position biogéographique unique, la réserve de la Sainte-Baume offre une flore particulièrement diversifiée. Sur les 450 espèces vasculaires connues, une trentaine sont considérées comme patrimoniales, dont 5 espèces protégées au niveau national (Ail petit moly, 4 espèces de gagées, Serratule naine) et 9 protégées au niveau régional, principalement dans les milieux ouverts. La hêtraie, pour sa part, abrite peu d'espèces remarquables mais une flore étonnamment typique et septentrionale : Luzule des bois,  Mercuriale pérenne, Euphorbe douce, Benoîte commune... Le Hêtre lui-même constitue plus qu'une curiosité, avec un patrimoine génétique caractérisé comme tout à fait orignal du fait de l'isolement de la forêt. L'If et le Houx sont remarquables par leur abondance et les dimensions atteintes. 

Les bryophytes et les lichens sont remarquables par leur diversité alliant des espèces typiquement méditerranéennes, alticoles et de milieux humides.

La richesse en espèces de champignons est exceptionnelle, grâce à l'ancienneté et la maturité de la forêt. Un inventaire partiel, réalisé seulement sur le site de la Vieille forêt, place d'ores et déjà la réserve de la Sainte-Baume en tête de toutes les RB étudiées par le réseau Mycologie de l'ONF, avec 470 taxons trouvés dont 23 menacés.

Faune

Les nombreux arbres sénescents ou morts constituent des habitats favorables à l’expression d’une entomofaune spécialisée, originale de surcroît par son caractère montagnard ou paléo-endémique. La Vieille forêt (le Vallon de Castelette n'a pas encore été étudié) est un site d'intérêt national pour les coléoptères saproxyliques, avec pas moins de 38 espèces à intérêt patrimonial élevé. La réserve abrite cinq espèces de coléoptères saproxyliques citées à l'annexe 2 de la directive Habitats : le Taupin violacé, le Pique-prune, la Rosalie des Alpes, le Grand Capricorne, le Lucane Cerf-Volant. 

Les papillons de jour ne représentent pas un enjeu aussi important, mais le site est quand même riche en espèces remarquables voire protégées (dont le Damier de la Succise, le Semi-Apollon de Saint-Cassien et la Diane), grâce à la diversité de ses habitats : landes et pelouses, peuplements clairs, ruisseaux et ripisylves… Groupes moins souvent étudiés, les lépidoptères hétérocères et les chilopodes comportent aussi leur lot d'espèces remarquables voire endémiques.

Une douzaine d'espèces d'oiseaux remarquables fréquentent le site et ses divers milieux (forêts, falaises, milieux ouverts) pour y nicher ou s'y alimenter. Le Faucon pèlerin est nicheur sur la falaise de la Sainte-Baume et le Pic noir est un oiseau emblématique de la Vieille forêt.

Arbres âgés et cavités souterraines sont très favorables aux chiroptères, qui trouvent aussi dans la réserve un territoire de chasse et un couloir de migration. 17 espèces ont été contactées sur le site, dont 6 de l'annexe 2 de la directive Habitats, ce qui est remarquable : Barbastelle d'Europe, Grand Rhinolophe, Murin à oreilles échancrées, Murin de Bechstein, Petit Rhinolophe, Rhinolophe euryale.

Gestion

La forêt domaniale de la Sainte-Baume et sa réserve biologique sont très fréquentées. A l'attractivité ancienne et toujours actuelle du sanctuaire religieux s'est ajouté dès le XIXe siècle un intérêt touristique qui n'a fait que croître. Actuellement, on estime à près de 400 000 le nombre annuel de visiteurs.

Cette fréquentation induit des risques d'atteintes directes ou indirectes sur la forêt : piétinement, érosion, ravinement, incendie… Une protection et des aménagements particuliers ont donc été mis en place. La circulation pédestre est canalisée sur un nombre limité d'itinéraires balisés et sécurisés (coupe u élagage d'arbres potentiellement dangereux), dont les historiques "Chemin des Roys" et "Chemin du Canapé" qui montent au sanctuaire. Ce dernier est emprunté par le GR9 et le GRP de la Boucle de la Sainte-Baume, et a fait l'objet d'une restauration entre 2013 et 2015.

D'autres sentiers ont été condamnés, pour la sécurité du public et pour limiter l'artificialisation liée à la sécurisation des peuplements. Les activités d'escalade et de spéléologie sont encadrées pour préserver la faune sensible (Faucon pélerin, chiroptères...). Le Vallon de Castelette a été aménagé en 2023 pour canaliser le public et protéger les milieux très fragiles de l'Huveaune.

Dans la RBI (très majoritaire) comme dans la RBD, la gestion de la réserve donne la priorité à la libre évolution. Les interventions sont minimalistes, limitées à la sécurisation des peuplements indispensables à la protection des promeneurs et aux quelques interventions nécessaires à la parcelle du "cœur" de l'unité conservatoire (UC) de ressources génétiques du Hêtre qui a été gardée en RBD. 

Cette UC a notamment été mise à contribution dans le cadre du projet GIONO, initié en 2011 par la Commission nationale des ressources génétiques forestières (CRGF) et le Conservatoire génétique des arbres forestiers (CGAF) de l'ONF. Ce projet vise à tester la migration assistée, pour compléter la conservation de ressources génétiques méridionales menacées par le changement climatique, et pour mélanger ces provenances plus résistantes à la sécheresse avec leurs congénères du nord moins adaptés aux futures conditions climatiques.

Dans un contexte de risques croissants, la Défense de la forêt contre les incendies (DFCI) reste partie intégrante de la gestion de la réserve comme de toute la forêt domaniale. La gestion des risques physiques concerne la prévention des chutes de blocs  sur la falaise.

Bien longtemps avant son classement en RBD, la forêt domaniale de la Sainte-Baume a suscité l'intérêt de nombreux naturalistes et forestiers de renom, notamment dans les années 1950, dont A. Dugelay, P. Guinier et les frères Molinier. Leurs travaux ont joué un rôle majeur dans la création de la réserve. Dans les années 1990, l'ONF a lancé des études dans le cadre de la révision de l'aménagement forestier. À partir des années 2000, les études se sont élargies avec Natura 2000 et le projet d'extension de la réserve biologique, traitant notamment de l'entomofaune, de la flore et des habitats naturels... L'ONF a progressivement intensifié sa participation, en particulier dans la Vieille forêt, avec des contributions importantes de ses réseaux naturalistes sur la mycologie et les coléoptères saproxyliques. En parallèle, divers organismes scientifiques ont continué de porter une attention particulière à la Vieille forêt, sur des sujets tels que les lichens, les bryophytes, la génétique du hêtre...

Pour un site aux enjeux aussi nombreux et complexes, la gouvernance est une composante essentielle de la gestion. Le PNR de la Sainte-Baume est un partenaire important de l'ONF pour la forêt domaniale et dans le cadre de la démarche Forêt d'Exception®. Cette labellisation a pour objectif de préserver, développer et mettre en valeur le patrimoine naturel, culturel et historique, tout en permettant la poursuite et le développement d'une sylviculture de production (à l'échelle du le massif, la réserve biologique n'étant pas concernée). Le site dispose d'un comité de pilotage et d'un comité technique à large composition. Le label Forêt d'Exception a été obtenu en 2018 et son renouvellement était en cours fin 2024.

Ressources