Dans l'Allier aussi, l'ONF constate les premiers signes du changement climatique
En août 2020, la situation dans les massifs de l’Allier préoccupe les forestiers. Trois ans de sécheresse commencent à affecter les forêts autrefois épargnées par les fortes chaleurs. Les dépérissements sont très rapides : masse foliaire diminuée (baisse de la quantité de feuilles sur l’arbre), rougissement du houppier (partie supérieure de l’arbre), décollement de l’écorce.
"En 2019, dans le département, il n’a plu que 300 mm au lieu de 600 mm. Et l’année 2020 ne semble guère plus arrosée. Les arbres meurent littéralement de soif", témoigne Stéphanie Chevalier, aménagiste et correspondante observatrice au Département de Santé des Forêts (DSF) à l’Office natinal des forêts (ONF).
Les essences les plus touchées sont les hêtres, le pin sylvestre, également attaqué par des insectes ravageurs comme le bupreste bleu, ainsi que le sapin pectiné en basse altitude. Mais l’Allier est surtout connu pour ses chênaies dont la forêt domaniale de Tronçais est le fleuron. Les chêne sessiles et pédonculés, constituant la majeure partie de ces forêts de plaine montrent aujourd’hui des signes de dépérissement. Pour certains la masse foliaire a diminué de 60% en moyenne.
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"Même si pour le moment nous ne sommes pas devant des dépérissements massifs de chênes, nous prenons très au sérieux ces premiers signes. Le chêne est l’essence reine de l’Allier, nous surveillons donc de prêt les effets de la sécheresse sur cette essence. Pour le moment ce sont les plus âgés qui souffrent ou ceux installés sur des sols qui ne leur conviennent pas parfaitement", explique Milène Gentils, chargée des questions forestière à l'ONF. Si les dégâts sur les pins et les hêtres sont constatés dès le premier épisode de sécheresse, les conséquences sur les chênes, elles, sont visibles seulement après 2 ou 3 ans et peuvent s’étaler sur encore plusieurs années quand bien même la pluviométrie reviendrait à la "normale".
La filière bois mobilisée
Cet été, la priorité a été donnée à la sécurisation afin d’accueillir le public dans de bonnes conditions. "Les entreprises du bois ont été réactives pour exploiter les bois rapidement afin de sécuriser les lieux d’accueil du public durant cette période estivale", souligne Claire Quinones, responsable de la commercialisation à l'ONF. "Nous faisons un point régulier avec l’ensemble des acteurs car ils sont indispensables pour sortir les bois dépérissants des parcelles forestières."
Ce que l’on vit aujourd’hui sera peut-être la norme dans les prochaines années. La pérennité des essences que nous connaissons est remise en question ; il nous faut réfléchir aux choix sylvicoles à adopter dans ce contexte incertain et en évolution permanente. C’est une lourde responsabilité.
Dans un premier temps, les forestiers récoltent les arbres mourants, prioritairement le long des routes ouvertes à la circulation afin d’écarter tout danger puisque ces arbres dépérissants sont plus sujets à des casses ou des chutes. Il faut également les commercialiser rapidement afin de "sauver" la qualité souvent exceptionnelle de ces bois, fruit du travail de plusieurs générations de forestiers.
Des protocoles pour surveiller les forêts
Pour surveiller l’état sanitaire des forêts françaises, privées comme publiques, le ministère de l’Agriculture et de l'Alimentation, via la Département de la Santé des Forêts (DSF), organise une veille sanitaire constante. Chaque département regroupe trois observateurs chargés de signaler toutes sortes d’anomalies comme les dépérissements, les attaques d’insectes, les coups de vents, les orages de grêle Ils doivent aussi contrôler l’émergence de nouveaux organismes invasifs comme le nématode du pin.
Afin d’évaluer l’état de santé des forêts, le DSF a établi une nouvelle méthode d’estimation simplifiée de l’état des houppiers appelée DÉPÉRIS. Cette méthode repose sur la notation d’un panel d’arbres par massif sur la base de 2 critères : la mortalité de branche et le manque de ramification. "Les dépérissements sont des phénomènes complexes et évolutifs et cet outil simple nous donnera des indicateurs afin de les caractériser et surtout de les suivre dans le temps" explique la correspondante.
Protocole DEPERIS : la santé des arbres, classée de A à F
Adapter les forêts au réchauffement climatique
Devant l’ampleur du phénomène, les forestiers se questionnent quant à l’avenir de leurs peuplements, la sylviculture se pratiquant sur plusieurs dizaines, voire centaines, d’années. Et les scientifiques ne sont pas très optimistes sur la répartition des essences forestières en France d’ici à la fin du siècle. La migration géographique naturelle des essences (qui se déplacent de quelques dizaines, voire centaines, de mètres par an grâce à la dispersion des graines) est trop lente pour suivre un réchauffement plus rapide que ce que l’on escomptait.
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Pour favoriser l’adaptation des forêts, plusieurs solutions sont déployées par les forestiers comme miser sur la sélection naturelle des arbres, où seuls les individus les plus résistants à leur milieu survivront. Les régénérations naturelles avec leurs milliers de semis à l’hectare offrent une diversité génétique qui est un atout majeur à cette recherche d’adaptation. Les forestiers pourront aussi aider la forêt en plantant des essences plus résistantes à la sécheresse. Dans l’Allier, il serait par exemple possible de faire pousser du pin maritime ou encore du chêne pubescent. "Pour Tronçais, nous restons optimistes, le chêne a de la ressource, il a une variabilité génétique sept fois plus importante que l'Homme. En accompagnant la régénération naturelle, cette forêt perdurera mais avec un climat plus chaud, elle sera sûrement très différente. Notre mission est de soutenir les processus naturels pour aider la forêt à s’adapter", conclut Loïc Nicolas, responsable de l'unité territoriale de Tronçais.
Prospective : une balade en forêt en 2050....
Comment se faire une idée précise du paysage forestier en 2050 ? En s’y promenant tout simplement ! Avec l’appui de scientifiques, projetez vous dans l’avenir en forêt de Tronçais, célèbre chênaie domaniale de 10.600 hectares, située dans l’Allier, au nord du Massif central. Sans certitude, avec beaucoup de présomptions à l’aune des connaissances actuelles, cette description, sous forme de conte, se veut aussi plausible que possible. Rendez-vous à la fin du dernier chapitre du rapport de l'Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique (ONERC), p. 135-144.