Tronçais : les sécheresses cumulées depuis 3 ans laissent des marques
En décembre 2020, le département Santé des forêts (DSF) du ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation a piloté un suivi sanitaire renforcé en forêt de Tronçais complétant ainsi les inventaires réalisés dans les principales forêts du département de l'Allier : Dreuille, Marcenat et Jaligny. Un protocole de notation des dépérissements a été mis en œuvre et a permis d’évaluer l’état sanitaire de 179 placettes. Soit plus de 3 600 arbres observés sur Tronçais, couvrant ainsi l’ensemble des différentes parties de la forêt.
Les résultats permettent ainsi de qualifier et quantifier les observations faites sur le terrain en 2020. Sur Tronçais, les vieux peuplements montrent une plus grande fragilité. Les peuplements déstructurés par les mortalités des hêtres notamment, présentent plus de risques de poursuivre leur dégradation par perte de l’ambiance forestière.
Les 2/3 des 179 placettes observées ne présentent pas de signe de dégradation significatif. Les 10% des placettes les plus dégradées concernent pour l’essentiel des peuplements de gros bois très âgés. La dégradation de l’état sanitaire est observée surtout sur le hêtre. Le chêne réagit plus lentement que le hêtre à la suite d’un stress.
A retenir de l'analyse du département Santé des forêts :
- 40-50 % des hêtres (dont près de 20 % d’arbres morts) inventoriés montraient des signes importants de dépérissements en fin d’année ;
- 25 % des chênes pédonculés ;
- et 15 à 20 % des chênes sessiles (dont seulement 2 à 3 % sont morts).
Il est encore difficile d'établir un profil de la parcelle type en souffrance. Ce vaste inventaire nous apprend que même s'il souffre, le chêne sessile, essence majoritaire sur Tronçais, s’en sort légèrement mieux que le chêne pédonculé. La mortalité du hêtre, essence d’accompagnement traditionnelle des chênes, peut accélérer le processus de dépérissement par la déstabilisation du couvert forestier.
Forestiers et experts, ensemble pour la forêt
Ce phénomène de dépérissement est suivi de près par les forestiers de l’ONF qui ont adapté dès le début, les actions de gestion pour renforcer la capacité de résilience de la forêt et assurer la sécurité du public qui parcourt Tronçais.
Depuis l’été 2020, des arbres morts ou mourants sont coupés s’ils représentent un danger près des aménagements d’accueil ou des routes par exemple. Ils sont aussi récoltés si le bois est de haute qualité afin de valoriser une ressource écologique, renouvelable et poursuivre le stockage du CO2 dans des produits bois. Mais certains arbres morts sont aussi laissés en place pour développer les habitats où s’exprime le plus la biodiversité. En effet le bois mort héberge près de 25% de la biodiversité forestière.
Préserver toutes les fonctions de la forêt (préservation de la biodiversité, production de bois, accueil du public) guide nos décisions. À Tronçais, valoriser un patrimoine forestier exceptionnel est notre devoir et s’avère d’autant plus important dans le contexte perturbant des changements climatiques.
L’ONF a décidé de limiter les actions qui pourraient perturber l’ambiance forestière, les habituelles éclaircies dans les peuplements de gros bois ont été reportées. L’ambiance forestière est un facteur stratégique dans ces vieux peuplements et les forestiers veillent à la préserver.
D’autre part, des mises en régénération seront anticipées dans les parcelles très dégradées. En effet, si trop d’arbres dépérissent, cela peut obliger à renouveler une parcelle pour ne pas perdre le potentiel de reproduction naturelle. 85 hectares devront ainsi être renouvelés avant leur terme. Le forestier prendra alors soin de favoriser une mosaïque d’habitats afin de préparer l’avenir et d’accompagner la forêt dans le cadre des changements climatiques.
Un cumul historique de sécheresses
Dans l’Allier, les conditions climatiques des dernières années ont été défavorables aux peuplements forestiers avec des sécheresses exceptionnelles, synonymes de stress hydrique important. Trois indicateurs permettent de caractériser un stress hydrique : la précocité du stress, la longueur de l’épisode de stress et son intensité.
Le département Santé des forêts a réalisé une analyse climatique via l’outil Biljou (modèle de bilan hydrique forestier de INRAE, un outil de calcul et d'interprétation des flux d'eau à l'échelle des peuplements). Après 2018 et 2019, l’année 2020 constitue une troisième année consécutive de stress hors normes pour les peuplements forestiers. Une telle situation n’a jamais été identifiée depuis 1959, selon l'historique des données Biljou).
Le printemps, un signal attendu pour évaluer la vitalité des arbres
La situation climatique et les stress induits constituent des phénomènes dont les conséquences sont inconnues car la situation est inédite. Les forestiers observeront avec attention le débourrement des arbres (quand bourgeons et feuilles apparaissent) au printemps 2021, et continueront d’adapter leur gestion en fonction de l’évolution de la situation sanitaire des peuplements forestiers.
La fin du printemps sera décisive pour observer comment les arbres réagissent. Les forestiers seront donc très attentifs aux signes de reprise des arbres : un feuillage bien fourni, l’absence de branches mortes, etc.