Dans la vie des équipes de restauration des terrains de montagne
Le journal de bord de Pierre Dupire
Je suis ingénieur travaux, responsable du secteur ouest Isère et correspondant Drôme - référent technique régional "chutes de blocs". Tous les ans, d’avril à novembre, c’est-à-dire après la saison hivernale et avant le retour de la neige, les services Restauration des terrains de montagne (RTM) sont très sollicités pour l’entretien des ouvrages nécessaires à la protection des risques naturels. L’essentiel de ces activités fait partie des missions d’intérêt général (MIG) confiées par l’État à l’ONF.
Nous sommes, par exemple, chargés de l’entretien d’un parc d’ouvrages de protection contre les risques naturels (barrages, paravalanches…).
Une partie de notre travail s’inscrit dans le cadre de la MIG du ministère de l’Agriculture. Nous sommes, par exemple, chargés de l’entretien d’un parc d’ouvrages de protection contre les risques naturels (barrages, paravalanches…). Rien qu’en Isère, cela représente 4 500 ouvrages ! Nous réalisons également des études de bassin de risques (EBR), afin de planifier les nouveaux travaux nécessaires en forêts domaniales RTM.
En parallèle, nous intervenons dans le cadre de la MIG du ministère de l’Écologie. A ce titre, nous apportons notre expertise à la préfecture et aux collectivités locales en cas d’événement naturel (crue torrentielle, éboulement, avalanche…). Nous assistons également la Direction départementale des territoires (DDT) sur les sujets de zonages des risques pour les questions d’urbanisme.
En dehors des MIG, nous travaillons dans le cadre de missions concurrentielles : à la demande des collectivités ou des grands comptes, nous agissons au même titre que des bureaux d’études privés, sur les problématiques d’ingénierie des risques, de maîtrise d’œuvre… C’est une partie essentielle de notre activité car cela nous permet de préserver et de faire valoir notre expertise avisée.
Le saviez-vous ?
La forêt est essentielle pour prévenir les risques naturels. Elle limite l’importance des crues et, en montagne, joue un rôle clé pour réduire les avalanches, glissements de terrain et l’érosion superficielle. Le couvert forestier limite l’érosion des sols sur les flancs de montagne et donc l’alimentation des lits torrentiels en matériaux. Dans les zones de départ d’avalanche, la présence d’un peuplement forestier dense fixe le manteau neigeux en altitude.
Journal de bord de Morgane Cokkinos
Pour ma part, je suis responsable du secteur Bléone – Durance, RTM Alpes- de-Haute-Provence à l'ONF. Nos missions sont très variées : gestion des terrains domaniaux à rôle de protection, expertise et missions d’ingénierie pour la prévention des risques naturels, zonage des risques (Plan de protection des risques), appui aux collectivités, appui à la gestion de crise… Nous travaillons aussi bien en forêt domaniale que communale.
Un exemple concret de notre action ? Nous avons l’an dernier été mobilisés pour l’exploitation d’un peuplement qui protège une route départementale contre les chutes de blocs. Ce peuplement vieillissant est devenu instable et fragile à la suite d’importants chablis (arbres déracinés pour diverses raisons : tempêtes, vents...) à l’automne 2019. II devait être renouvelé rapidement pour conserver son rôle. Les risques étaient trop forts et la priorité d’action absolue.
Nous accompagnons aussi les communes touchées par des catastrophes naturelles.
Nous avons apporté notre soutien à l’agence ONF pour réduire autant que possible les risques pendant le débardage des arbres par câble- mât. Nous avons notamment expérimenté la pose de filets temporaires ancrés sur les arbres pour limiter les éventuelles chutes de pierre sur la route. Cette opération de sécurité permet en plus d’alimenter la filière bois, et notamment l’approvisionnement des industries très mobilisées pour fournir du matériel pendant la crise du Covid-19 (producteurs de pâtes à papier, carton d’emballages…).
Autre exemple : nous accompagnons les communes touchées par des catastrophes naturelles. Pour effectuer une analyse efficace et pragmatique, il ne faut pas que les éléments morphologiques (traces) s’effacent ou soient déblayées des routes. C’est un peu comme dans la série "Les experts" : nous devons récolter tous les indices pour déterminer les circonstances de l’événement. D’ordinaire, il m’arrive d’entrer chez les particuliers pour prendre en photos des fissures ou des traces d’inondations avant que les propriétaires ne les recouvrent.
Le saviez-vous ?
Les missions de Restauration des terrains en montagne (RTM) relèvent de l’action de l’ONF (anciennement Eaux et Forêt) et ce, depuis le XIX siècle : les forestiers ont obtenu cette responsabilité à une époque où glissements de terrain et inondations dévastaient la montagne suite à des déboisements massifs. Depuis, les forestiers de l’ONF participent à renforcer le rôle de protection des forêts de montagne, et à réduire les risques naturels à travers leur mission de Restauration des terrains en montagne (RTM).
Journal de bord d'Alain Bruzy
Je suis ingénieur responsable des travaux RTM dans les Hautes-Pyrénées et les Pyrénées-Atlantiques. Rien de tel pour présenter mon métier que de raconter un cas concret d’action. L’an dernier, pendant le confinement, nous avons été sollicités en urgence par la préfecture des Hautes- Pyrénées lors d’une chute de blocs sur une route. J’ai dû me rendre sur le terrain, avec ma collègue responsable RTM de la vallée, pour analyser la situation et gérer la crise : bloquer la route ou pas ? Comment accéder sans danger à la zone d’éboulement ? Purger les blocs encore instables quelques heures avant la nuit, ou non ?
La résolution de telles problématiques est souvent le fruit de la richesse culturelle des équipes RTM : des parcours universitaires, des spécialités dans l’ingénierie, la géotechnique ou le génie civil… C’est un mélange un peu hétéroclite mais qui se révèle surtout très enrichissant et in fine très efficace sur le terrain.
Après un échange avec la mairie (financeur de l’opération) et la préfecture, nous avons sollicité une entreprise locale. Quelques minutes avant la nuit noire, la route était à nouveau ouverte… Cette opération intense, qui aura duré 10h, du premier appel de la préfecture jusqu’à la réouverture de la route, illustre la pression qui accompagne souvent nos interventions : élus, institutionnels et populations attendent tous notre expertise. Bloquer une route en montagne est toujours délicat, surtout lorsqu’il s’agit du seul accès à la vallée.
Le saviez-vous ?
A l'ONF, les divisions domaniales RTM représentent environ 380 000 hectares, répartis dans 25 départements de montagne, notamment dans les Alpes, les Pyrénées et le Massif Central. A l’ONF, 104 personnes réparties au sein de 3 agences (Alpes du Sud, du Nord et Pyrénées) et 9 services sont mobilisées quotidiennement pour assurer cette mission d’intérêt général confiée par l’État. Leurs actions consistent à entretenir quelques 22 000 ouvrages de protection (barrages, paravalanches...) en forêt domaniale RTM et à accompagner le renouvellement des peuplements ayant un rôle avéré de protection.