L'île Sainte-Marguerite dévoile son nouveau plan de gestion
C'est quoi un plan de gestion ? Découvrez en détails celui de l'île de Sainte-Marguerite dans les Alpes-Maritimes avec les équipes de l'ONF ! Dans cette forêt domaniale, ce nouveau plan de gestion s'applique pour une période allant de 2020 à 2029, pour une surface de 152 hectares 51 ares 21 centiares. Ce plan de gestion vise à concilier préservation de l'environnement et accueil du public, dans un lieu extraordinaire.
Une richesse environnementale
L’île Sainte-Marguerite héberge 23 espèces végétales protégées dont 5 sont introduites ou ornementales échappées de jardin :
- Dix sont inscrites sur la Liste nationale des espèces protégées : diss, doradille sagitée, grand statice, barbe de Jupiter, caroubier, statice pubescent, cymodocée noueuse, linaire grecque, sérapias négligé, germandrée arbustive.
- Onze sont inscrites sur la Liste régionale : rupelle de mer, lis de mer, lavatère ponctuée, bugrane sans épines, immortelle d’Italie, passerine hérissée, chou de montagne, romulée de Colonna, sérapias d’Hyères, palmier nain et laurier rose.
- Deux autres bénéficient d’une réglementation départementale : narcisse à bouquets et euphorbe épineuse.
Certaines de ces espèces ainsi que d’autres plantes non protégées mais tout aussi rares, ne se trouvent dans le département des Alpes-Maritimes que sur l’île Sainte-Marguerite : halophytes des vases salées (salicorne d’Emeric), des eaux saumâtres (rupelle de mer), des banquettes eutrophes de posidonies (soude commune, également présente sur l’île Saint-Honorat) et des côtes rocheuses (lis de mer, salicorne à gros épis) mais aussi des plantes des pelouses ou des friches des bords de chemins (astérolide aquatique, bugrane sans épines, centaurée de Malte).
La réserve biologique dirigée
La réserve biologique de l’île Sainte-Marguerite a été créée par un arrêté ministériel en date du 26 septembre 2006. Cet arrêté venait officialiser une gestion menée depuis déjà plusieurs dizaines d’années, visant à une reconquête de la naturalité des peuplements forestiers (yeuseraie à chêne vert et pinède de pin d’Alep), à une préservation de la biodiversité de l’île en termes d’espèces animales, végétales et fongiques relictuelles des milieux littoraux méditerranéens de la Côte d’Azur, tout en accueillant le public dans le respect du paysage et des richesses naturelles de l’île.
Pour mémoire, le premier plan de gestion de la réserve biologique dirigée de l'île Sainte-Marguerite (2005 - 2019) faisait suite au document d'aménagement forestier de 1992 - 2012, qui érigeait trois séries dont une d'intérêt écologique particulier comprenant l'étang intérieur du Batéguier et ses alentours, destinés à être gérés en réserve biologique. Finalement, le dossier de création et premier plan de gestion de la réserve biologique de l'île Sainte-Marguerite élève l'ensemble des 152 hectares de cette forêt domaniale en réserve biologique dirigée.
Le saviez-vous ?
Depuis, l'ONF a mis en place un Comité consultatif de suivi et de gestion de la réserve biologique de l’île Sainte-Marguerite où l’objectif est d’associer les principaux partenaires institutionnels et scientifiques aux études et décisions de gestion dans ce milieu naturel exceptionnel. Ces rencontres constituent un temps d’échange annuel, essentiel aux choix de gestion comme à la gouvernance de la réserve biologique. L’occasion pour l’ONF de tirer les enseignements des actions réalisées dans cet espace naturel remarquable mais aussi les perspectives à développer.
Ce Comité est le lieu de la concertation indispensable à une meilleure connaissance des habitats et espèces et à leur préservation durable (écologiquement, socialement et économiquement). À l’issue des réunions de concertation menées en 2019 lors de l’élaboration des plans de gestion paysagers et de la réserve biologique dirigée, il a été proposé la création d’un Comité de suivi de l’île Sainte-Marguerite, qui se réunirait annuellement pour réaliser un point d’avancement des différentes démarches en cours (RBD, SMILO, UNESCO) et des actions menées. Ensuite, a été créé le Comité consultatif des réserves biologiques des Alpes-Maritimes en 2020, qui concerne les réserves de l’île Sainte-Marguerite, de Tête d’Alpe et du Cheyron.
Une avifaune riche et variée
Les oiseaux de l’île Sainte-Marguerite sont nombreux et variés avec 133 espèces recensées dont 107 sont protégées. L’étang du Batéguier attire de nombreux oiseaux aquatiques migrateurs et hivernants dont certains sont d’intérêt patrimonial et peuvent être observés occasionnellement : la grèbe jougris, la grèbe à cou noir, l’océanite tempête, la grande aigrette, le flamant rose, le canard souchet, la bécassine des marais, le héron crabier, le héron pourpré, le puffin Yelkouan, le cormoran huppé de Méditerranée, la mouette mélanocéphale et le chevalier gambette.
Fait remarquable, suite à des travaux ciblés d’enlèvement de la végétation et de création d’un point d’eau douce, une colonie de sternes pierregarin est revenue sur l’îlot du Batéguier, pour atteindre 82 individus en 2018.
Dix espèces de chauves-souris, toutes protégées, ont été recensées sur l’île. Ce qui est intéressant vu la faible taille du site, l’absence de points d’eau douce et le faible nombre de gites potentiels. On trouve également 5 espèces de reptiles, 43 espèces de coléoptères devenues très rares dans le département des Alpes-Maritimes, 7 espèces de papillons de jour ou de nuit d’intérêt patrimonial, un tiers de la richesse connue des espèces d’araignées pour le département des Alpes-Maritimes.
Pour ce qui est de la fonge (champignons et lichens), on note une très grande richesse sur l’île Sainte-Marguerite. Une nouvelle espèce de champignons poussant sur le bois écorcé découverte en 2007 sur l’île a même été nommée en son honneur : Phlebia margaritae ! Plusieurs espèces de lichens poussant sur les troncs et branches d’arbres ont été nouvellement signalées en France sur l’île Sainte-Marguerite, à l’occasion de récents inventaires, les lichens couvrant les blocs et falaises calcaires comprennent également des espèces rares du littoral méditerranéen.
Dimension paysagère
Dans la partie sud-ouest de l’île Sainte-Marguerite, depuis la Pointe du Dragon jusqu’à la maison forestière, une chênaie verte s’étend sur une vingtaine d’hectares. Cette yeuseraie (écosystème riche en espèces de vertébrés) est surmontée d’une strate arborescente supérieure, plus ou moins dense, à pins d’Alep. Au fur et à mesure du vieillissement puis de la mort des pins, les chênes verts constituent une forêt plus fermée, sombre, où des espèces sciaphiles (amatrices d’ombre) s’infiltrent entre les arbustes et lianes sclérophylles méditerranéennes.
Parmi les peuplements de pins d’Alep de l’île, seuls les peuplements dynamiquement stables sont d’intérêt communautaire. On en distingue deux types : ceux qui occupent le liseré côtier et sont directement soumis aux vents et embruns et les peuplements littoraux situés légèrement en retrait des rochers maritimes.
Le risque incendie
Le risque de départ de feux est très élevé sur l’île en raison de la forte fréquentation touristique durant la période estivale et de l’importance des peuplements de résineux par nature extrêmement inflammables. Pour éviter la destruction totale du couvert végétal par le feu et la mise en danger du public fréquentant le site, une partie importante de l’île, soit près de 40% est débroussaillée régulièrement (broyage des houppiers éliminés pour cause de risque de chute ou de contamination par le scolyte Tomicus destruens, débroussaillage limité au dégagement des semis et jeunes plantations, fauche tardive des pare-feux et des allées, permettant aussi de préserver la flore).
Les secteurs identifiés comme présentant le plus de risques sont les peuplements d’eucalyptus aux écorces desquamantes, les fruticées denses (formations végétales jeunes) méditerranéennes sclérophylles entourant les plantations et les peuplements de pins d’Alep non déboussaillés.
Plusieurs équipements de lutte contre l’incendie sont présents sur l’île : un centre de secours et d’incendie, un réseau de poteaux d’incendie installés le long des allées et alimentés par un réseau d’eau indépendant du réseau d’eau potable de 5000 mètres entièremment renouvelé en 2017, une citerne pour hélicoptère bombardier d’eau… Par ailleurs, une surveillance accrue du risque incendie est mise en place en été avec des effectifs supplémentaires de pompiers et des tournées de surveillance de l’Office national des forêts.
Accueil du public
L’accueil du public est l’un des objectifs prioritaires de la RBD de l’île Sainte-Marguerite, à concilier avec la préservation des milieux naturels, de la faune et la flore hébergés. Il s’agit d’assurer la canalisation du public sur les allées existantes afin d’éviter sa pénétration dans les peuplements forestiers et de limiter le piétinement et l’érosion en bordure littorale (confortement du trait de côte par des opérations de génie écologique : murets et escaliers en pierres, loupes de recolonisation…).
Le public est reçu dans des aires d’accueil, qui sont régulièrement déplacées afin de pouvoir relancer la régénération naturelle des peuplements (accompagnement sylvicole).
Entre 2007 et 2015, la fréquentation annuelle totale de l’île était de 352 950 personnes environ. Les touristes fréquentant l’île en été sont pour la plupart originaires de Cannes ou du reste du département des Alpes-Maritimes : ce sont pour la moitié des habitués venant en famille ou entre amis profiter de la mer et se promener dans l’île.
Les criques rocheuses en côte sud et le pourtour de l’étang du Batéguier sont les sites les plus fréquentés alors que la partie intérieure de l’île et l’extrémité est sont moins parcourues. Une estimation indique que la fréquentation touristique de l’île atteindra bientôt 380 000 visiteurs par an.
Un important patrimoine culturel
L’île Sainte-Marguerite a été occupée depuis fort longtemps par diverses populations, qui ont successivement défriché, puis abandonné des terres rocheuses. Des troupeaux ont même pâturé sur l’île et des défrichements à vocation militaire ont été entrepris (dégagement des alentours des forts). Les formations végétales naturelles ont pu se développer normalement après l’abandon de l’île par sa population suite aux catastrophes naturelles (séisme et raz-de-marée au IVème siècle), aux guerres et à leurs séquelles (fin du Moyen-Âge). En 1809, date où le domaine de l’État est confié à l’Administration des Eaux et Forêts, la forêt avait envahi toute l’île, à l’exception du fort où un glacis était maintenu.
Actions de gestion
Le montant total prévisionnel estimé des actions retenues au plan de gestion pour faire face à la fois aux effets des pressions naturelles sur les milieux (changement climatique, espèces envahissantes) et anthropiques (piétinements déchaussant les racines, piétinements de la régénération…) au profit des enjeux écologiques, paysagers et d’accueil du public en sécurité s’élève à 4 660 500 euros sur une période allant de 2021 à 2029.
Les financements mobilisés pour la réalisation de ces actions peuvent venir de différentes sources : ministère de la Transition écologique et solidaire, taxe Barnier, convention quinquennale avec la Ville de Cannes, fonds propres ONF, mais aussi la recherche de financeurs externes : SDIS, mécénat, Villes de Cannes et d’Antibes, fonds de dotation ONF-Agir pour la forêt, label "îles durables"… Ces financements permettront d’envisager plusieurs actions de gestion : réfection des observatoires de l’étang du Batéguier, aménagement de cheminements pour personnes à mobilité réduite, renouvellement de peuplements en fin de vie, requalification de vues paysagères dégradées, amélioration de la défense contre le risque d’incendie, poursuite des inventaires naturalistes…
En 2020, plusieurs actions de gestion ont été mises en œuvre :
- rotation des aires de pique-nique pour protéger les arbres : pour un montant total de travaux de 15 500 euros ;
- entretien de plantations : 15 000 euros ;
- entretien de l’ilôt central de l’étang du Batéguier : débroussaillage, surélévation des zones graveleuses pour abriter les nids de sternes de la montée des eaux, enlèvement manuel des espèces végétales tapissant les graviers et dégagement de la vasière du pourtour de l’étang interne sur deux mètres de large, entretien du point d’eau douce créé dans la partie nord de l’îlot, repousser la brousse sur les berges pour favoriser les halophytes, réhabilitation des observatoires ornithologiques et des visuels informatifs, entretien des voies de communication avec la mer pour éviter l’envasement pour un montant de travaux total de 26 200 euros ;
- débroussaillage DFCI : fauche annuelle tardive des pare-feux et des bordures de chemins, renouvellement des essences arborées et arbustives des pare-feux pour un montant de travaux total de 57 000 euros ;
- mise en sécurité du public : élagage à la nacelle des arbres sur les allées et aires de pique-nique, pose de ganivelles autour d’îlots de sénescence, fermeture de blockhaus, recalibrage des allées pour un montant total de travaux de 52 000 euros.