La forêt du Gâvre, ce poumon vert gorgé d'eau
Murs de granit, toits en ardoise et végétation luxuriante... A l’approche de la forêt depuis Nantes, un paysage armoricain éclatant se dessine. La frontière bretonne n’est pourtant qu'à une quarantaine de kilomètres au nord.
Pierre Wendling, forestier en forêt du Gâvre à l’Office national des forêts (ONF), fait le même constat à propos de la pluie plus présente que dans le reste du département : "Ici, on dit que la vraie frontière avec la Bretagne, c’est le canal Nantes-Brest !" Ce dernier coule au sud de la forêt, dans la ville de Blain.
Les airs bretons de cette forêt ligérienne ne sont en effet pas dus au hasard. La forêt du Gâvre est un fragment d’une immense forêt millénaire qui recouvrait toute la Bretagne intérieure. Historiquement, la Bretagne descendait au sud de la Loire, jusqu'en pays de Retz.
Au XIIIe siècle, c’est d’ailleurs un duc de Bretagne, Pierre 1er qui décide d’y construire un château, encourageant par là même, l’exploitation de ses ressources. Plus qu’une simple voisine donc, elle lui devrait même son nom : "Gavr", qui désigne la chèvre en celte.
Une forêt ancienne, mais vigoureuse
Au fil des chemins, il faut lever haut son menton pour apercevoir la cime des arbres. Érigés en cathédrales, les chênes et les hêtres (respectivement 49% et 5% des essences) sont rois dans cette forêt. Essence-mère de la forêt, ils sont présents depuis des millénaires et continuent de se renouveler par un ensemencement naturel. Les plus précieux sont même sélectionnés pour la tonnellerie : un savoir-faire d’excellence qui s’appuie sur la qualité de la matière première.
En effet, "la particularité de cette forêt est qu’elle va relativement bien" s’enthousiasme Corentin Levesque, responsable de l’unité territoriale Loire-Atlantique-Maine-et-Loire. Les tempêtes de 1999 ? Non avenues. Les scolytes ? Pas ici. Le dépérissement des feuillus avec le changement climatique ? Mesuré.
La forêt du Gâvre serait-elle magique ? Corentin Levesque tempère : "La forêt du Gâvre a deux atouts majeurs : des pluies régulières, même en été, et la présence de sols hydromorphes qui permettent de capturer l’eau de pluie et aux feuillus de résister à des périodes de sécheresses assez longues." Il faut toutefois rester prudent : "le chêne est sur une ligne de crête et les ressources hydriques restent limitées en période estivale, une sécheresse plus prononcée pourrait nous faire basculer du mauvais côté."
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Des pins sous la surveillance des forestiers
La noblesse des feuillus ne doit pas éclipser les autres richesses de la forêt. Le long de l’allée des Malnoës, au nord du massif, au milieu des herbes hautes, de jeunes pins pointent le bout de leur cime, sous la haute surveillance des forestiers.
En cause ? la molinie, cette herbe haute qui apprécie les mêmes milieux que les pins et concurrence leur développement. Des travaux du sol sont régulièrement menées par les forestiers : "l’objectif est de retrouver une couche minérale et d'éviter le développement de la molinie", explique Corentin Levesque.
Plantés au XIXe siècle pour boiser plusieurs centaines d’hectares de sols acides, le pin maritime et le pin sylvestre sont aujourd’hui essentiels pour valoriser ces terres pauvres et maintenir l’écosystème de la forêt, classée zone Natura 2000 pour son avifaune (oiseaux).
Cette pluralité d’espèces est aussi importante que la diversité des âges des arbres : "plus une futaie est jeune, plus elle produit d’oxygène", explique Corentin Levesque. "En vieillissant, les arbres consomment autant d’oxygène qu’ils en produisent. On a donc besoin de couper des arbres pour que la forêt produise de l’oxygène !"
À l’inverse, les îlots de vieillissement de la forêt sont le refuge d’une biodiversité qui se développe dans l’écorce morte, le bois mort au sol ou encore les cavités des branches vieillissantes.
Le coin préféré du forestier : l’îlot de vieillissement du Pilier
Dès que je suis en forêt, je me sens bien, mais c’est ici que je me sens le mieux ! Éloigné des routes, abrité par les arbres, on entend parfaitement le chant des oiseaux. Les chênes qui approchent les 200 ans sont plus grands ici et leur feuillage dense donne un éclairage tamisé. On dit d’ailleurs que dans une forêt qui est arrivée à maturité, la lumière n’atteint presque plus le sol.
Parcelles de forêt, morceaux d’Histoire
S’il est tentant de lever les yeux au ciel, cette forêt invite aussi à regarder les trésors d’Histoire enfouis sous ses pieds. Seule forêt domaniale de Loire-Atlantique, le Gâvre a depuis toujours occupé une position stratégique et un rôle social déterminant. Aujourd’hui lieu de production de bois et de promenade, cette forêt a abrité par le passé des activités très diverses.
Au nord du massif, un alignement de 120 mégalithes sur un kilomètre – l’alignement du Pilier- est le témoin d’une occupation à l’époque néolithique. Un saut dans le temps et l’on trouve sur le sentier des Ferrières des "scories", un mélange de roche calcinée et de pierre fondue, vestiges de l’exploitation des minerais de fer à l’époque celtique.
Autre parcelle de forêt, autre morceau d’Histoire : les thermes romains de Curun sur l’ancienne voie gallo-romaine qui reliait Rennes à Nantes rappellent l’importance du carrefour de Blain pendant l’Empire romain. Enfin, accessibles depuis le rond-point de la Belle Étoile, les quais de chargement de munitions utilisés pendant la Seconde Guerre mondiale sont aujourd’hui un refuge de valeur pour les chauves-souris...
Les quais militaires : un habitat idéal pour les chauves-souris
Grand Rhinolophe, Grand Murin, Murin de Bechstein, ou encore Barbastelle sont quelques exemples des 19 espèces de chauves-souris qui trouvent refuge dans les caissons de dépôt de munitions utilisés pendant la Seconde Guerre mondiale. Grâce à ces bâtiments humains, la forêt domaniale du Gâvre abrite près de trois-quarts des espèces de chauves-souris du Pays de la Loire. Pour préserver cette présence exceptionnelle, ces blocs de bétons de 10 mètres de long sur 20 de large sont entretenus par l’ONF et surveillés de près par le réseau "Mammifères" de l'ONF et les associations naturalistes locales.
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Des balades connectées pour découvrir la forêt
Chasse aux trésors, vidéos et randonnées commentées : l’application "ONF Découvertes" vous emmène à la recherche du patrimoine naturel et culturel de la forêt à travers plusieurs balades connectées.
- Sentier des Chêtelons : patrimoine, gestion forestière, faune et flore... toutes ces facettes de la forêt sont abordées par cette balade connectée de 3 kilomètres. Après un passage parmi les arbres de 220 ans de l’îlot de vieillissement et la légendaire fontaine Pétaud, vous découvrirez l’ancienne voie ferrée qui reliait Hendaye à Saint-Malo et les vestiges de la gare de La Maillardais qui permettait le transport de passagers et les produits de la forêt ! Départ : Parking de l’Arboretum de la Magdeleine.
- L’arboretum de la Magdeleine : l’application propose une heure de jeu de piste interactif pour découvrir l’arboretum de la Magdeleine et le verger conservatoire. Pins turques, érables du Canada, sapins espagnols mais aussi pommiers et poiriers disparus... plusieurs centaines d’essences sont conservées dans cet espace qui permet d’introduire des fleurs dans la forêt et les espèces qui leur sont associées ! Départ : Parking de l’Arboretum de la Magdelaine.
- Panorama d’une mare forestière
Visite interactive d’une mare forestière sous la forme d’une photo 360° pour identifier les principales espèces présentes dans ce milieu naturel essentiel à la biodiversité forestière... Un ponton a été aménagé par les forestiers de l’ONF pour permettre à tous de survoler la mare et de l’observer au plus près. Lieu : Mare au bout de l’Allée forestière de la Roberdais, en lisière de forêt. Durée 20 min sur site. En partenariat avec Ikea Foundation.