Feu de forêt de La Teste-de-Buch : deux ans après l’incendie, les forestiers restent fortement mobilisés
2024 : les forestiers toujours mobilisés
La continuité des inventaires scientifiques
Depuis l'incendie, la Société Linnéenne de Bordeaux, notamment sa section mycologie, poursuit activement ses inventaires pour étudier la biodiversité post-incendie. En collaboration avec un lichénologue, des prospections sont régulièrement menées pour mieux comprendre les changements écologiques. Parallèlement, le laboratoire d’entomologie forestière a conclu la troisième saison de piégeage des insectes saproxyliques, fournissant des données précieuses sur ces espèces qui jouent un rôle crucial dans l’écosystème forestier.
Renforcement du partenariat avec l'INRAE
Le partenariat avec l'INRAE s'est non seulement maintenu, mais a aussi pris de l'ampleur cette année. En collaboration avec Hervé Jactel, directeur de recherches, six sites ont été choisis pour l’implantation de pièges à phéromones, de sondes de température (air et sol) et de pièges à émergence (pour suivre les niveaux de population des scolytes). Ces dispositifs visent à mieux comprendre le cycle de vie du scolyte sténographe et à identifier les températures critiques pour leur activité.
Surveillance sanitaire accrue et gestion des scolytes
Des actions de veille sanitaire ont été renforcées pour lutter contre la menace des scolytes, ces insectes ravageurs qui profitent de la vulnérabilité des arbres stressés par le feu. Une repasse sanitaire a eu lieu l’automne dernier, avec une coupe sanitaire de 8 000 m³ de bois, suivie d'une deuxième intervention ce printemps pour retirer 1 020 m³ supplémentaires. Cette dernière opération s'est déroulée à un moment stratégique, avant l’envol de la deuxième génération de scolytes, permettant de réduire significativement leur population avant qu’ils n’infestent d’autres pins. Cette surveillance est complétée par un suivi des pièges à phéromones mis en place par Adrien Faller Ponchard, forestier correspondant observateur à l'ONF.
Amélioration des infrastructures forestières
En 2024, les actions principales en matière de travaux post-incendie ont porté sur :
- la réfection des voiries fragilisées par le passage des engins et camions ;
- le confortement des places de stationnement en plaquettes forestières issues des bois brûlés ;
- la finalisation du guidage (plots et ganivelles).
Des travaux de réfection ont également été réalisés pour améliorer et sécuriser les routes forestières, essentielles pour la gestion et l’évacuation des bois de la forêt. Près de six kilomètres de routes ont été reprofilés et rechargés en calcaire, un projet financé à hauteur de plus de 200 000 € par la DFCI Aquitaine. Une nouvelle portion de route a également été créée pour desservir un forage, et des zones ont été élargies pour faciliter la circulation des camions.
Régénération naturelle et suivi de la biodiversité
Un vaste travail d’inventaire de la régénération naturelle a été entrepris avec près de 3 000 points de relevé sur un maillage de 30 m x 30 m. Les premiers résultats montrent une régénération inégale, avec des semis viables encore trop jeunes pour permettre une évaluation précise. Ce suivi est essentiel pour ajuster les stratégies de reconstitution de la forêt.
Juillet 2022, pire incendie de l'histoire de la Gironde
Le 12 juillet 2022, en milieu d'après-midi, un premier feu est déclaré dans le secteur de La Teste-de-Buch. Quelques heures plus tard, deux autres démarrent sur la commune de Landiras. La combinaison de l'absence de précipitations et de conditions météorologiques défavorables (vents tourbillonnants, chaleur extrême) rend l'incendie rapidement incontrôlable.
Au prix de moyens colossaux et d'efforts hors norme de la part des pompiers et des équipes DFCI de l'ONF, l'incendie est finalement maîtrisé début août.
Qualifié de pire incendie de l'histoire de la Gironde après celui de l'été 1949 qui a fait 82 victimes et ravagé 50 000 ha, l'incendie de 2022 aura dévasté des lieux emblématiques de la commune de La Teste-de-Buch notamment les campings et les plages de la Salie, la Lagune ou le Petit-Nice.
- 5 800 ha de forêt brûlée à La Teste-de-Buch dont 1 028 ha de forêt domaniale ;
- 3 sites "plans-plages" touchés : le Petit-Nice, la Lagune et la Salie qui accueillaient avant l'incendie 800 000 visiteurs ;
- 100 ha de dune impactés ;
- 1,5 M € de dégâts estimés sur les équipements (stationnements, ganivelles, caillebotis, panneaux d’information...).
Le saviez-vous ?
Il existe 3 niveaux d'indice de sévérité qui permettent de qualifier l'état des forêts après un incendie.
Concernant l'incendie de La Teste-de-Buch, sur les 1 028 ha de forêt domaniale brûlés :
- Totalement brûlés
29,13% - Bois parcourus par les flammes
28,80% - Bois parcourus plus légèrement par l’incendie
42,08%
2023 : un an après, l'ONF dresse le bilan
Les travaux de remise en état
Les équipes de l'agence travaux ONF ont œuvré à la remise en état des sites afin de permettre un retour en sécurité des visiteurs.
En deux mois, ils ont réalisé des chiffres records compte-tenu des délais :
- plus de 8km de ganivelles posées ;
- 3500 poteaux aux abords des routes ;
- 7500 pieux pour marquer les emplacements de parking ;
- 3 espaces vélos créés.
Les anciens pieux brûlés ont été soit évacués soit recyclés lorsque cela été possible. Ce sont ainsi 8 ouvriers forestiers qui ont été mobilisés pendant plus d’un mois dans cette mission cruciale de remise en état avant la saison estivale.
Les travaux en chiffres
de travaux de création de zone d’appui sous commandement du SDIS
mobilisés sur la période
exploités en moins de 6 mois
Une exploitation rapide des bois
Suite aux incendies de l’été 2022, ce sont 80 000 m3 de bois qui ont été exploités dans l’urgence. Ces bois ont ensuite été vendus à des acheteurs locaux :
- 85% en Nouvelle-Aquitaine ;
- 15% dans les départements limitrophes.
Et ont été valorisés de la façon suivante :
- 45% de bois d’industrie (panneaux de particules, papier et chimie verte) ;
- 25% de bois de caissage (emballages) ;
- 20% de canter (palettes) ;
- 10% de bois de qualité (parquet, lambris, charpente).
80 000 m3 de bois, c'est colossal ! C’est l’équivalent d’une pile de bois de 5 mètres de haut et de 2 mètres de large s’allongeant sur 12 km de long. C’est aussi l’équivalent d’un flux continu de 12 camions de bois par jour pendant 180 jours.
La menace scolytes
Le feu a non seulement altéré le paysage mais a également bouleversé la santé des arbres en les soumettant à un stress très important. Fragilisés, ils sont désormais sensibles aux attaques parasitaires et peuvent devenir des foyers potentiels de contagion de la partie épargnée par les flammes.
Le stress intense provoqué par l’incendie diminue les capacités de réaction des arbres aux agressions des parasites. Aussi, peu de temps après un feu, il est classique d’observer des attaques d’insectes comme les scolytes. Ce sont de petits coléoptères qui font partie des principaux ravageurs des forêts résineuses. Ils se développent sous les écorces entravant la circulation de la sève et entraînant la mort de l’arbre en quelques semaines. L'ONF assure une veille sanitaire afin de pouvoir réagir face à ces attaques.
Les conditions climatiques de l'automne/hiver qui a suivi avec des températures très douces jusqu’à mi-novembre, peu de pluie et un redoux des températures à la mi-février ont accéléré le développement de ce parasite. Une apparition des attaques anormalement précoce a été observée par les forestiers dès la mi-février.
Depuis l’incendie, nous suivons l’évolution naturelle de la forêt tout en sachant que la situation sanitaire reste préoccupante. Des premiers semis de pins sont apparus, cela semble donc démarrer normalement, mais nous surveillons avec une grande attention le renouvellement des peuplements
Des actions de veille sanitaire
Trois types d'actions ont été mis en place par l'ONF pour assurer une veille sanitaire.
1. L’installation de pièges à phéromones en forêt jusqu’à fin 2023
Objectif : surveiller l’envol des scolytes et détecter les phases de pic de propagation. Ces pièges sont installés au sein des îlots préservés et en zone incendiée.
2. La mise en place d’un circuit de détection terrain
Objectif : permettre une détection précoce des attaques afin de lancer à temps les exploitations sanitaires pour enrayer, ou du moins limiter la colonisation.
3. La télédétection satellite
Objectif : détecter les foyers et agir rapidement en lançant le protocole terrain. Après traitement, les images du satellite Sentinelle 2 permettent de voir la réponse chlorophyllienne des peuplements; autrement dit, d'observer les zones laissant apercevoir des dépérissements d’arbres.
Des inventaires pour étudier la biodiversité post-incendie
Les équipes de l'ONF ont effectué différents inventaires naturalistes afin d’étudier la biodiversité post-incendie. Un suivi ornithologique a confirmé sans surprise, étant donné le traumatisme subi sur cette zone, la pauvreté des cortèges d’oiseaux. Au niveau du SPOT (Sécurité-Prévention-Océan-Tourisme) de la Salie où un îlot de pins maritimes a été préservé, on souligne une diversité notable composée de Mésange huppée, Grimpereau des jardins et Roitelet à triple bandeau. Même le couple de Faucon hobereau du secteur est de retour !
Côté dune, deux oiseaux nicheurs ont été observés : le Pipit rousseline, sur une portion avec protocole de Suivi Temporel des Oiseaux Commun et le Gravelot à collier interrompu, espèce emblématique et protégée, nicheur sur l’estran. Egalement, de nombreuses traces de Lézard ocellé on été observées par Paul Tourneur, chef de projet biodiversité à l'ONF.
Des moyens renforcés pour l’ONF
Dans le cadre de l’extension des missions d’intérêt général de la DFCI portée par le ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, l’ONF se voit attribuer des moyens supplémentaires en Gironde :
- recrutement de 2 experts DFCI à Bruges et 1 coordonnateur zonal pour la Nouvelle-Aquitaine associé à un expert de l’agence DFCI ONF ;
- mise en place de 2 patrouilles de première surveillance et d’intervention localisées à Hourtin et au Temple. Ces patrouilles de deux ouvriers forestiers, équipées chacune d’un véhicule 4 x 4 doté d’une cuve de 600 litres, ont pour mission de détecter et d’intervenir sur les feux naissants pour en limiter la propagation avant l’arrivée des moyens du SDIS ;
- recrutement de 3 techniciens de terrain dont 2 répartis sur Hourtin et Le Temple. Le sud du département sera pris en charge par un technicien supplémentaire localisé à Biscarrosse. Les missions de ces techniciens seront : l’information du public, la surveillance, la dissuasion et l’alerte. Ils seront également chargés de l’expertise de l’état de la végétation.
L’année 2023 constitue une année de mise en route du dispositif grâce d'importants efforts de formation, d’intégration au contexte local et de prise en compte des caractéristiques techniques de la région.
Focus : les différentes étapes pour reconstituer la forêt
Après un incendie, plusieurs phases vont se succéder. Ce n’est seulement qu’après 2 à 4 ans que certaines parcelles seront replantées. La volonté de l’ONF est de conserver tous les arbres vivants avec une attention particulière liée à la sécurité des axes de communication et d’accueil du public.
Partout où cela est possible, l'ONF favorise la régénération naturelle, c’est-à-dire faire en sorte que la forêt se renouvelle d’elle-même grâce aux graines présentes naturellement dans les cônes de pins. Ce mode de régénération est pratiqué dans toutes les forêts littorales. Toutefois, une attention toute particulière est portée aux arbres qui ne survivront pas et qui peuvent être une porte d’entrée pour les insectes xylophages.
La reconstitution de la forêt est un enjeu crucial. Quatre étapes principales vont se succéder :
1. Sécuriser la forêt afin de limiter les risques induits par la disparition de la végétation (chutes de blocs, érosion...) et de permettre aux activités en forêt de reprendre sans danger ;
2. Diagnostiquer chaque parcelle pour estimer le niveau de destruction des arbres, évaluer les volumes de bois à enlever et identifier les zones où les conditions sont réunies pour une régénération naturelle (nature du peuplement incendié, nombre d’arbres vigoureux restants, état du sol...) ;
3. Surveiller l’état sanitaire de la forêt : les parasites vont profiter du stress des arbres causé par l’incendie pour se développer. Les arbres les moins résistants ne pourront pas lutter naturellement contre l’envahisseur. Le forestier doit surveiller et agir pour éviter l’attaque des parasites sur les zones épargnées par l’incendie ;
4. Reconstruire la forêt : cette dernière étape du processus a lieu entre 2 à 4 ans après l’incendie. Le forestier aidera la forêt à renaître soit en favorisant la régénération naturelle, soit avec des plantations dans les zones où la forêt n’a pu reprendre ses droits.