Le Geai des chênes, un allié pour la régénération de la forêt menacée par le changement climatique

Avec le changement climatique, les essences d’arbres sont amenées à s’adapter. Parfois, certaines espèces ont besoin d’un petit coup de pouce pour y parvenir. En Isère, des tables à fruits sont expérimentées pour favoriser naturellement, avec l'aide des oiseaux, la migration du chêne.

Avec la hausse des températures et l’irrégularité des précipitations, certaines espèces forestières ne vont bientôt plus être à leur place dans leur écosystème habituel. « D’après les prévisions, le climat de la région devrait remonter de 600 à 800 mètres d'altitude d'ici la fin du siècle. Par exemple, le climat que l'on connaît aujourd'hui à 1 000 mètres d'altitude, on le retrouvera à 1600, 1800 mètres », explique Henri Moulin, animateur sylvicole à l'agence ONF d'Isère. Face à cette menace, le chêne ne parvient pas à remonter aussi rapidement en altitude à cause de ses graines trop lourdes. C’est à ce moment-là qu’entrent en jeu le Geai des chênes et les tables à fruits !

« Expérimentées en Allemagne, je me suis dit que les tables à fruits étaient aussi utilisables en montagne pour faire de la migration assistée du chêne, dans le but de le remonter en altitude », précise Henri, à l'initiative de cette expérimentation en Isère. Six tables ont donc été installées en automne 2022 dans les forêts iséroises. En 2023, 12 autres tables ont été ajoutées. La Grande Chartreuse, les Chambaran, l’Oisans, le Boutat… Toutes ces forêts domaniales en sont aujourd’hui équipées. 

Table à fruits en forêt domaniale de Grande Chartreuse, sur la Rocharey
Table à fruits en forêt domaniale de Grande Chartreuse, sur la Rocharey - ©Henri MOULIN / ONF

Mais concrètement, comment ça marche ?

Jules Méallier, ouvrier forestier en forêt domaniale des Coulmes, vient régulièrement alimenter les tables à fruits installées dans cette forêt. - ©Henri MOULIN / ONF

Une table à fruits est une sorte de table en bois sur laquelle sont disposés des glands, des châtaignes et des noix. Le Geai des chênes, qui s’alimente majoritairement de ces trois fruits, emporte avec lui ces graines qu’il cache dans le sol, à différentes altitudes, en guise de provision pour l’hiver. Intelligent, il s’assure de ne disperser que des glands sains, propices à la pousse de nouveaux arbres. Il lui arrive parfois de ne plus se souvenir où il les a dissimulés. C'est ainsi qu'il participe, malgré lui, à la régénération naturelle du chêne.

L'oiseau, assez craintif, doit se sentir en sécurité pour venir picorer sur les tables. Celles-ci doivent donc être installées dans un espace forestier ni trop ouvert, ni trop fermé. Les ouvriers de l’ONF viennent ensuite recharger régulièrement les tables en fruits. « Parfois, on réapprovisionne tous les 10 jours, parfois plus. Ça dépend vraiment des sites. »

Pour vérifier si ce dispositif fonctionne correctement en Isère, plusieurs pièges-photo ont été installés. « L’opération s’est révélée être un véritable succès », constate Henri. « A l’exception d’une seule table en Grande Chartreuse, installée dans un endroit au peuplement forestier trop fermé, toutes les autres fonctionnent bien. » En forêt domaniale du Boutat, les premiers semis de chêne ont déjà été observés, preuve que le dispositif est concluant ! 

Les Geais des chênes ne sont pas les seuls à profiter de ces tables à fruits. Il n'est pas rare que les chouettes hulottes et les hiboux petit duc  s'y installent pour chasser les rongeurs qui viennent récupérer les glands tombés de la table !

Le Geai des chênes en action

©Images capturées au piège-photo en forêt domaniale de l'Oisans / ONF

L’objectif de ces prochaines années est d’installer d’autres tables en forêt domaniale mais également d’étendre le dispositif aux forêts communales de la région.