Réserve biologique dirigée de la Castellane
Située à l’extrême nord-est des Bouches-du-Rhône, aux confins des départements du Var, du Vaucluse et des Alpes-de-Haute-Provence, la réserve biologique dirigée de la Castellane se trouve en bordure de la vallée de la Durance, à son confluent avec le Verdon. Le climat du massif associe des influences méditerranéennes et montagnardes.
La réserve est en deux parties :
- une zone nord, entre la Durance et la RD 102, d'une surface d'environ 190 ha, constituée d'une mosaïque très particulière de milieux boisés et de milieux ouverts, en partie protégée par un enclos de 165 ha qui est lié à l'historique particulier de la forêt domaniale ;
- une zone sud, plus vallonnée et dominée par des boisements de chêne pubescent et de chêne vert plus typique.
La RBD de la Castellane est située au cœur du site Natura 2000 "La Durance" qui a le double titre de ZPS et de ZSC. La partie nord de la réserve fait partie d'une ZNIEFF de type 2 et de la ZNIEFF de type 1 "Confluence Durance-Verdon - Retenue de Cadarache - Sept Lacs de Beaumont".
Histoire
La forêt de Cadarache et le site de la réserve biologique ont eu une histoire tumultueuse et à laquelle la richesse de la RBD est en grande partie liée.
L’origine de la forêt est très ancienne. Le domaine de Cadarache aurait été fondé au Xe siècle par les moines de Saint-Victor de Marseille. Au XIIe siècle, les templiers bâtissent le château qui existe encore de nos jours près de la forêt domaniale. Le domaine passe de mains en mains au cours des siècles suivants, finalement acquise par l'Etat en 1919 (ce qui est tardif pour une forêt domaniale). Jusque là, la gestion avait associé activités agricoles et sylvicoles, avec notamment du traitement en taillis sous futaie pour alimenter une verrerie. Après attribution de la gestion à l'administration des Eaux et Forêts, un parc d'élevage de gibier est créé en 1930 (l'actuelle zone encore enclose) puis la forêt reçoit son premier document d'aménagement en 1939.
En 1934, le parc accueille trois mouflons originaires de Bavella (Corse). Ils devaient être offerts au roi Alexandre Ier de Yougoslavie lors de sa visite en France mais le roi fut assassiné à Marseille et les animaux placés à Cadarache. Pendant des décennies, le parc servit à l'élevage en vue de lâchers de mouflons partout en France, et pendant ce temps ces ongulés contribuèrent à l'entretien d'un très original paysage de milieux semi-ouverts mêlés de chênes. Sur l'ensemble de la réserve, une centaine d’hectares des boisements ont presque 100 ans et, surtout, les plus vieux chênes auraient plus de 400 ans. Ces arbres constituent de véritables réservoirs de biodiversité, après avoir été conservés au fil des siècles par les agriculteurs puis les forestiers qui se sont succédé pour gérer le domaine.
Géologie - Pédologie
La partie nord de la réserve repose majoritairement sur des alluvions anciennes de la Durance, carbonatées, avec aussi quelques affleurements calcaires. Le substrat de la partie sud est composé principalement de calcaires et marno-calcaires du Berriasien et de l'Hauterivien (Crétacé inférieur), et de poudingues et marnes du Pliocène.
Les sols issus de ces matériaux majoritairement calcaires sont souvent superficiels, caillouteux et à faible réserve en eau, à l'exception des sols sur alluvions récentes des bords de la Durance.
L'altitude de la partie nord de la réserve varie de 255 m à 305 m sur la plus haute terrasse ; la partie sud, plus vallonnée, va de 320 m à 430 m.
Milieux naturels
La RBD de la Castellane se distingue par une situation, très rare dans la vallée de la Durance (ici à sa confluence avec le Verdon), de continuité depuis la rivière jusqu'aux chênaies sur la haute terrasse ancienne, sans interruption par aucune infrastructure (route, canal, voie ferrée).
La réserve se trouve aussi à la limite entre l’étage mésoméditerranéen et l'étage supraméditerranéen, où dominent respectivement la chênaie verte et la chênaie pubescente.
Elle abrite une grande diversité d'habitats naturels, avec la particularité de l'imbrication très fine des espaces ouverts et des espaces boisés, issue de l'historique agro-sylvicole manifesté aussi par la présence de très vieux chênes remarquables.
Ainsi, les habitats naturels de la réserve sont de trois grands types :
- les forêts dites "zonales" (forêt méditerranéennes typiques et dominantes) : chênaies vertes (CB : 45.3), chênaies pubescentes (41.711), ou mélangées, avec des peuplements à divers stades d’évolution, depuis de jeunes taillis jusqu’aux futaies sur souches âgées et aux très vieux arbres ;
- les milieux ouverts, incluant des pelouses rases sur calcaire (CB : 34.511 – N2000 : 6220*) et des habitats de "steppe méditerranéenne" (34.6, 34.72), rares voire endémique de la région ;
- les milieux humides liés à la proximité du Verdon : ripisylves méditerranéennes (44.612 – 92AO-6), qui se distinguent par leur maturité, prairies humides, milieux aquatiques.
Flore et fonge
La RBD de la Castellane est riche d'une grande diversité floristique. Les espèces les plus remarquables sont liées aux milieux ouverts (des prairies humides aux pelouses sèches) ou aux bois clairièrés : Laîche faux souchet (PR), Zannichellie des marais (PR), Gagée de Granatelli (PN), Ophrys de la Drôme (PN), Fraxinelle (PR), Fritillaire à involucre (PR), Ophrys de Provence (PR).
Un inventaire des champignons de la chênaie a mis en évidence plusieurs espèces lignicoles remarquables. Ce cortège bénéficie de la maturité des peuplements forestiers.
Faune
La diversité d'habitats et de micro habitats (arbres à cavités...) de la RBD de la Castellane est particulièrement favorable à une faune patrimoniale elle-même très diversifiée.
Grâce aux vieux arbres et bois morts, la faune de coléoptères saproxyliques est exceptionnelle par sa richesse, avec plus de 50 espèces patrimoniales : parmi les plus remarquables, le Pique prune Osmoderma eremita (PN, DH2), Ampedus cardinalis, Brachygonus ruficeps, Prionychus ater, Tenebrio opacus, Nematodes filum, Pityophagus quercus.
Les pelouses et prairies et les boisements ouverts sont riches en lépidoptères rhopalocères, avec 4 espèces protégées : la Diane, la Proserpine, l'Ecaille cendrée, la Zygène cendré ; riches également en orthoptères, dont le Criquet hérisson et la Magicienne dentelée (protégés).
L'importance des écotones contribue à la richesse en reptiles (11 espèces) et en amphibiens, dont les plus remarquables sont le Lézard ocellé et le Pélodyte ponctué.
La diversité en espèces d'oiseaux remarquables est également à la mesure de la celle des habitats. Inscrites à l'annexe 1 de la directive Oiseaux, nicheuses ou de passage pour s'alimenter, on trouve des espèces forestières : Pic noir, Circaète Jean-le-Blanc, Bondrée apivore ; des espèces de milieux ouverts : Alouette lulu , Fauvette pitchou ; des espèces de milieux humides : Butor étoilé, Crabier chevelu.
La réserve est riche en chiroptères, qui y trouvent gîtes (arbres à cavités) et territoires de chasse 5 espèces de chiroptères ont été contactées dont 4 de l'annexe 2 de la directive Habitats : Barbastelle d'Europe, Minioptère de Schreibers, Murin de Capaccini, Petit rhinolophe. Certaines espèces de chiroptères remarquables sont recensées, telles que la Barbastelle d’Europe, le Minioptère de Schreibers, le Murin de Capaccini, et le Petit rhinolophe (PN, DH2 et 4).
Les ongulés sont représentés par le Mouflon de Corse et le Cerf sika (introduits), le chevreuil et le sanglier. A noter également : le Castor d’Europe (PN, DH 2 et 4) et le Campagnol amphibie (PN) dans la ripisylve et les milieux associés, le loup (PN, DH 2 et 4).
Gestion
La conservation de la mosaïque de milieux ouverts et forestiers est au cœur de la gestion de la réserve par l'ONF.
Dans les parties boisées, l'objectif est le développement de la naturalité forestière et de la biodiversité associée. La priorité est donc donnée à la libre évolution, avec de vastes îlots de sénescence (140 ha). Des actions de gestion forestière sont néanmoins menées, avec des éclaircies expérimentales dans les jeunes peuplements pour assurer le renouvellement de la ressource en arbres réservoirs de biodiversité.
Les milieux ouverts sont l'objet d'actions de gestion conservatoire : broyage de la végétation, contrôle des espèces exotiques envahissantes, etc. Le parc à mouflons a été conservé pour que ces animaux contribuent à l'entretien de la mosaïque d'habitats, complété par les interventions mécanisées. En revanche, le recours au pastoralisme a été exclu, pour éviter notamment toute introduction d'intrants pharmaceutiques dans ce milieu qui en est totalement préservé.
Des études sont conduites régulièrement pour compléter les connaissances et suivre la biodiversité extraordinaire de la réserve : avifaune, reptiles, amphibiens, chiroptères, papillons, orthoptères, lichens, champignons et flore.
Depuis 2015, l’ONF a mené plusieurs campagnes de terrain autour de l'enjeu des arbres "bio", en vue de disposer d’une analyse fonctionnelle spatialisée des dendro-microhabitats. Cette démarche innovante est un socle à l’étude des trames de vieux bois en faveur des espèces qui en dépendent. C’est aussi un outil d’aide à la décision pour le gestionnaire (orientation des interventions sur les peuplements, des inventaires naturalistes, etc).
Entre 2019 et 2023, une étude du fonctionnement écologique des "trames vertes et bleues" de la ripisylve du Verdon a été menée dans la RBD dans le cadre d’un partenariat entre l’ONF et l’Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse. Elle a permis d’acquérir de nombreuses connaissances et d’affiner la compréhension des différentes fonctionnalités écologiques et hydrologiques, ainsi que de proposer des préconisations de gestion.
En région méditerranéenne, la défense de la forêt contre les incendies (DFCI) est incontournable et constitue une composante à part entière de la gestion de la réserve. L'entretien des bandes débroussaillées de sécurité (BDS) le long de pistes contribue à la fois à la gestion conservatoire des milieux ouverts et à celle de la trame d'arbres qui y est maintenue.
Un comité consultatif est réuni annuellement pour partager la gestion avec les acteurs locaux : collectivités, associations de protection de la nature, usagers (chasseurs, pêcheurs), propriétaires riverains, EDF... En effet, le bon fonctionnement écologique de la réserve nécessite le maintien des connectivités avec les espaces naturels voisins pour éviter un isolement de son écosystème.
La RBD de la Castellane est accessible au public depuis les pistes forestières et quelques sentiers. Pour la sécurité des visiteurs (à cause des risques de chute de branches) la circulation dans les peuplements n’est pas autorisée, y compris aux piétons. La partie nord, enclose, reste fermée au public pour garantir la quiétude des espèces qui y vivent.