La forêt de Huelgoat, de pierres et de mystères
On monte, on descend. Pas de gros dénivelés mais une forêt doucement vallonnée où les arbres défient parfois les lois de l’équilibre. "Il y a un quart de la forêt qui a plus de 30 % de pente !" nous dit Pascal Gautier, forestier de l'Office national des forêts (ONF) depuis dix ans dans ce massif. On ne s’attendait pas à cela. En même temps, on aurait pu s’en douter : en breton, Huelgoat, veut dire le "Haut Bois".
En cette journée de fin juin 2021, on ne s’attendait pas non plus à trouver du genêt à balais encore fleuri. Sur la côte bretonne ou du côté de Rennes, cela fait un moment que les fleurs jaunes ont tiré le rideau. "On a 15 jours de décalage par rapport au bassin rennais… Ici, il fait plus frais plus longtemps !" précise Pascal. Frais et humide, presque toute l’année. Des conditions idéales pour le développement d’une forêt.
La forêt de Huelgoat en détails
chêne et hêtre surtout puis bouleau, peuplier, châtaignier...
Douglas, Épicéa de Sitka, Sapin de Nordmann, Sapin pectiné, Pin sylvestre et Laricio...
la plus grande surface boisée du Finistère
mètres d'altitude
en zone Natura 2000
en ZNIEFF type 1 et 2
"En quelques kilomètres, on peut sortir d’une lande des Monts d’Arrée qui n’est pas du tout le même paysage et tomber dans cette forêt-là qui est complètement autre chose", continue-t-elle. Autre chose, cela veut dire un paysage tourmenté qui peut parfois rappeler d’autres contrées.
Pascal s’en amuse : "Quelqu’un qui n’est jamais venu à Huelgoat ne s’attend pas à trouver un paysage de montagne, de blocs rocheux, avec une forêt luxuriante d’un vert très prononcé (…). J’ai rencontré des vosgiens qui viennent ici : ils ne s’attendaient pas à trouver un paysage aussi familier !" Cette familiarité, c’est un relief avec, ici et là, des pentes recouvertes de sapins.
C’est aussi des feuillus qui peuplent les vallons. C’est un pot-pourri de feuillus et de résineux, de chênes et de Douglas, de hêtres et d’Epicéas Sitka, de châtaigniers et de Sapins de Nordman. Entre autres.
La monotonie n’existe pas dans cette forêt du fait de la diversité des paysages, de la topographie. On passe de la rivière aux cailloux, d’un espace dégagé à un espace complètement fermé... C’est une découverte et un éblouissement permanent !
Les chaos granitiques, emblème de Huelgoat
Ici, le végétal se confond avec le minéral. La moindre petite plante a su se frayer un chemin entre les cailloux. Les mousses et les fougères tricotent un manteau sur la moindre pierre. Les racines et les rochers sont parfois délicats à dissocier. La nature s’adapte. S’immisce. Se glisse entre les interstices. Il y a comme une harmonie avec cette roche, omniprésente. "Ce sont des sols qui sont plus ou moins profonds, avec des charges de cailloux très très fortes", précise Pascal.
Sous terre, on trouve environ deux tiers de schiste, un tiers de granit. En surface, difficile de rater les chaos granitiques, qui sont aujourd’hui l’emblème du massif. D’où viennent-ils ? Du fin fond de la Terre. Les masses liquides en fusion leur ont tout d’abord donné une forme. Petit à petit, elles sont remontées vers la croûte terrestre et se sont solidifiées. L’érosion a terminé le travail en les découvrant, années après années.
Certaines roches ont roulé, jusqu’à se joindre à d’autres et constituer ces gigantesques amas rocheux que l’on trouve un peu partout dans le massif : au fil de l’eau, au bord d’un chemin ou au milieu d’une parcelle. Les plus connus se trouvent le long de la Rivière d’Argent. Ils en accentuent les méandres et forment parfois des cavités dans lesquelles se jettent de mini-cascades.
Que ce soit la Mare aux Fées, le Gouffre ou le Ménage de la Vierge (pour ne citer que les plus connus), en longeant la rivière, impossible de les rater. Le circuit-découverte au départ du centre d’Huelgoat est aussi un itinéraire imparable pour faire le plein de légendes et de rochers.
Le saviez-vous ?
La légende dit que le chaos rocheux est l’ouvrage de Gargantua. De passage dans la région, le géant demanda l’hospitalité aux habitants de la forêt. On ne lui servit qu’une simple bouillie de blé noir, ce qui déclencha une grande colère. Il partit vers le Léon et, sur sa route, jeta tous les rochers qu’il trouva en direction de la forêt jusqu’à former un énorme chaos rocheux...
Un massif forestier chargé d'histoire
De ces amoncellements, on s’attendrait presque à voir surgir des êtres tout droit sortis des légendes bretonnes. Il n’y a qu’à voir les noms des sites alentour pour s’en convaincre : la Grotte du diable, le Ménage de la Vierge, la Mare aux fées, le Gouffre,… Le Roi Arthur, le diable et la Vierge ne sont jamais très loin.
L’été, ces légendes et curiosités attirent plus de 2 000 visiteurs par jour. Huelgoat est un passif chargé d’histoires. Et d’Histoire. Le Camp d’Artus en est un des principaux témoins. Juste à son entrée, la motte féodale datant du Moyen-Age en est aussi un. A voir, pour se faire une idée de la vie des peuples qui sont passés par là, bien avant nous…
Connaissez-vous le camp d'Artus ? Au nord du massif, on peut encore deviner les traces de cette ancienne ville fortifiée du IIe siècle avant J.C., bâtie par la tribu celte des Osismes. Cerclé par des enceintes de terre et de poutres, l’oppidum s’étendait sur une trentaine d’hectares. Aujourd’hui, on distingue parfaitement les buttes qui l’entourent, récemment dégagées. Le site reprend doucement son allure d’antan.
L’Histoire se voit aussi à travers les traces laissées par la mine de Locmaria-Berrien, au sud-est d’Huelgoat, qui exploitait un filon de plomb argentifère connu depuis l’Antiquité. Afin d’actionner les machines hydrauliques, des canaux furent construits pour acheminer l’eau. L’un d’eux est toujours à flot et traverse la forêt.
Entre 1750 à 1866, alors que l’activité minière était à son apogée, on ne produisait pas loin de 650 tonnes de minerai par an. Tout a cessé en 1934. Depuis, les chauves-souris comme le Grand Murin et la Barbastrelle ont investi les galeries désaffectées.
L'histoire du massif en quelques dates
Avant 1789, la forêt royale est administrée par la Maîtrise des Eaux et Forêts de Carhaix. Après la Révolution française, elle devient domaine de l’État. Plusieurs centaines d’hectares sont alors cédés à la Compagnie des Mines de Basse Bretagne, qui exploite massivement le massif. A partir du XIXe siècle, on procède régulièrement à des reboisements et introductions, notamment de résineux. Les hectares cédés par le passé réintègrent le domaine privé de l’État en 1951 et l’ONF commence à gérer le site à partir de 1966, date de sa création.
Quand la forêt reprend sa place
L'épisode minier a en partie façonné le massif, qui a connu divers aspects et superficies. "Aujourd’hui, on a un paysage très marqué par ce qui a été fait" confirme Pascal Gautier. La forêt a été sur-exploitée aux XVIIIe et XIXe siècles pour les besoins de la mine. "Pendant 150 ans, tous les 20 ans, tout était rasé. Il ne reste pas grand-chose dans le sol, aujourd’hui les arbres ont presque tous moins de 80 ans".
La reconquête de la forêt commence vers la fin du XIXe siècle. Le Sapin pectiné et le Pin sylvestre font leur apparition. Après la Seconde Guerre mondiale, il faut du bois pour la construction. Qui pousse vite. Des essences nord-américaines de résineux sont alors plantées : Douglas, Epicéa Sitka, Sapin Nordman, Sapin de Vancouver...
En octobre 1987, un ouragan sévit sur le nord-ouest de la France. La forêt, encore jeune, ne résiste pas : plus 300 hectares sont touchés. Puis tout repart. Les forestiers de l’ONF y ont grandement contribué. Ils jouent entre essences locales et introduites et maintiennent constamment un équilibre où chacune trouve sa place. Cela peut se faire par des coupes qui permettent d’apporter de la lumière à une parcelle et favoriser la croissance de certains spécimens.
Mais cela passe aussi par la présence d’un îlot de sénescence, où les bois ne sont plus exploités. Ici, pas de coupe, pas de travaux (sauf pour la sécurité du public). Dans cette zone, le bois âgé ou mort sert d’habitat ou de déjeuner à la biodiversité.
Il faut aussi dire que l’atmosphère humide et constante de la forêt d’Huelgoat est une aubaine pour les végétaux et les animaux, qui s’épanouissent dans ce massif... A commencer par les cèpes, pieds de mouton et autres chanterelles en tube. Mais aussi par la Loutre d’Europe, qui s’amuse à laisser des traces de ses repas sur les rochers des cours d’eau. Ou bien l’Escargot de Quimper et le Carabe à reflets d’or, espèces protégées qui trouvent dans cette forêt de quoi faire un festin quotidien.
Tout comme les oiseaux qui aiment nicher dans le coin : Bondrée apivore, Faucon hobereau, Épervier d’Europe, Pics, Autour des palombes... Le Blaireau est un grand habitué des lieux, le Chevreuil passe souvent dans le coin, le Sanglier et le Cerf beaucoup moins. Les fougères, elles, abondent. La Grande Luzule aussi. Très présente par rapport au reste du grand Ouest, elle prend facilement le dessus dans les sous-bois granitiques. Mais ce qui domine dans ce massif, c’est cette part de mystère. Cette impression d’être dans un autre monde...
A voir absolument...
Une foule de sites sont à visiter dans et autour de la forêt domanial ! Pêle-mêle, dans la forêt : le Camp d’Artus, la Grotte d’Artus (un menhir se trouve également à quelques mètres), la Mare aux sangliers, le Gouffre, la Mare aux fées, le Pont rouge, La Roche Cintrée et plusieurs stèles. Hors la forêt : le Ménage de la Vierge, l’ancienne mine, le Théâtre de Verdure et la célèbre Roche Tremblante, une pierre de plus de 100 tonnes qui peut osciller légèrement... à condition d’appuyer pile au bon endroit ! Une carte touristique recense toutes ces curiosités.
Plus d’infos : consultez l'Office du tourisme des Monts d'Arrée.
Les sentiers à parcourir
Vous êtes sportive ou sportif ? Il y a aussi de quoi faire ! Consultez la carte touristique de la forêt et des sentiers, disponible auprès de l’Office de Tourisme des Monts d’Arrée.
- Plus de 30 kilomètres de sentiers pédestres : GR®380 (Tour des Monts d’Arrée) et GR®37 (Vitré- Douarnenez), circuit découverte (8,9 km), chemins de Promenade et Randonnée, ainsi que plusieurs petits sentiers balisés ;
- Le circuit historique "Kreizhy Archeo" d'une longueur de 6 km, au départ du parking de l’Arquellen ;
- Quelques circuits VTT sillonnent la forêt.
Infos pratiques
- Accès
De Carhaix-Plouguer (D764) ou Morlaix (D769), prendre la direction de Huelgoat.
- Principaux parkings
Huelgoat (centre-ville), L’Arquellen, Le Gouffre, La Roche Cintrée.
- Sorties nature
Nombreuses sorties guidées pendant la saison d’été. Renseignez-vous auprès de l'office du tourisme.