©Nathalie Petrel / ONF

Une mission d’intérêt général Biodiversité et Paysage pour préserver la richesse écologique des forêts

Depuis 2012, les ministères en charge de la biodiversité ont confié à l'ONF une mission d'intérêt général : celle de renforcer et de compléter la prise en compte de la biodiversité et des paysages forestiers dans la gestion multifonctionnelle prévue par le régime forestier.

La protection de la biodiversité fait partie des missions phares des forestières et des forestiers de l'ONF depuis sa création en 1966. Dans leurs actions courantes de gestion durable des forêts, les équipes interviennent en veillant à conserver et à renforcer les milieux et les espèces. Cela se traduit notamment par l’aménagement de zones de quiétude pour certaines espèces remarquables, avec la délimitation de zones d’interdiction de travaux forestiers (comme pour la cigogne noire par exemple), et la conservation, lors des opérations de martelage, d’arbres morts et à cavités, essentiels au maintien de la biodiversité et habitats de nombreux insectes, oiseaux ou chauves-souris.

Une attention accrue est également portée à la préservation des sols et des cours d’eau grâce à l’abandon de l'utilisation de produits phytosanitaires en forêt, au respect des cloisonnements par les exploitants et le développement de techniques vertueuses de débardage par câble (transport des bois une fois coupés), ou encore à la restauration de l’équilibre forêt-ongulés. Pour aller plus loin, et parce que les forêts constituent un réservoir précieux de biodiversité, une mission d'intérêt général (MIG) vient compléter et renforcer, depuis 2012 les actions de l’ONF. La MIG appelée aujourd’hui « Biodiversité et Paysage » est financée par le ministère de la Transition écologique, de la Biodiversité, de la Forêt, de la Mer et de la Pêche.

Un soutien de l'Etat qui a progressé depuis 2021

Jusqu’en 2020, le financement de la mission d'intérêt général s’élevait à 2,4 millions d’euros par an. Elle visait notamment à soutenir les actions des plans de gestion des réserves biologiques et des Plans nationaux d’action (PNA) en faveur des espèces menacées. Face à la prégnance des enjeux environnementaux et climatiques, et à la qualité et l’expertise reconnue des équipes ONF, ce soutien du ministère s’est depuis considérablement accru, passant de 2,5 M€ en 2020 à 17,65 M€ en 2025.

Un renforcement budgétaire qui permet à l’ONF de mettre en place des actions s’inscrivant directement dans le cadre des stratégies portées par l’État, notamment la Stratégie nationale biodiversité visant à enrayer la perte de biodiversité et à préserver la diversité des écosystèmes. « L’adaptation au changement climatique de nos forêts, la préservation de la biodiversité, du paysage en forêt et l’amélioration de la résilience des écosystèmes forestiers sont des enjeux essentiels, interconnectés. Ils sont complémentaires et indissociables de l’enjeu du développement de la filière bois, car notre société aura besoin de bois. La stratégie d’adaptation et de renouvellement des forêts doit prendre en compte la totalité des services attendus de nos forêts », rappelle le ministère dans sa note de cadrage relative à l’application par l’ONF de cette mission d’intérêt général.

Pour les forêts hexagonales et en outre-mer, les enveloppes les plus conséquentes accompagnent le développement des réserves biologiques, l'animation des plans nationaux d’actions pour préserver des espèces menacées et la lutte contre les espèces exotiques envahissantes (EEE).

D’autres thématiques importantes figurant parmi les cinq orientations stratégiques prioritaires de la MIG biodiversité et paysage (voir encadré) : la prévention du risque incendie par la gestion forestière, la mise en œuvre de la feuille de route sur les travaux forestiers et les habitats d’espèces protégées ainsi que la restauration des écosystèmes par le rétablissement de l’équilibre sylvo-cynégétique.

5 orientations stratégiques prioritaires

La MIG Biodiversité et Paysage couvre 5 orientations stratégiques prioritaires :

  1. La contribution à la Stratégie nationale des Aires Protégées (SNAP)
  2. La lutte contre les espèces exotiques envahissantes
  3. La prévention du risque incendie et gestion forestière
  4. La mise en œuvre de la feuille de route sur les travaux forestiers et les habitats d’espèces protégées
  5. La restauration des écosystèmes par le rétablissement de l’équilibre sylvo-cynégétique

7 missions phares

  1. La consolidation d’un réseau cohérent de réserves biologiques (RB) en forêt publique, dans l’Hexagone et dans les départements d’Outre-mer (DOM), contribuant aux politiques nationales d’aires protégées et aux engagements internationaux de la France
  2. Le développement de surfaces d’espaces forestiers sous protection forte
  3. La surveillance de la biodiversité, dont la lutte contre les espèces exotiques envahissantes et le rétablissement de l’équilibre sylvo-cynégétique
  4. La participation de l’ONF à des programmes de restauration de la biodiversité à travers la mise en œuvre des plans nationaux d’actions en faveur de la protection d’espèces menacées (PNA)
  5. La valorisation des compétences de l’ONF en matière de gestion des dunes et autres milieux terrestres littoraux, auprès des autres gestionnaires d’espaces naturels littoraux
  6. La préservation, restauration, connaissance et gestion des milieux humides, dont les ripisylves
  7. La participation de l’ONF aux démarches liant forêt et société dont les actions liées au patrimoine mondial de l’UNESCO, Forêt d’Exception® et le projet d’Exploratoire photographique des paysages forestiers.

Connaissance et protection des écosystèmes

Ces actions de préservation et de restauration de la biodiversité reposent en partie sur l'engagement des 250 membres des six réseaux naturalistes. Car pour protéger la biodiversité, il est nécessaire de bien la connaître et d’observer ses évolutions au fil du temps. Les experts naturalistes de l’Office ont pour mission d’étudier, de suivre et d’inventorier les espèces forestières, ordinaires et remarquables dans le but de mieux les protéger. Ils se répartissent en six réseaux spécialisés pour l'observation et l’étude de six grands groupes taxonomiques : l’herpétofaune (avec les reptiles et les amphibiens), les champignons (mycologie), les mammifères, les oiseaux (avifaune), les insectes, la flore et les habitats forestiers.

Ils réalisent périodiquement des inventaires et des suivis sur les espèces animales et végétales, en partenariat étroit avec le monde scientifique et associatif. À la fois naturalistes et forestiers, leur double expertise unique en Europe leur permet d’accompagner l’action des forestiers dans leurs pratiques de gestion en faveur de la préservation de nombreuses espèces
et de leurs habitats.

Aujourd’hui, grâce au travail remarquable conduit par les forestiers et les experts naturalistes, l’ONF est reconnu comme un acteur incontournable en matière de connaissances et de préservation de la biodiversité forestière. À l’heure du réchauffement climatique et de la disparition massive d’habitats et d’espèces, poursuivre, et faire connaître au plus grand nombre notre mobilisation, est plus que jamais nécessaire pour préserver la richesse écologique de nos forêts.

Damien Bertrand, responsable Biodiversité et Environnement au département Gestion multifonctionnelle des forêts à l'ONF

Focus sur des actions emblématiques

Quelques exemples d'actions de préservation de la biodiversité :

  • rédaction du dossier de création de cinq nouvelles réserves biologiques,
  • formalisation d’un programme de surveillance de la biodiversité des forêts publiques
  • identification de nouvelles espèces
  • développement d’un prototype de solution informatique dans le cadre de l’Exploratoire photographique des paysages forestiers
  • la récupération de ponte de grands tetras transmises a un centre d'élevage de l'espèce situe dans les Cantabriques en Espagne dans le cadre d’un accord entre les autorités françaises et espagnoles.
  • dans les outre-mer, lutte contre les Espèces exotiques envahissantes (EEE) ou des actions pour la protection des tortues marines
Deux forestiers de l'ONF accroupis au bord d'une mare en forêt de Moulière
©Martin Girard / 16Prod / ONF

À Moulière, la protection de la biodiversité au cœur de la gestion forestière

En forêt domaniale de Moulière (Vienne), dans le cadre d'un projet de création de réserve biologique, l'ONF entretient un très grand réseau de landes et de mares. Ces espaces naturels fragiles abritent de nombreuses espèces remarquables. Les forestiers et les naturalistes de l’ONF travaillent pour rendre compatibles gestion forestière et préservation de la biodiversité. Des inventaires naturalistes ont été menés, mettant en évidence plus de 700 espèces (serpents, amphibiens, oiseaux, chauves-souris, micromammifères…). « C’est primordial de mettre en évidence ces suivis sur différents milieux pour connaître notre patrimoine ordinaire et extraordinaire et faire en sorte de le préserver pour les générations futures. », explique Sandrine Jacquelin, herpétologue. Des données précieuses et utiles également pour les forestiers qui peuvent ainsi adapter leurs plans de gestion pour mieux protéger la biodiversité.

Forêt guyanaise défoliée vue d'un hélicoptère
©Alexandre David / ONF

Guyane : des premiers signes de dépérissements sous surveillance

Depuis 2022, les forestiers de l’Office ont constaté une hausse de la mortalité des essences forestières sur un territoire jusque-là épargné. Grâce à des survols aériens, ils évaluent aujourd’hui la surface impactée par ces dépérissements à quelque dix mille hectares. Afin de comprendre ce phénomène, des équipes mènent des recherches régulières sur le terrain. Étude des sols, observations sur les arbres morts sur pieds… Le soutien de la mission d‘intérêt général leur permet de réaliser plusieurs passages pour étudier et analyser ces données nouvelles. L'engorgement des sols suite aux fortes précipitations causées par le phénomène La Niña ainsi qu'une succession de saisons sèches intenses pourraient être à l’origine de cette mortalité importante et rapide. En Guyane, où l’Office gère environ six millions d’hectares de forêts publiques, on trouve près de 400 000 espèces animales et végétales ainsi que 1 800 espèces d’arbres différentes. Dans le but de préserver ce trésor de biodiversité, les forestiers poursuivront leurs suivis attentifs en 2025.

Charlotte Virgillito, responsable d’unité territoriale Est Cantal, identifie un champignon par observation.
©Jérémy Mazet / 16Prod / ONF

Un inventaire mycologique pour évaluer la qualité de la biodiversité forestière

Les champignons jouent un rôle clé dans la forêt : vivant en symbiose avec les plantes, ils recyclent la matière organique et concourent aux mécanismes de sélection naturelle. Ce sont en outre de précieux indicateurs de la biodiversité forestière. C’est précisément ce que sont venus chercher, en septembre 2024, les naturalistes du réseau mycologie de l’ONF lors d’un inventaire dans la réserve biologique intégrale de Chamalière et Peyre Ourse en forêt domaniale de Murat (Cantal). Les observations effectuées sur le terrain, mais aussi en laboratoire, sont ensuite comparées aux listes rouges des espèces menacées ou vulnérables. « C’est en croisant cette liste et nos observations qu’on va pouvoir déterminer la qualité patrimoniale de la forêt », explique Gérald Gruhn, animateur du réseau mycologique de l’ONF. À terme, ces travaux offriront aux forestiers une meilleure connaissance du milieu, et donc une protection renforcée dans le cadre de la gestion forestière courante.

Phaéton à bec jaune
©Laurent Bouveret

Mission naturaliste en Guadeloupe

En Guadeloupe, dans la Réserve biologique dirigée (RBD) de Nord Grande Terre où se trouvent les écosystèmes fragiles de la forêt sèche guadeloupéenne, un programme de suivi d’oiseaux marins lancé en 2022 a récemment été renforcé. Ce soutien permet aux naturalistes de l’Office d’avoir une présence constante en vue d’ajuster les aménagements adéquats au maintien d’espèces protégées comme le Phaéton à bec rouge, le Phaéton à bec jaune ou la Sterne bridée. Sur place, les experts étudient leurs comportements lors des nidifications mais aussi hors des périodes de reproduction. Des missions d’observation ont également permis de découvrir des gîtes de chauve-souris, Natalus stramineus, révélant les richesses faunistiques présentes dans cette réserve. En collaboration avec des partenaires locaux, l’ONF assure le suivi de cette espèce et la protection de son habitat. Véritable laboratoire dédié à la biodiversité, la RBD de Nord Grande Terre recèle également une diversité mycologique que les naturalistes de l’ONF et des bénévoles inventorient avec rigueur.